Après l’annonce par Barack Obama de son intention d’utiliser son pouvoir réglementaire pour mieux contrôler la vente des armes à feu, les Américains se sont rués dans les armureries. Au cours du seul mois de décembre, plus de 1,5 million de guns ont été vendus ! Il faut remonter à janvier 2013, après la réélection d’Obama, pour trouver trace d’un tel engouement (2 millions). En novembre 2008, juste après sa première élection, le total des ventes avait atteint 1,1 million. Pour mémoire, 754 000 armes à feu avaient été écoulées en septembre 2001. Il y aurait actuellement 300 millions d’armes en circulation à travers le pays.
On l’aura compris : entre Obama et les pro-gun, ce n’est pas le grand amour. Le 12 janvier devant le Congrès, le président a prononcé son dernier discours sur l’état de l’Union. Dans l’auguste assemblée, un siège est resté vide à dessein, à la mémoire des victimes des armes à feu. Chaque année, 30 000 Américains sont tués par balle, qu’il s’agisse d’un suicide, d’un acte criminel ou d’une tuerie de masse. Loin d’inciter à l’adoption de lois plus sévères, la multiplication des drames a eu l’effet inverse. Après le massacre de l’école élémentaire de Sandy Hook, dans le Connecticut (26 morts, dont 20 enfants, en décembre 2012), le Congrès a par exemple rejeté un projet de loi visant à améliorer le contrôle des armes. Depuis, seuls 6 États sur 50 ont adopté des lois restrictives.
Le 5 janvier, à la Maison Blanche, le président n’a pu retenir ses larmes à l’évocation de cette tragédie : « Chaque fois que je pense à ces enfants, ça me rend fou. » Deux jours plus tard, il a répondu en direct sur CNN aux questions d’un panel de ses compatriotes qui l’accusaient de vouloir leur retirer leurs armes. Il s’agit selon lui d’« une idée fausse entretenue pour des raisons commerciales ou politiques ». Le 8 janvier, dans un éditorial publié par le New York Times, il a comparé la lutte contre la prolifération des armes à celle pour les droits civiques, et exhorté les Américains à s’élever contre la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des armes qui avait torpillé son initiative législative après Sandy Hook.
Que proposent les décrets ?
Les décrets d’Obama visent notamment à mieux encadrer les transactions (40 % du total) qui ne donnent pas lieu à un contrôle des antécédents de l’acheteur parce que faites par des particuliers, dans des foires ou sur internet. Leur efficacité sera hélas probablement limitée. Si les vendeurs réguliers (entre 25 et 150 armes par an) devront posséder une licence les obligeant à pratiquer ces contrôles, qu’en sera-t-il des plus petits ? « Je ne pense pas que beaucoup de particuliers vont s’enregistrer auprès du Bureau de l’alcool, du tabac, des armes et des explosifs », admet dans le New York Times Mike Sullivan, ancien directeur dudit Bureau. Un meilleur contrôle passe par une réforme ambitieuse votée par le Congrès et/ou l’adoption de lois plus restrictives au niveau des États, comme en Californie, où les armes d’assaut automatiques sont interdites.
On en est loin. Speaker de la Chambre des représentants, Paul Ryan a d’ores et déjà annoncé que l’initiative d’Obama serait abrogée si un président républicain venait à être élu en novembre. « Jamais au cours de son mandat le président Obama n’a respecté le droit à porter une arme de façon légale et sûre que notre pays tient pour une valeur fondatrice », a-t-il estimé. Plusieurs signes indiquent pourtant que la donne est en train de changer. Hillary Clinton a promis que, si elle était élue, elle mettrait en place un contrôle « agressif ». Autre candidat démocrate, Bernie Sanders a pour sa part annoncé qu’il soutenait l’initiative d’Obama.
Des lobbys en faveur du contrôle des armes s’affirment, comme Everytown for Gun Safety, qui, créé après Sandy Hook, compte déjà 3 millions de membres (5 millions pour la NRA). Ils ont obtenu une belle victoire en Virginie, où les permis de port d’arme délivrés par 25 États ne sont plus reconnus. Une gifle pour la NRA, qui a son siège dans cet État traditionnellement pro-gun.