Journaliste de nationalité camerounaise, Eric Chinje est un expert en communication. Vivant à Washington aux Etats-Unis d’Amérique, il est diplômé des Universités de Yaoundé, de Syracuse et de Harvard. Ancien directeur des relations extérieures et de la communication de la Banque Africaine de Développement (BAD), Eric Chinje a été responsable, pendant plusieurs années, de la communication de la Banque mondiale en Afrique puis le porte-parole de l’institution. Celui qui est le premier journaliste à présenter le journal télévisé en langue anglaise sur la chaîne nationale camerounaise a été nommé depuis le 1er juillet 2014 directeur général par le Président du Conseil d’administration de African Media Initiative (AMI). A la fin de Spring School Dakar 2018 sur « Médias et Migration », nous avons posé trois questions à ce grand professionnel de l’information et de la communication.
Le Challenger : Est-ce que vous pouvez résumer vos différentes communications sur la migration faites au cours de cet atelier ?
Eric Chinje : L’essentiel de ce que je dis, c’est de mettre l’accent sur l’importance de ce thème. Je compare la migration aux grands sujets du jour comme le changement climatique, l’économie internationale, les relations commerciales entre les pays. Je trouve que le thème de la migration est d’une importance capitale mais qui, malheureusement, ne reçoit pas l’attention qu’il mérite au niveau ni des médias ni des gouvernants.
En Afrique, il y a une insuffisance au niveau du contenu des médias africains sur la question migratoire et, les médias occidentaux submergent le continent. Quel appel avez-vous à lancer ?
L’Africain doit se poser des questions sur ce manque d’attention sur un sujet aussi important qu’est l’immigration. L’africain doit aujourd’hui se poser la question sur pourquoi un enfant africain, un ressortissant d’un continent qui est le plus riche au monde (c’est connu et reconnu, la richesse du continent africain dépasse la richesse de tous les autres continents) quitte son lieu de résidence pour chercher la vie. Ce n’est même pas chercher une vie meilleure, c’est pour chercher la vie ailleurs. On doit se poser cette question. C’est ça qui est lié à l’immigration.
Et quand on se pose cette question, je pense que toutes les grandes préoccupations du jour vont s’imposer à nous, le problème de santé, d’éducation, le manque d’emploi, le problème d’agriculture, l’insuffisance alimentaire… Toutes ces questions vont se poser parce que les jeunes qui quittent l’Afrique pour chercher la « vie » ailleurs se retrouvent face à tous ces problèmes pour lesquels ils n’ont pas de solution.
On doit commencer à se poser des questions dans le cadre de ce thème qui est la migration. On doit se poser la question sur la corruption, le manque de services publics de santé, la qualité de l’éducation. On doit se poser la question sur la possibilité et les difficultés que nos pays ont à créer de l’emploi pour ces jeunes. Ce n’est pas une grande science. Ce sont des choses qui sont faisables. Il y a des pays africains comme le Rwanda, un pays qui est parti de rien. Est-ce que vous voyez un Rwandais s’expatrier ? Il n’y en a presque pas. Donc, c’est faisable. Le Ghana est sur la bonne voie aujourd’hui. Pourquoi ? Parce qu’ils savent comment juguler leurs richesses naturelles, une richesse créée dans le cadre de l’industrialisation, l’agriculture, la mécanisation de l’agriculture ainsi de suite. Nos pays ont la capacité et la possibilité de faire face à tous ces problèmes. Je suis convaincu que très peu de citoyens d’un pays qui bouge, qui avance, qui fait des efforts vont chercher à aller ailleurs.
Nous sommes à la fin de ce séminaire. Est-ce que vos attentes ont été comblées?
Par rapport à ce séminaire, je vous signale que nous sommes des pionniers. A mon avis, c’est l’une des rares fois, la première fois d’ailleurs que je voie des grands journalistes africains et des grands journalistes européens qui se retrouvent ensemble pendant une semaine pour parler de ce thème-là. Je suis dans cette histoire depuis des décennies.
Quand je dis que c’est la première fois, nous sommes au début d’un voyage. Je trouve que ce voyage a bien démarré. C’est à nous maintenant de nous donner les moyens nécessaires pour avancer et faire en sorte que d’autres se joignent en nous. Il s’agit des professionnels des médias, des patrons de presse ou plus tard, des responsables de nos gouvernements.
Propos recueillis à Dakar par Chiaka Doumbia
Le Challenge