Simple coïncidence ou guerre d’anticipation ? Difficile de se prononcer pour l’heure. L’on retiendra, en tout état de cause, que la percée du Gatia ce mardi a surpris la mission onusienne laquelle s’apprêtait, dans les mêmes instants, à installer un système sophistiqué de surveillance et de transmission à Kidal… Et ce n’est pas tout…
L’impressionnant déploiement du Gatia à Kidal n’a pas encore fini de révéler ses secrets. Trois colonnes de véhicules lourdement armés et plus d’un millier de combattants ont en effet franchi les portes de la ville interdite.
Bien entendu, le déploiement avait fait objet d’une discussion préalable entre les deux protagonistes (Gatia et Cma) à l’issue de la rencontre d’Anéfis au mois de novembre dernier, mais aucune date consensuelle n’avait été formellement retenue. C’est donc à la surprise générale des combattants de la Cma ainsi que des soldats de la Minusma présents à Kidal que ceux du Gatia se sont présentés aux portes de la cité. La surprise fut d’autant évidente que les éléments de la CMA dans les avant-postes ont tenté de riposter dans un premier temps. Mais le nombre impressionnant des visiteurs et leur supériorité militaire manifeste ont tôt fait de les dissuader. Sage décision ! C’aurait été indubitablement un massacre.
Drôles de coïncidences
Exactement à la minute près et à un peu moins d’un millier de kilomètres de là, le chef d’état-major la Minusma, le Général Hervé Gomart, se trouvait sur le tarmac de l’Aéroport de Gao, prêt à embarquer dans l’avion (un Casa C-295 de Ghana Air Force) devant le transporter à Kidal. L’aéronef faisait le plein de kérosène quand tomba le message : « Des dizaines de véhicules lourdement armés sont entrés dans la ville. » «Situation instable» conclut le message. Le Général Gomart décida donc de patienter à Gao. Mais comment, diable, à la seconde près, le message est-il parvenu à destination? Ceci est, une toute autre histoire. La voici !
Quelques jours auparavant, la Minusma avait engagé les services d’une entreprise spécialisée en vue de l’installation de matériels de surveillance et de transmission. Il s’agit de la société Aero-Nautic Services & Engineering ou A-NSE. La société en question est spécialisée dans la production et l’exploitation de systèmes de surveillance et de transmission très sophistiqués. Dans le contrat qui la lie à la Minusma, elle doit mettre en service des aérostats (ballons captifs ou dirigeables) équipés de caméras, radar et système de transmission à Kidal appelé (système TC-350). Une autre société dénommée «Thales» fournit une liaison de données. Cette mesure, selon la Minusma, fait suite aux attaques incessantes et imprévisibles de son camp à Kidal par les groupes jihadistes. Le système devrait permettre d’anticiper et de riposter à temps réel. C’est, du moins les arguments développés par la Minusma.
C’est lorsque que le système était partiellement en service que le Gatia a envahi la ville. En somme, l’aérostat (le ballon dirigeable – voir photo) a eu le temps d’enregistrer les mouvements de troupes et d’envoyer le message. C’est en tout cas la preuve que le système est bien fonctionnel. A-NSE peut se frotter les mains ! Le contrat est désormais dans la poche. Mais le Gatia le savait-il et cherchait-il, par conséquent à anticiper avant la mise en œuvre effective du système de surveillance de la Minusma ? Quelle coïncidence, en tout cas!
La riposte du camp Iyad
Il est évident que c’est de commun accord que les deux parties (Cma et Plateforme) ont convenu d’un déploiement sans toutefois préciser les modalités. Le Gatia a tout simplement anticipé même quelque peu forcé. Et devant le fait désormais accompli, ceux de la Cma ont été contraints de faire amande honorable. Les visiteurs ont ainsi été logés au camp I de Kidal.
Mais quelques heures seulement plus tard, une partie de la Cma a clairement annoncé son opposition exigeant même le départ de ce qu’elle assimile à des «assaillants». L’on soupçonne fortement les agitateurs d’être liés à un certain Hamahou Ould Mohamed Khaïry, ancien porte-parole d’Ançar-dine et très proche d’Iyad Ag Aghali. Il était le recruteur au compte de celui-ci. Et il a activement participé à la création de la Cma. Son camp est assimilé à l’aile dure du mouvement.
A l’heure actuelle, les agitateurs ont revu leur ambition à la baisse exigeant désormais une réduction de l’effectif des «assaillants». Mais pas question pour le Gatia d’abandonner totalement sa position. Ceci est désormais un acquis. Et en matière de guerre, on n’abandonne pas un terrain conquis par les armes ou à, l’issue des négociations. Qu’importe !
La rédaction