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Ex-Libyens et pro-Bamako… ces Touaregs qui en 2011 ne voulaient que la paix

rebelles touareg mnla

Laurent Touchard travaille depuis de nombreuses années sur le terrorisme et l’histoire militaire. Il a collaboré à plusieurs ouvrages et certains de ses travaux sont utilisés par l’université Johns-Hopkins, aux États-Unis. Cette semaine il revient sur l’histoire, peu connue, des Touaregs ex-Libyens qui étaient pro-Bamako.

17 janvier 2012, 06H00, Ménaka, nord-est du Mali… Des tirs visent les bâtiments de l’escadron de gendarmerie ainsi que ceux de la compagnie méhariste de la Garde nationale. L’insurrection menée par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) vient de commencer. Cette action constitue l’aboutissement logique de plusieurs mois durant lesquels les irrédentistes touaregs se sont organisés et préparés à la guerre contre le pouvoir de Bamako. Les épisodes narrés ci-dessous sont désormais bien connus. En revanche, l’histoire des Touaregs ex-Libyens pro-Bamako l’est beaucoup moins. Tout commence durant l’été 2011…

Les “Libyens”

À cette date, la révolution libyenne bat son plein et la situation ne cesse de se dégrader pour les troupes de Kaddafi, sous le feu des chasseurs-bombardiers occidentaux et du Golfe Persique, harcelées par les thuwar. Les Touaregs qui servent au sein des forces loyalistes devinent qu’il ne s’agit que d’une question de temps avant que ne tombe le dictateur libyen. D’ailleurs, certains  rejoignent les rangs des révolutionnaires. D’autres entreprennent de retourner dans leur pays (pour l’essentiel Niger et Mali) dès le mois de juillet. Un de leur chef les a précédés en janvier  : Ibrahim Ag Bahanga, héros des révoltes touarègues qui abhorre le régime de Bamako.

Deux ans plus tôt, ce farouche adversaire des autorités maliennes était contraint à l’exil après avoir été blessé dans des combats avec l’armée malienne. Ag Bahanga comprend qu’une fois Kadhafi défait, il y aura un coup à jouer avec les “mercenaires” touaregs du Guide libyen. Ainsi rallie-t-il à sa cause le colonel Mohammed Ag Najem, autre vétéran des rébellions irrédentiste devenu officier de l’armée de Tripoli. Ce dernier est évidemment suivi par ses hommes. En dépit de ce succès “politique”, Bahanga ne voit pas la guerre qu’il espérait. Il meurt le 26 août 2011, dans un accident de voiture. Lui survit le colonel Ag Najem qui devient de facto la figure militaire des Touaregs.

Les loyaux et les rebelles

Les Touaregs qui rentrent de Libye ne sont pas tous des combattants, loin de là. Et ces combattants ne sont pas “plusieurs milliers”, mais de 1 000 à 1 500 hommes. Par ailleurs, même si une majorité d’entre-eux souhaitent en découdre, plus de 400 sont las de la violence et n’aspirent qu’à la paix en bonne harmonie avec Bamako. Le colonel Mohamed Ag Bachir, qui les commande, déclare à l’occasion de la cérémonie d’accueil initiée par le colonel Ag Gamou, le 18 octobre 2011  : “Nous sommes à la disposition de notre pays, dans la paix. Parmi nous, il y a des gens qui ont passé trente ans dans l’armée libyenne et nous ne connaissons pas d’autre métier que les armes” (rapporté par Baba Ahmed).

Par ces mots, il exprime son refus de la tentation séparatiste et sa volonté d’apporter à L’État malien son “savoir faire” et celui de ses hommes. De fait, contrairement à ce qui est régulièrement affirmé répétition, tous les Touaregs combattants revenus de Libye n’optent pas pour l’insurrection. Un bon tiers décide de servir le pays. Ils participeront à de dures batailles, notamment la troisième tentative de dégagement de Tessalit entre le 25 février et le 1er mars 2012 et tous ne déserteront pas, restant fidèles à Bamako même dans la défaite.

La création du MNLA

Ironie du sort ou démarche précipitée par les événements, cette cérémonie se déroule deux jours après la création du MNLA. Du 07 au 15 octobre 2011, chefs touaregs ainsi que responsables du Mouvement  national de l’Azawad (MNA) et du Mouvement touareg du Nord-Mali (MTNM) discutent à Zakak, dans le nord du Mali. Les pourparlers conduisent à la fusion des deux organisations. Elles forment le MLNA le 16 octobre 2011  ; Mohammed Ag Najem est nommé à la tête de son état-major qui se compose d’une quarantaine d’hommes. Dans son communiqué n°1 émis dès le lendemain, le nouveau mouvement donne clairement le ton quant à son but  : “Cette nouvelle organisation a pour objectif de sortir le peuple de l’Azawad de l’occupation illégale du territoire azawadien par le Mali. Ce dernier est l’animateur depuis des décennies de l’insécurité dans la région.”

Le MNLA comprend alors jusqu’à 1 500 hommes : de 600 à un peu plus d’un millier de combattants revenus de Libye auxquels s’ajoutent environ 500 jeunes de la région. Les atouts majeurs de cette force résident dans l’expérience du combat qu’ont les “Libyens” ainsi que dans leur maîtrise tactique, bien supérieures à celles des gouvernementaux. L’armement qu’ils ont ramené de Libye est évidemment un «  plus  », mais ne fait pas tout, d’autant qu’il ne s’agit aucunement d’armes “sophistiquées”. Cette faiblesse numérique explique en partie pourquoi le MNLA tolérera la présence des rivaux d’Ansar Eddine et des jihadistes opportunistes d’Aqmi à ses côtés. Les nombreuses (avec toutefois des exceptions notables) désertions d'”intégrés” de l’armée malienne porteront les effectifs à environ 2 500 hommes début 2012 (le Conseil de sécurité de l’ONU parle de 1 500 à 2 000 hommes, toutes factions confondues, en mars 2013).

En cette fin d’année 2011, les ex-Libyens commencent d’entraîner les jeunes rebelles inexpérimentés. Quand ils passeront à l’attaque, renforcés des jihadistes et islamistes, trois mois plus tard, ils balaieront des troupes maliennes totalement dépassées. Batailles mobiles et sièges s’enchaîneront jusqu’au 06 avril 2012, lorsque le mouvement irrédentiste proclamera l’indépendance de l’Azawad, avant d’être à son tour malmené et “délogé” par ses dangereux alliés de circonstances  : Aqmi, Mujao et Ansar Eddine. Les touaregs loyaux au drapeau malien, eux, seront toujours fidèles au poste début 2013 au moment où salafistes et islamistes lanceront l’offensive en direction de Sévaré. Et ils seront là lorsque sonnera l’heure de la reconquête emmenée par la France, quelques jours plus tard. S’il convient de s’interroger sur les raisons profondes qui ont motivé l’insurrection touarègue, il importe aussi de ne pas oublier que tous les Touaregs ne veulent pas d’un Azawad indépendant, mais d’une vie digne et paisible, avec une économie locale prospère, des écoles pour les enfants, des médecins, des vétérinaires, une administration et une justice pour tous, des forces de sécurité capables de lutter contre les terrobandits et les trafics, une représentation politique véritable.

27/12/2013 à 11:40 Par Laurent touchard

Source: Jeune Afrique

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