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Espace d’interpellation démocratique : CLARIFIER SES COMPÉTENCES, FAIRE APPLIQUER SES RECOMMANDATIONS

Pour cette 20è édition, les services du médiateur de la République ont enregistré 206 demandes d’interpellation dont un peu moins de 40% émanent du district de Bamako et le reste des régions

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Pour la vingtième fois consécutive, gouvernants et gouvernés se sont donnés rendez vous pour un exercice qui fait la fierté de notre jeune démocratie. L’Espace d’interpellation démocratique EID est une messe collective basée sur la volonté de transparence et de contrôle citoyen. Incontestablement une originalité de la démocratie malienne, l’EID se veut un héritage respectueux, un tremplin vers le respect des droits fondamentaux de l’être humain.
Empreinte d’une grande solennité, c’est par l’exécution de son hymne que la 20è édition de l’EID a débuté a hier au CICB en présence du Premier ministre Modibo Keita. C’était en présence des chefs d’institutions, membres du gouvernement, élus, diplomates et autorités coutumières et traditionnelles heureux de témoigner de leur présence.
Rappelant que cette édition intervient moins d’un mois après le douloureux événement qui a frappé Bamako, à l’hôtel Radisson Blu, l’organisateur de l’événement, le médiateur de la République, Baba Akhib Haïdara, a fait observer, à l’ouverture de la session, une minute de silence et de prière à la mémoire des victimes. Car, explique-t-il : « nos âmes continuent à en ressentir la douleur, malgré l’épuisement du deuil national officiellement décrété ».
Baba Akhib Haïdara a exprimé son estime pour les éminentes personnalités qui composent le jury d’honneur, à commencer par son président, le député Badjan Ag Hamatou, élu à Ménaka. Il a associé à ceux-ci, le grand témoin, Mme Laurence Ndadaye, et les deux invités de marque de cette édition, en l’occurrence le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé, et son homologue du Haut conseil des Maliens de l’extérieur, Habib Sylla.
Parlant de paix et de réconciliation, le médiateur de la République a fait le lien entre les missions de la CVJR et la trame des interpellations de l’EID qui se fondent sur les manquements aux valeurs de justice, de droits de l’homme et de bonne gouvernance. Des valeurs dont l’importance est éloquemment soulignée dans le préambule de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger.
L’assistance a assisté à une projection de quelques extraits du film « Autoportrait du Mali » produit par l’Institut malien de recherche action pour la paix (IMRAP). Un instrument pédagogique qui met en exergue les pires exactions subies par les populations lors de la crise politico sécuritaire mais qui retrace aussi le désenchantement des populations vis-à-vis des méfaits de la corruption et de certains dysfonctionnement de notre administration. La salle a également savouré avec un grand sens d’écoute la prestation du groupe Tamasheq « Tartite » qui a interprété l’un de ses titres fétiches, « Akal nana » qui signifie notre patrie.
Pour cette 20è édition les services du médiateur de la République ont enregistrés 206 demandes d’interpellation dont un peu moins de 40% émanent du district de Bamako et le reste des régions. Ces chiffres, tout en montrant le faible recours des Maliens vivant dans les régions, relèvent, constate le médiateur de la République, la quasi absence des Maliens de l’extérieur. D’où le choix du président du Haut conseil des Maliens de l’extérieur, Habib Sylla, comme invité de marque cette année. Le médiateur de la République a estimé qu’il était grand temps que nos compatriotes de a diaspora puissent également recourir facilement aux mécanismes de l’EID, eu égard aux nombreux actes d’injustice auxquels ils font face quotidiennement.

