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Exercice du pouvoir : Les trois premières gaffes d’IBK

ibrahim_IBK.

Il n’y a eu aucune larme versée pour les victimes des inondations de Bamako. Ni même une visite aux familles endeuillées ou en détresse. Un communiqué laconique du RPM a suffi. A l’époque, des voix se sont élevées pour dénoncer la tournée que le Président élu avait entreprise dans la sous-région et en Afrique centrale aussi. Le nouveau « Mansa » malien était accusé de n’avoir pas interrompu son périple pour rentrer au pays natal en guise de solidarité au Mali, notamment aux Bamakois qui l’avaient massivement voté lors des élections du 28 juillet et du 11 aout 2013. Les partisans d’IBK ont contre-attaqué en avançant l’argument qu’il n’était pas encore entré dans ses fonctions. Qu’à cela ne tienne ! Il aurait pu, après la prise de ses quartiers, accorder un simple accueil aux pauvres familles, histoire de leur remonter le moral. Les voix mécontentes se sont tues néanmoins. Pas pour longtemps.

Quelque temps après, à la veille de la Tabaski, une pinasse transportant des Maliens pressés de joindre les siens pour la fête sombrait dans le fleuve Niger, au large de Konna, ville tristement devenue célèbre depuis les accrochages avec les islamistes. Environ soixante-dix personnes trouvent la mort par noyade.

 

Le Mali est de nouveau sous le choc et l’émotion. Il a retenu son souffle afin de voir ce qui suivrait. Le Président malien brille (encore !) par son absence sur les lieux. Aucune rencontre avec les parents des victimes. Sauf une adresse, laconique comme d’ordinaire, lancée à la face de la Nation depuis la colline de Koulouba. Les adversaires montent alors sur leurs grands chevaux et crient au scandale. IBK reste imperturbable. Le peuple consent tout de même car il fonde un grand espoir en l’homme dont on dit qu’il a le poing de fer dans un gant de velours, il est l’incarnation du changement tant attendu dans un Mali meurtri jusque dans la moelle de ses os par la violente tempête de problèmes qui s’est abattue sur la tête de l’écrasante majorité des citoyens. Il n’est qu’à son début de mandat, donc trop tôt de lancer des flèches.

 

Le temps passe un peu encore…De nouveau, c’est l’épatement général : sont levés les mandats d’arrêt lancés contre les membres de la rébellion, puis des rebelles touareg, responsables des tueries de soldats et de civils maliens, font subitement surface sur la liste électorale législative du RPM, parti au pouvoir depuis le 4 septembre dernier. La provocation semble ne pas connaitre de limite aux yeux de beaucoup.

 

L’armée des mécontents grandit, même parmi les partisans d’IBK, certains trouvent que c’est un excès, voire une insulte au peuple. Pour calmer les esprits, le Président prône la réconciliation, condition sine qua none, à son avis, de la mise en marche de la locomotive malienne en panne. « S’il le faut au nom de la réconciliation, nous libèrerons d’autres prisonniers ! », martèle IBK. La confusion monte, le doute aussi avec elle. Le peuple a soif qui attend de voir à l’action son homme de rigueur, son « Kankeletigui »…

 

Le samedi 3 novembre 2013, c’est encore le drame. Après une interview qu’ils venaient de prendre à l’un des responsables du MNLA à Kidal, ville malienne devenue fantôme depuis que l’opération Serval a commencé à jouer dans les côtés sombres, deux journalistes français de RFI sont enlevés par des hommes s’exprimant en tamashek. Quelques heures après, leurs corps ont été retrouvés avec des traces de balles, à quelques kilomètres de la ville. Les questions viennent sur les lèvres : pourquoi l’enlèvement a été commis devant le domicile du membre du MNLA ? Pourquoi celui-ci n’a pas donné l’alarme aussitôt et comment les ravisseurs ont-il pu s’extirper des filets des check-points dressés aux sorties de la ville ? Enfin, pourquoi ces deux journalistes français ont-ils été si rapidement abattus sans demande de rançon, pourquoi eux deux et pas d’autres ?

