Un minibus rempli de touristes quitte Lalibela pour filer vers l’aéroport. Sur la route, il s’arrête pour prendre des passagers devant la cour d’une école primaire, où une centaine de personnes, habillées du traditionnel gabi blanc, portent haut drapeaux et fusils. Aussitôt, les téléphones portables et appareils photo des passagers immortalisent la scène. Mais combien comprennent alors qu’il s’agit d’un hommage rendu à un jeune milicien, prénommé Mareg, mort au front dans la guerre civile qui ronge le nord de l’Ethiopie depuis presque deux ans ?
Nichée dans les montagnes du nord du pays, en région amhara, la petite ville de Lalibela est un joyau de l’Ethiopie médiévale et un lieu saint de l’orthodoxie éthiopienne. Ses églises rupestres du XIIIe siècle attiraient, avant 2020, des dizaines de milliers de touristes et de pèlerins chaque année.
Depuis la pandémie de Covid-19 et la guerre civile, ils ne sont plus qu’une poignée. En 2021, la « Jérusalem de l’Afrique » a été occupée pendant cinq mois, entre août et décembre 2021, par les insurgés du Front populaire de libération du Tigré (FPLT). Elle se trouve désormais à une quarantaine de kilomètres du front.
A la frontière nord et est de l’Amhara, la province du Tigré, sous blocus, affronte le gouvernement fédéral et ses alliés – amhara et érythréens – depuis novembre 2020. Alors que les deux camps étaient parvenus à signer une fragile « trêve humanitaire » en mars, les combats ont repris violemment le 24 août. Une nouvelle phase de cette guerre qui aurait déjà fait des dizaines de milliers de victimes, d’après des diplomates occidentaux en poste à Addis-Abeba.
Un couvre-feu a été instauré
Depuis le début du conflit, le nombre de morts pourrait se compter en centaines de milliers selon des chercheurs de l’université de Gand, en Belgique, qui se sont fondés sur les rares données en provenance du Tigré pour estimer l’ensemble des pertes militaires, des victimes de la malnutrition et du manque d’accès au soin.
A Lalibela, le va-et-vient des convois militaires est continu dans le centre-ville. La bourgade sert de base logistique à l’armée éthiopienne. Des milliers de soldats y ont été transportés depuis Addis-Abeba par des vols de la compagnie nationale Ethiopian Airlines début septembre, une pratique pourtant interdite par la convention internationale de l’aviation civile. Les forces spéciales de la région y stationnent également, ainsi que des miliciens amhara, appelés « Fano ».
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Source: Le Monde