C’est sans nul doute l’épilogue du feuilleton judiciaire qui dure depuis décembre 2017 et qui oppose le Pr Idrissa Ahmadou Cissé, ancien Directeur Général de l’Hôpital du Point G au Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique. Par l’Arrêt N°463 du 9 aout 2018, la Section administrative de la Cour Suprême du Mali l’a débouté de sa demande d’annulation du décret de nomination du Pr Ilo Bella Diall, son successeur. Désormais confirmé dans ses fonctions de DG du Point G, le Pr Diall peut compter sur le soutien indéfectible de l’ensemble du personnel de l’hôpital dont les chefs de services et le syndicat.
Un feuilleton judiciaire à rebondissements qui aura duré 9 mois…
Le 20 décembre 2017, le ministre de la Santé et de l’Hygiène Publique, Samba Ousmane Sow, nomme par l’arrêté N°2017-4280/MSHP-SG le Pr Ilo Bella Diall au poste de Directeur général adjoint de l’Hôpital du Point G. La nomination du cardiologue en lieu et place de l’Inspecteur des services économiques, Amadou Doumbia, n’est pas vu d’un bon œil par le Directeur Général de l’établissement hospitalier universitaire, Idrissa Ahmadou Cissé. Le DG de l’Hôpital du Point G demande aussitôt l’annulation du décret devant la Section administrative de la Cour Suprême pour « violation de la loi N°02-050B du 22 juillet 2002 portant loi hospitalière », qui dispose que le DGA des CHU est nommé par le ministre de la Santé sur proposition du Directeur Général. Dans son arrêt N°081 du 15 janvier 2018, la Cour annule l’arrêté portant révocation du DGA Amadou Doumbia et la nomination du Pr Ilo Diall.
Comment comprendre cette attitude du Pr Cissé envers le Pr Diall ?
Elle est très simple pour qui sait comment fonctionne l’Hôpital du Point G. La nomination d’Idrissa Ahmadou Cissé à la tête de l’hôpital, en remplacement de Mamadi Sissoko en 2016, est vue dans le monde médical comme une imposition du Pr Ali Nouhoum Diallo, dont il serait un des protégés. Depuis sa nomination à la tête de l’hôpital, tout tourne au ralenti et le personnel en a marre de cette situation qui paralyse l’établissement. « Depuis deux ans, témoigne un syndicaliste, aucune analyse de laboratoire n’est possible dans notre hôpital. Notre pharmacie est en rupture totale de stock de médicaments, aucune possibilité de faire de la radiographie. Le Directeur use de sa position pour régler des comptes personnels avec le personnel…C’est inacceptable. !»
Et ce n’est pas tout ! Idrissa Ahmadou Cissé savait aussi que l’arrivée d’un nouveau DGA de la trempe du Pr Ilo Bella Diall, connu pour son intégrité morale et ses compétences, pourrait précipiter son départ à lui. Le Pr Diall, cardiologue très réputé et respecté du personnel et du syndicat du Point G ne pouvait que constituer une menace pour l’ancien le Pr Cissé.
Mais les choses vont s’accélérer…
Le 5 février 2018, le Conseil des ministres abroge le décret de nomination des Directeurs généraux des hôpitaux de Kati et du Point G. Directeur Général Adjoint en sursis, le Pr Diall est finalement nommé par le Décret N°2018-0359/P-RM du 4 avril 2018 en qualité de Directeur Général de l’Hôpital du Point G en remplacement du Pr Idrissa Ahmadou Cissé. Le Professeur Cissé refuse de céder son poste et de faire la passation, invoquant les dispositions de la loi N°2014-049 du 19 septembre 2014 portant principes fondamentaux de la création, de l’organisation et du contrôle des services publics, qui permet de recourir aux nominations par appel à candidature et en vertu de quoi il devrait pouvoir faire 4 ans à la tête de l’hôpital. Sauf que le Conseil des ministres du 24 janvier 2018 avait demandé « aux membres du Gouvernement de suspendre le recours à l’appel à candidature […] en attendant l’adoption du décret d’application y afférent. » Une abrogation qui ne dit pas son nom…
Le dénouement et la confirmation du Pr Ilo Bella Diall
Fac-similé
Le 23 avril 2018, le conseil-défense du Directeur Général sortant introduira à la Section administrative de la Cour Suprême une nouvelle requête en annulation du décret de nomination de M. Diall et une autre requête aux fins de sursis à exécution du même décret. Ils obtiendront gain de cause car la cour ordonnera le 7 mai dernier, le « sursis en exécution du décret de nomination » de M. Diall mais le déboute de sa demande d’ « annulation de l’arrêté de nomination » de son successeur dans son Arrêt N°356 du 31 mai 2018.
Ne s’avouant pas vaincu, le Pr Idrissa Ahmadou Cissé interjette appel de ce jugement, toujours à la Section administrative de la Cour Suprême, qui va finalement rendre son verdict le 9 août dernier par l’arrêt N°463 du 9 aout 2018. Il tombe comme un coup de massue : « la cour reçoit le recours en révision » dans sa forme, mais « le rejette comme mal fondé » dans le fond. Un arrêt qui est sans appel et qui confirme le Pr Ilo Bella Diall dans ses fonctions de DG de l’hôpital du Point G. L’épilogue d’un feuilleton judiciaire long de 9 mois et fait de rebondissements.
Le personnel de l’hôpital du Point G, avec l’adhésion du syndicat et des chefs de service, pour témoigner son soutien au Pr Ilo Bella Diall, a initié et obtenu la signature d’une pétition pour tourner vite la page de la crise afin de sortir l’établissement de la paralysie dans laquelle il se trouve depuis bientôt trois ans.
Habi Kaba Diakité
Encadré :
Le CHU du Point G résilie le contrat de son avocat Me Hassan Barry « pour conflit d’intérêt »
Dans ce bras de fer judiciaire qui a opposé le ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique au tandem Idrissa Ahmadou Cissé et Amadou Doumbia, un homme s’est laissé griller par son zèle et par l’appât du gain. Il s’agit de l’avocat attitré du CHU du Point G, Me Hassan Barry, qui n’a pas hésité à se constituer avocat du Directeur Général sortant de l’Hôpital du Point G et son adjoint Amadou Doumbia contre le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique. Un conflit d’intérêt qui ne se pardonne pas dans la mesure où son rôle devrait se limiter à défendre les intérêts moraux et matériels de l’établissement hospitalier.
En défendant les intérêts personnels des deux membres de l’administration de l’hôpital, Me Hassan Barry s’est dangereusement compromis. A l’issue du feuilleton judiciaire qui aura duré au moins 9 longs mois, son contrat de Conseiller juridique de l’hôpital d’une valeur de 12 millions/an, obtenu grâce au Pr Ali Nouhoum Diallo, est purement et simplement résilié par la nouvelle administration de l’hôpital aussitôt confirmée et pilotée par le Pr Ilo Bella Diall.
De sources proches du dossier vont plus loin. L’attitude partisane pour ne pas dire l’immixtion flagrante du Pr Ali Nouhoum Diallo dans la gestion administrative de l’Hôpital du Point G notamment dans les nominations de ses administrateurs agace plus d’un. Et, à travers le départ d’Idrissa Ahmadou Cissé et de la résiliation du contrat d’Hassan Barry, l’hôpital pense s’affranchir de l’emprise d’un clan qui se croit tout permis. Une sorte de révolution de palais.
Habi Kaba Diakité
L’Enquêteur