 

L’émotion est au comble au Mali. Le Président malien, IBK, en a témoigné en coulant publiquement des larmes sur les cercueils des deux journalistes français. Il s’était rendu à l’aéroport de Senou pour rendre un hommage aux défunts, sans oublier de les décorer à titre posthume pour avoir « donné leur vie au Mali», selon son expression. Par-delà l’émotion et l’indignation générale, c’est la goutte qui fait déborder le vase de toutes les critiques à l’adresse du Président. On lui a vite rappelé les victimes des inondations, du naufrage, les soldats maliens, les femmes violées, les enfants orphelins que lui, IBK, a toujours négligés, pour lesquels il n’a jamais versé une larme, ni même daigné se rendre sur les lieux du drame ou prier sur les cercueils des morts. Décidément alors, un Français ne meurt pas de la même façon qu’un Malien. Les uns ont droit aux hommages, les autres au mépris comme d’habitude dans la « République françafricaine ». Pas la peine de se casser la tête pour un Nègre sans double nationalité?

 

Les gaffes se multiplient…

Du reste, nul n’a vu Sarkozy ou Hollande, encore moins Juppé qui se réjouissait même que les soldats maliens aient été égorgés par le MNLA en janvier 2012 à Anguel Hoc, verser des larmes ou venir rendre des hommages à nos pauvres hommes assassinés. Ils ne l’ont pas fait pour les deux journalistes abattus, à plus forte raison pour des gens qu’ils considèrent comme de troisième classe. Nul n’a vu le Président kenyan, lors de son discours, verser des larmes suite aux attaques du central commercial à Nairobi qui ont fait des dizaines de morts, y compris des Européens. Nul ne verra Paris organiser un débat ou une marche de protestation suite à l’assassinat des Maliens, s’ils ne sont pas Touareg. Mais quand ce sont des Français qui tombent, Paris s’indigne profondément, devient même très nerveuse quoique les Françafricains noirs prouvent leur bonne volonté en procédant à des cérémonies pompeuses avec décorations, interviews, émotions et marches. Certains extrémistes et racistes français de l’espèce primitive d’Alain Marsaud, cachés dans des manteaux de spécialistes africains, vont alors jusqu’à demander que le Mali soit divisé en deux Etats. Face à cette déclaration odieuse, Bamako officiel ne crache aucun mot. Plus nous permettons, moins nous avons le respect des autres. La France acceptera-t-elle que la Calédonie devienne un Etat indépendant ?

 

En dépit des grands discours truffés de sourates dans un Mali laïc, les actions d’IBK se font attendre et les gaffes du Président se multiplient de jour en jour. Pourtant, l’homme est un chevronné de la politique et de tous ses rouages. Il a prouvé sa rigueur, il est donné pour un grand soucieux et amoureux du Mali.

 

Alors où se situe la cause de ces gaffes et tâtonnements ? Sans trop se tromper, il faut la rechercher dans l’entourage du Président. A moins qu’IBK ne soit une personne qui n’écoute pas, Il ressort clairement que la communication et les conseillers lui font défaut. En un laps de temps, il ne devrait pas tomber sur les mêmes sabres, surtout quand on sait ou ceux-ci se trouvent sur le chemin. IBK souhaite faire du neuf avec du vieux. En ce sens qu’il s’est entouré de beaucoup d’individus qui sont les premiers responsables de la chute du Mali. Ceux-ci, ne changeront jamais leurs méthodes d’agir et de « travailler ». Ceux-ci seront sa plaie, car le jour ils disent une chose, la nuit ils font son contraire. Un président, même fort et rigoureux, devient faible quand il est mal entouré. C’est à IBK de le savoir avant tout. Il n’est pas encore tard de rectifier le tir. Le Mali attend le changement promis… Il garde la foi en vous, Monsieur le Président.

Pleurer est naturel. Mais un leader qui pleure manifeste déjà sa faiblesse et son impuissance.

 

 

Source: L’Aube

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