L’ancien président américain devrait être prochainement poursuivi pour avoir acheté, pendant la campagne présidentielle de 2016, le silence d’une actrice pornographique à propos d’une relation extraconjugale. Il a dénoncé, dans un communiqué, une « persécution politique ».
Un grand jury d’un tribunal de New York a voté l’inculpation au pénal de Donald Trump rapportent, jeudi 30 mars, des médias américains.
L’ancien locataire de la Maison Blanche, qui rêve de la reconquérir en 2024, devrait être officiellement inculpé dans les prochains jours par le procureur de Manhattan Alvin Bragg, dépendant de la justice de New York, pour le versement, pendant la campagne présidentielle de 2016, de 130 000 (119 000 euros environ) dollars à l’actrice de films pornographiques Stormy Daniels, afin de faire taire les allégations d’une relation sexuelle extraconjugale en 2006, rapportent notamment le New York Times et CNN, citant des sources proches du dossier.
Joe Tacopina, l’un des avocats de Donald Trump, a déclaré avoir été informé de l’acte d’accusation, faisant de son client le premier ancien président américain accusé au pénal.
« Nous avons contacté ce soir l’avocat de M. Trump pour coordonner sa reddition devant le procureur du district de Manhattan pour une audience d’inculpation devant une cour suprême » de New York, a indiqué dans un bref communiqué un porte-parole du parquet de Manhattan. L’acte d’inculpation reste pour l’instant « sous scellés » et la date de l’audience n’est pour le moment pas connue, selon le communiqué. CNN évoque une trentaine de chefs d’inculpation tournant autour de fraudes pour dissimuler la circulation et la comptabilité fin 2016 des 130 000 dollars.
Donald Trump a rapidement dénoncé une « persécution politique », dans un très long communiqué. « Ils ont fait l’impensable, ils ont inculpé une personne complètement innocente, dans un acte flagrant d’ingérence électorale », affirme-t-il dans un texte très offensif. « Je suis certain que cette chasse aux sorcières se retournera violemment contre Joe Biden », assure-t-il. Eric Trump, l’un de ses fils, a évoqué, sur Twitter, un « acte opportuniste visant un opposant politique en pleine campagne électorale ».
« Personne n’est au-dessus de la loi », a déclaré, de son côté, Clark Brewster, l’avocat de Stormy Daniels. « L’inculpation de Donald Trump n’est pas un motif de réjouissance », a-t-il assuré sur Twitter. « Maintenant, que la vérité et la justice l’emportent », a-t-il ajouté.
Donald Trump nie « tout délit »
Le camp républicain s’est rapidement porté en soutien de l’ancien président. La décision d’inculper Trump a « irrémédiablement endommagé notre pays », a ainsi dénoncé le président républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy. « Le peuple américain ne tolérera pas cette injustice », a-t-il assuré sur Twitter, critiquant un « abus de pouvoir sans précédent » de la part du procureur, Alvin Bragg.
Le rival républicain de Donald Trump, Ron DeSantis, a lui estimé que cette prochaine inculpation est « contraire aux valeurs de l’Amérique », et a critiqué une « instrumentalisation du système judiciaire ». Le gouverneur de Floride, qui flirte avec une candidature en 2024, a assuré que son Etat, dans lequel Donald Trump réside, ne répondrait pas favorablement « à une demande d’extradition » de l’ancien président.
Dans les jours qui viennent – mardi 4 avril, a évoqué son avocat –, M. Trump devra donc se « rendre » au tribunal de Manhattan pour se voir signifier son inculpation par un juge, être brièvement et symboliquement placé « en état d’arrestation », photographié et ses empreintes digitales relevées. Il devra plaider coupable ou non coupable.
Donald Trump avait réussi un coup d’éclat politique le 18 mars en affirmant, sans la moindre preuve, sur son réseau Truth Social qu’il serait « arrêté » et comparaîtrait devant un tribunal new-yorkais trois jours plus tard pour y être inculpé. Rien ne s’était passé dans l’immédiat, et le pays a attendu dix jours cette possible mise en examen.
Depuis le 20 mars, un grand jury – panel de citoyens aux pouvoirs d’enquête qui travaille de concert avec des procureurs et vote des inculpations – ne s’est réuni qu’à deux reprises et aucune autre convocation n’était prévue. De son côté, Donald Trump, qui nie « tout délit » et toute liaison avec Stormy Daniels, avait estimé dimanche et lundi que l’enquête était « morte », une « escroquerie » et une « ingérence électorale » orchestrées par des « voyous » avant la présidentielle de 2024.
Michael Cohen, l’homme clé
Depuis des années, la justice cherche à déterminer si l’ex-président républicain de 76 ans s’est rendu coupable de fausses déclarations, une infraction mineure, ou de manquement aux lois sur le financement électoral, un délit pénal, en ayant versé de l’argent à l’actrice de films pornographiques Stormy Daniels, de son vrai nom Stephanie Clifford, juste avant sa victoire à la présidentielle de novembre 2016.
L’homme clé du dossier s’appelle Michael Cohen : ancien avocat et désormais ennemi de M. Trump, il avait payé Stormy Daniels. Il a témoigné devant le grand jury, et l’actrice a aussi coopéré avec la justice.
Accusé par M. Trump d’être un « animal » et un « raciste » et par des républicains d’avoir un « mobile politique », le procureur Bragg, un élu démocrate afro-américain, avait répondu que le milliardaire avait « créé une fausse attente » médiatique sur son inculpation et dénoncé une « ingérence » dans l’enquête.