Ils sont massivement sortis, le samedi 26 janvier, pour prendre d’assaut la salle Banzoumana Sissoko du Palais de la Culture Amadou Hampaté Bah. L’enceinte a refusé du monde à l’occasion de la journée de protestation de la communauté Peule du Mali, qui répondait ainsi à l’appel de l’Association des amis de la culture peule Tabital Pulaaku.
Tout de rouge drapés dans des t-shirts, chemises ou grands boubous, ceux qui ne l’étaient pas ont choisi d’arborer les écharpes au cou ou de l’attacher au poignet.
C’est le cas d’Oumarou Sarré, membre de l’Association des griots peulhs, qui arborait une écharpe rouge passée obliquement autour du corps, de l’épaule droite à la hanche gauche, sur laquelle on peut lire le slogan suivant : « Arrêtez le massacre …. Trop c’est trop ».
«Le rouge symbolise le sang dans notre pays, c’est pourquoi une partie du drapeau du Mali est en rouge. Aujourd’hui, le sang des peulhs coule partout. Nous sommes ici pour interpeller la communauté internationale et l’Etat malien à arrêter le massacre. Trop c’est trop. L’Etat a pour rôle de protéger tous les Maliens et toutes les Maliennes », nous a-t-il confié à l’entrée du Palais de la culture.
Même décor et mêmes slogans dans la salle littéralement drapée de banderoles accrochées partout et portant des inscriptions du genre «Non à la sous-traitance de la sécurité, Le sang des innocents ne doit plus jamais couler, Halte aux milices, Travailler à la cohésion sociale un impératif pour tout malien, etc. ». Idem pour les pancartes que portaient certains manifestants pour accueillir, outre le président de Tabital Pulaaku-Mali, Abdoul Aziz Diallo, celui de la
Mauritanie, Daouda Samba Diallo et du Burkina Faso, Seydou Sangaré. On notait également la présence de nombreuses autres personnalités dont le président du Haut conseil islamique du Mali, Mouhamoud Dicko, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Aliou Nouhoum Diallo, l’ancien Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga, de leaders politiques comme Soumaïla Cissé et Mamadou Hawa Gassama (URD), Me Mountaga Tall (CNID), Oumar Mariko (SADI), Amadou Thiam (ADP-Maliba).
Pour la communauté peule, cette journée de manifestation tient lieu en même temps d’expression d’une colère collective face à ce qu’elle assimile à un immobilisme des plus hautes autorités face aux exactions au Centre du Mali. C’est pourquoi ils se sont abstenus de toutes ovations durant la cérémonie entamée par une minute de silence observée en hommage aux disparus. Le pupitre est par la suite cédé aux représentants des griots peulhs pour exprimer leur soutien et leur accompagnement Tabital Pulaaku-Mali, mais en demandant aux responsables de cette association d’œuvrer à la résolution de la crise par le dialogue et la négociation. Et le président de la branche mauritanienne de l’association, Daouda Samba Diallo, d’enchainer en indiqué que tous les peulhs ne sont pas des terroristes avant d’inviter les uns et les autres à éviter l’amalgame.
La projection de vidéos et les témoignages sur la mal-traitance et les exactions subies par les Peuls au Centre du Mali ont fait couler des larmes des manifestants. «Le 25 juillet dernier, le Dozo sont venus à Somena, à 15km de Djéné, ils ont tué tous les hommes du village, 18 personnes. Par chance, ce jour-là, j’étais à Djéné pour une mission. Ils ont aussi pillé le village. Ils ont tout emporté même les cartes d’identité et les cartes NINA », a révélé un témoin.
Le président de l’Association des amis de la culture peulh Tabital Pulaaku-Mali a dépeint le tableau de la situation dans notre pays depuis le début de la crise politico-sécuritaire en 2012. Pour lui le peuple malien vit le martyre depuis les événements de mars 2012. «La vie des populations est rythmée par des exactions, persécutions, arrestations, détentions arbitraires, assassinats ciblés perpétrés par les groupes terroristes et les milices de chasseurs dozo, suscités et ou encouragés sinon tolérées par le gouvernement du Mali», a affirmé Abdoul Aziz Diallo. Il a relevé par la même occasion les cas de villages rayés de la carte, de paisibles citoyens poursuivis, traqués et chassés de leurs villages, spoliés de leurs terres, etc., sans compter les milliers de personnes et les centaines de familles réduites à des conditions infrahumaines.
Le président Abdoul Aziz Diallo a aussi révélé que face au drame, Tabital Pulaaku, seule ou accompagné par d’autres associations, a rencontré tous les Premiers ministres et les membres du gouvernement en charge de la défense et de la sécurité pour leur remettre des mémorandums et recommandations pour leur signifier la dégradation dangereuse de la situation sécuritaire. «Malheureusement, aucune action d’anticipation ni de prévention n’est venue de la part des autorités », a déploré le premier responsable de l’Association des amis de la culture peulh Tabital Pulaaku du Mali.
«Malgré le soutien de la communauté internationale, la signature de l’accord de paix et de la réconciliation nationale, la situation sécuritaire de notre pays se dégrade progressivement et dangereusement et la communauté peulh est de plus en plus sugmatisée. Ces derniers temps, nous assistons, dans plusieurs endroits du pays, notamment dans la région de Mopti, à des massacres en série, à la sous-traitance de la sécurité de la population à des corporations non attitrées, à des milices ethnico-sociales Bambara-Dogon et à des combattants aguerris venus d’ailleurs», à déballé le porte-voix de la communauté peule du Mali. Et de mentionner que la journée de colère a été initiée pour dénoncer, proposer et exiger. «Tabital Pulaaku dénonce avec fermeté le massacre de la population innocente, s’élève avec la dernière rigueur contre l’intolérance voire l’encouragement des milices, condamne l’amalgame », a-t-il déclamé, avant d’exiger le désarmement sans délai de toutes les milices armées, la dissolution immédiate de la milice criminelle et terroriste Danan Ambassagou, la fermeture des camps d’entraînement, entre autres. «Nous demandons au gouvernement la fin de l’impunité dont bénéficient les auteurs des crimes, l’arrestation et la poursuite devant les juridictions compétentes des assassins et de leurs complices, la fin de l’amalgame qui fait que tout Peul est un terroriste», a-t-il ajouté avant de conclure sur l’importance et l’urgence d’un accompagnement alimentaire et économiques des victimes de la crise.
Ousmane CAMARA
Le Témoin