Lorsque l’on parle d’Afrique en Europe, trop souvent malheureusement la question migratoire et la menace terroriste prennent le dessus dans le débat public, aux dépens des formidables opportunités économiques qui lient les deux continents. L’esprit des Européens est également très focalisé sur les élections fin mai, l’avenir de l’Union, le Brexit, nos relations avec la Chine et les États-Unis… Beaucoup moins sur l’Afrique.
Pourtant les chiffres sont là : l’Europe est le premier partenaire commercial de l’Afrique avec 36 % des échanges, soit 243, 5 milliards d’euros en 2017, loin devant la Chine (16 %) et les États-Unis (6 %). De la même manière, sur la même année, le secteur privé européen représente plus de 40 % des investissements directs étrangers (IDE) en Afrique, soit 291 milliards d’euros, contre 7 % pour les États-Unis et 5 % pour la Chine[1] !
Autrement dit, loin des clichés et même si la France notamment perd des parts de marchés sur le continent depuis l’arrivée des Chinois, Brésiliens, Turcs…, l’Afrique et l’Europe ont un intérêt commun à intensifier et raffermir leur partenariat. L’Afrique a besoin de l’Europe pour consolider sa marche vers l’émergence caractérisée notamment par une croissance supérieure à 5 % par an depuis le début des années 2000. Inversement, les relais pour la création d’emplois en Europe sont aussi au Sud. Pour notre seul pays, on estime que 800 000 emplois [2] pourraient être générés d’ici à 2030 par les échanges avec notre immense voisin qui comptera plus de 2,5 milliards d’habitants et un quart de la population active mondiale en 2050.
Le sait-on à Paris et à Bruxelles ? Pas sûr !
De ce point de vue, la mise en place du futur Parlement européen et le lancement des négociations sur le prochain accord de partenariat Europe-Afrique (« post-Cotonou ») à partir de 2020 constituent une formidable opportunité pour à la fois raviver et densifier qualitativement nos relations économiques, et élaborer un nouveau récit Afrique-Europe articulé autour des vrais enjeux et non sur des peurs ressassées.
Pour cela, il convient tout d’abord de favoriser une plus grande implication des secteurs privés et des sociétés civiles, qui sont les leviers les plus puissants si nous voulons vraiment collectivement changer la donne.
Il n’est pas question ici de discréditer les dons, l’aide publique au développement et les bailleurs de fonds qui constituent les éléments essentiels des politiques publiques et qui permettent notamment d’impulser le financement de vastes programmes d’infrastructures essentiels pour sortir l’Afrique d’une forme d’isolement dans les chaînes de valeur mondiales. Mais il suffit de comparer le volume additionné des échanges commerciaux, des IDE et des transferts des migrants (70 milliards d’euros par an) [3] à l’enveloppe du Fonds européen de développement (FED) –
76, 6 milliards d’euros depuis 2000 – pour comprendre la nécessité de faire travailler ensemble tous les acteurs qui relient les deux continents.
La deuxième priorité concerne le « narratif » Afrique-Europe et la promotion des intérêts partagés ou réciproques. Par notre pratique du conseil en communication et en affaires publiques, nous sommes en effet convaincus qu’il faut combler un déficit de connaissance et de dialogue que nous constatons entre les décideurs publics et privés africains d’une part, et leurs homologues européens d’autre part.
C’est justement tout l’objet de la conférence à Bruxelles mardi 2 avril intitulée « Afrique – Europe : créer de la valeur et construire un futur ensemble » et organisée par 35°Nord et Lysios. Pour que les opinions publiques des deux côtés de la Méditerranée se parlent enfin des vrais sujets qui peuvent construire un futur en commun, il est indispensable que les leaders d’opinion fassent une réelle pédagogie de ce qui rapproche et non ce qui éloigne les deux continents.
Romain Grandjean et Philippe Perdrix sont co-fondateurs et associés de 35°Nord.
Jean-Luc Archambault et Grégoire Schöller sont Président et expert associé de Lysios.
Lopinion