BILAN CRITIQUE DE L’EDITION PASSEE. La commission préparatoire, après dépouillement des dossiers reçus, a arrêté 21 demandes d’interpellation pour lecture, 103 pour suite à donner tandis que 82 demandes n’ont pas été retenues pour motif de non conformité aux critères de l’EID. Pour Baba Akhib Haidara, ce dernier nombre révèle malheureusement, la mauvaise compréhension que nombre de nos compatriotes font des objectifs et finalités de l’EID. A cet égard, il sera nécessaire, de son point de vue, de poursuivre les efforts visant à mieux mettre en exergue la différence entre les questions qui peuvent faire l’objet de réclamations relevant de la mission première du médiateur de la République et celles qui peuvent fournir matière à interpellations des pouvoirs publics dans le cadre de l’EID. D’où la mise en place l’année dernière d’un groupe de réflexion multiservices qui travaille à fournir des recommandations pour ajuster les critères de sélection des interpellations.
Malgré l’ancrage et les acquis de l’EID, il est établi que le talon d’Achille de l’exercice reste la non exécution des engagements et des recommandations du jury. La session a été l’occasion pour le secrétaire permanant de l’EID, Mahamadou Sissoko, de présenter le bilan de la session précédente. Il a été constaté que nombre de ses engagements n’ont pas été suivis d’effets. Par exemple, le dossier d’interpellation de Mme Aissata Sow du village SOS de Kita, victime d’une agression physique, n’a pas connu de suite. C’est également le cas pour l’accélération des procédures d’indemnisation suite à des expropriations pour cause d’utilité publique ou encore l’évaluation des services financiers décentralisés en difficulté en vue de situer les responsabilités et envisager les mesures idoines à prendre.
Concernant les 130 dossiers retenus l’année dernière pour suite à donner, 71 ont fait l’objet de réaction à ce jour, soit 54,61% contre 75,38% en 2013. Le secrétaire permanent a toutefois salué les échos favorables aux recommandations du jury de la 19è édition sur la situation générale du pays avec la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger.
Mahamadou Sissoko a salué la visite de 72 heures effectuée au Mali par la procureur générale de CPI, Fatou Bensouda, et l’arrestation dans notre pays, par cette même cour, de Ahmad Al Facki connu sous le nom de Abou Tourab, soupçonné d’avoirs pris part à la destruction de mausolées à Tombouctou ainsi que la mise en place de la Commission vérité, justice, réconciliation.
Avant la séance proprement dite des interpellations, le jury d’honneur a écouté les contributions des organisations de défense et de promotion des droits humains. Des contributions que l’on pourrait assimiler à des interpellations car mettant le doigt sur les pires injustices et violations de droits des citoyens. Devant le Premier et ministre et la dizaine de membres du gouvernement, les différents intervenants ont, tour à tour, chacun dans le domaine le concernant, développé des plaidoyers pour le respect des principes démocratiques et de l’État de droit.

PROMESSES JAMAIS TENUES. C’est le cas notamment de l’Ordre des avocats du Mali qui est monté au créneau pour dénoncer la non observation de certains principes sans lesquels la démocratie n’est qu’un vain mot. Me Kadiatou Traoré Doucouré a indexé les violations des principes de la présomption d’innocence, du droit à la défense et celui de se faire assister par l’avocat de son choix depuis l’enquête préliminaire. Elle a insisté sur l’exclusion de la femme dans les situations de succession et de propriétés foncières, toutes choses à ses yeux, contraires aux valeurs de la République.
La séparation des pouvoirs et une presse libre et responsable, le droit à la critique sont également des valeurs démocratiques que l’avocate juge insuffisamment exercées en République du Mali.
De la justice à la sécurité des personnes et de leurs biens en passant par le foncier, la paix et l’accès aux services sociaux de base, Me Moctar Mariko, en sa qualité de président de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH), a dénoncé ce qu’il juge antidémocratique. De son point de vue, malgré les années et les efforts, le gouvernement reste dans la plupart des cas sourd et muet aux recommandations et engagements dont l’application doit permettre de répondre aux préoccupations légitimes des populations. Toujours selon le défenseur des droits humains, l’EID en plus d’être budgétivore représente un espace de promesses jamais tenues.
La Coordination des associations et Ong féminines (CAFO) a également usé de la tribune pour demander justice et réparation pour les victimes de viols, enlèvements, séquestrations, flagellations, lapidations, mariages et exil forcés. La coordination plaide pour la promulgation de la loi sur le quota au sein des représentations. La CAFO a lancé un cri de cœur sur l’état des services sociaux de base, notamment la santé, et demandé une amélioration des capacités techniques et opérationnelles de l’hôpital Gabriel Touré. La pauvreté du panier de la ménagère, l’insécurité, l’impunité, la corruption et l’iniquité sont autant d’injustices dénoncées par la CAFO.
Nous reviendrons sur la suite de cette 20è édition de l’EID dans notre prochaine parution.
L. ALMOULOUD

source : Essor

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