Plus d’une année après les faits, les Nations unies ont rendu public le vendredi dernier un rapport accablant sur les événements de Mourra où les Forces armées maliennes sont accusées d’avoir tué 500 personnes entre le 27 et le 31 mars 2022. Le document dont le contenu conclut un massacre de masse est rejeté par le gouvernement de la transition et plusieurs de ses soutiens.
Malgré le refus des autorités maliennes, du 1er avril au 30 octobre 2022, l’équipe des enquêteurs de la mission d’établissement a mené des recherches à Bamako, Douentza, Mopti et Ségou auprès des victimes et leurs familles en vue de vérifier et corroborer les informations et allégations recueillies et collecter des informations additionnelles.
Le rapport détaille jour après jour le déroulement des événements à Moura. Selon des témoins, un hélicoptère militaire a survolé le village en ouvrant le feu sur la population, tandis que quatre autres hélicoptères ont atterri et des troupes ont débarqué. Selon le récit des témoins, les soldats ont encerclé les gens dans le centre du village, tirant au hasard sur ceux alors qu’ils tentaient de s’échapper. Certains militants de la Katiba Macina présents dans la foule ont riposté aux tirs des troupes.
Au moins 20 civils et une douzaine de membres présumés de la Katiba Macina ont été tués. Puis, au cours des quatre jours suivants, au moins 500 personnes auraient été sommairement exécutées entre le 27 et le 31 mars, selon le rapport. L’équipe de la mission d’établissement des faits a obtenu de nombreuses données d’identification personnelle, y compris les noms d’au moins 238 de ces victimes.
Il s’agit d’une vingtaine de civils tués le 27 mars par des tirs aériens effectués par les Forces armées maliennes et les personnels militaires étrangers pour empêcher la population de s’enfuir et de quitter Moura et d’au moins 500 individus, y compris une vingtaine de femmes et sept enfants, exécutés par les Forces armées maliennes et les personnels militaires étrangers entre le 27 et le 31 mars après que la zone ait été totalement « maitrisée ».
Ces informations seraient recueillies à la suite de 157 entretiens effectués auprès des individus venant de 18 localités. De même, le rapport souligne que la mission a aussi interviewé 15 victimes de viols et violences sexuelles perpétrés par des éléments des Forces armées Maliennes au cours de l’opération militaire. Par ailleurs, la mission s’est également entretenue avec 42 personnes sur les 58 arrêtées lors de l’opération militaire à Moura qui ont été libérées par la suite.
Également, sur la base des informations recueillies, la mission d’établissement des faits a des « motifs raisonnables de croire » que 58 femmes et jeunes filles ont été victimes de viol et autres formes de violences sexuelles perpétrés par des éléments des Forces armées Maliennes.
« Les événements à Moura entre le 27 et le 31 Mars pourraient constituer des crimes de guerre et commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre la population civile, ils pourraient constituer des crimes contre l’humanité », souligne le rapport.
De plus, le document de l’enquête de l’ONU indique que selon les informations recueillies, les militaires ont infligé des traitements inhumains et dégradants ainsi que des actes de torture aux personnes capturées dans le cadre de l’opération militaire conduite du 27 au 31 mars. Ces personnes ont été torturées aussi bien à Moura, à Sévaré ainsi qu’à Bamako à l’Agence nationale de la sécurité d’état (ANSE), précise le document.
La mission d’établissement des faits indique que les règles de la conduite des hostilités n’ont pas été respectées avec la collaboration des forces étrangères sans plus de plus précision.
Avant de rendre public ce document, la mission a rappelé que par notes verbales en date du 18 avril 2023, son contenu avait été communiqué aux autorités maliennes de transition et russes pour obtenir leurs observations factuelles, conformément à la pratique habituelle et en référence à la résolution 2640 (2022) du Conseil de sécurité qui « demande de communiquer avec les partenaires compétents, selon qu’il convient ».
À la date de la publication du présent rapport, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme n’avait toujours pas reçu les commentaires des autorités maliennes de transition ou russes.
Aussitôt sa publication, le gouvernement de la transition et plusieurs de ses soutiens ont déclaré ne pas se reconnaître dans ce document. Pire, le gouvernement accuse la mission d’établissement des faits d’espionnage pour avoir utilisé des satellites pour obtenir des images, sans autorisation et à l’insu des Autorités maliennes dans le cadre de ses enquêtes.
Quant aux accusations, le gouvernement persiste à nier que les opérations à Mourra n’avaient fait aucune victime civile. Toutes les victimes étaient membres des groupes terroristes.
« Aucun ressortissant civil de Moura n’a perdu la vie pendant l’opération militaire. Parmi les morts, il n’y avait que des combattants terroristes et toutes les personnes interpellées ont été mises à la disposition de la Gendarmerie de Sévaré. Après enquête, les personnes interpellées ont été transférées au Service d’Investigations judiciaires de la Gendarmerie nationale de Bamako, puis mises à la disposition de la justice», réaffirme le gouvernement dans son communiqué.
PAR SIKOU BAH
Source : Info Matin