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Entre Nous : Sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA contre le Mali : Les populations prises en otage

La conférence des Chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est réunie en session extraordinaire, le 9 janvier 2021 à Accra, en République du Ghana pour examiner l’évolution de la situation politique en République du Mali. Le même jour, dans la capitale ghanéenne, les chefs d’Etat de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) avaient tenu une réunion avec le même ordre du jour.

 

Cette conférence a pris la décision d’imposer au Mali des sanctions additionnelles à celles déjà existantes. Ces sanctions sont :

1. Le rappel pour consultations par les Etats membres de la CEDEAO de leurs ambassadeurs accrédités auprès de la République du Mali ;

2. La fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les Etats membres de la CEDEAO et le Mali à l’exception des opérations liées à la sécurité ou à caractère humanitaire du système des Nations Unies, des Forces internationales y compris la MINUSMA ainsi que des exceptions énoncées à l’alinéa 3 ci-dessous ;

3. La suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les Etats membres de la CEDEAO et le Mali, à l’exception de celles portant sur les produits suivants :

i. Les produits ou denrées alimentaires de grande consommation dont la liste des chapitres et lignes tarifaires est jointe en annexe

ii. Les produits pharmaceutiques (chapitre 30 du TEC CEDEAO Version 2022)

iii. Les matériels et équipements médicaux (chapitre 90 du TEC CEDEAO version 2022)

iv. Les matériels et équipements médicaux destinés à la lutte contre la maladie de la Covid 19 tels que figurant dans le classement de référence dans le SH des fournitures médicales liées à la Covid 19

v. Les produits pétroliers (ligne 27,10 et 27,11 du TEC Cedeao version 2022)

vi. L’électricité

4. Le gel des avoirs de la République du Mali dans les banques centrales et les banques commerciales de tous les Etats membres de la CEDEAO ;

5. Le gel des avoirs de l’Etat malien et des entreprises publiques et parapubliques dans les banques commerciales de tous les pays membres de la CEDEAO ;

6. La suspension de toute assistance et transaction financières en faveur du Mali par les Institutions de financement de la CEDEAO, particulièrement la BIDC et la BOAD.

Embargo partiel , embargo total

En réaction, le gouvernement de Transition du Mali a décidé de fermer ses frontières terrestres et aériennes avec les pays membres de la CEDEAO et rappeler ses ambassadeurs en parlant de « sanctions injustes et illégales ».  Cette décision impose de fait, un embargo total au Mali alors que la CEDEAO a mis en place un embargo plutôt partiel excluant les produits de première nécessité (produits vivriers, produits pétroliers, médicaments, matériels de lutte contre le Covid-19, électricité).

Les populations sont prises en otage. Par les auteurs du coup d’Etat du 18 août 2020 et leurs soutiens civils ! Par les sanctions édictées par la CEDEAO et l’UEMOA. Autant il faut regretter les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA, autant il faut dénoncer la surenchère des auteurs du coup d’Etat du 18 août 2020 et leurs soutiens civils dont la volonté de confiscation du pouvoir saute à l’œil. Autant les sanctions paraissent excessives dans un contexte de crise, autant les auteurs du coup d’Etat du 18 août 2020 et leurs soutiens civils sont responsables de l’isolement diplomatique du pays qui s’enfonce sur une voie périlleuse sur fond de manipulation avec son lot d’incertitudes, d’instabilité et d’inquiétudes.

Une frange importante de l’opinion est défavorable aux sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA. Cette désapprobation s’est exprimée, le 14 janvier dernier, à Bamako et dans plusieurs villes à l’intérieur du pays à travers des manifestations gigantesques. La colère des populations est compréhensible et se justifie par leur quotidien difficile et insupportable. La marrée humaine qui a déferlé ne signifie pas qu’elle est toute acquise à la proposition faite par les auteurs du coup d’Etat du 18 août 2020 et leurs soutiens civils de rester à la tête de l’Etat pendant cinq (5) ans. Les conclusions des Assises nationales de refondation (ANR) ont démontré que les participants ont proposé un délai variant entre 6 mois et 5 ans. Il faut se demander pourquoi le document remis aux chefs d’Etat n’a jamais été partagé avec les Maliens. Ce flou tranche avec la transparence prônée par les promoteurs du Mali Kura. Tout est dit au nom du peuple malien pendant qu’elle ignore ce qui a été dit.

Gros mensonge !!!

Il ne s’agit nullement de jouer à nous faire peur. Il faut avoir le courage de dire cette vérité à cette frange de la population dont certains acteurs abusent de la bonne foi : nous n’avons pas les moyens de notre orgueil. Le Mali continue encore de payer cher certaines erreurs commises par les pères fondateurs poussés par le même orgueil. Quand on n’a pas les moyens de son orgueil, on fait appel à l’intellect de l’ensemble des fils et filles de la nation pour boucher les trous de la République afin qu’elle ne bascule davantage. Il faut se réjouir de cette grande mobilisation autour du Mali depuis l’annonce des sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA. Mais, c’est un gros mensonge doublé d’une démagogie de croire que le Mali peut réussir, sans ses voisins notamment ceux de la CEDEAO, à relever les défis actuels notamment sur le plan sécuritaire. A l’exception de la Guinée-Conakry dirigée par un autre colonel putschiste, aucun pays qui partage ses frontières avec le Mali ne semble prêt à soutenir une longue transition comme prônée par Bamako. L’Algérie sur qui les regards sont tournés a vertement mis en garde contre les conséquences d’une transition longue sur les plans économique, politique et sécuritaire. La situation au Mali est aussi une question de stabilité pour nos voisins immédiats et lointains.

Responsabilité du Colonel Goïta devant l’histoire

Aujourd’hui, il ne s’agit pas de tenir des discours populistes ou des déclarations aux relents nationalistes pour plaire à une opinion publique sous le poids des crises sécuritaires, économiques, sanitaires, politiques. Évitons le nationalisme aveugle et le repli identitaire. Que le gouvernement de transition revoie sa copie et retourne à la table de négociation avec un chronogramme raisonnable, fruit d’une large et rapide consultation avec l’ensemble des composantes de la société malienne. Ni des prières ni des mobilisations ne nous permettront pas de sortir de l’impasse. Plus la situation va perdurer, plus elle deviendra insoutenable. Et les populations dans leur entièreté vont souffrir le martyre.

Ne vendons pas de l’illusion aux populations. N’abusons pas de leur bonne foi.

Aux auteurs du coup d’Etat du 18 août 2020 et à leurs soutiens civils, il est ignoble et odieux de prendre en otage les innocentes populations. Aux chefs d’Etat de la CEDEAO et de l’UEMOA, il n’est pas juste d’imposer des sanctions aussi sévères aux pauvres citoyens.

De tous les acteurs engagés dans le processus de transition, la responsabilité du Colonel Assimi Goïta est grande devant l’histoire. Il revient maintenant à lui de donner une suite à son adresse à la nation du 10 janvier dernier en explorant les voies et moyens nécessaires permettant de parvenir à un compromis. Et le plus rapidement possible. Le peuple, c’est « vive le président, à bas le président ». Comme le président de la Commission nationale des Droits de l’homme, Aguibou Bouaré aime dire : « Dieu continue d’inspirer les autorités à prêter une oreille attentive aux avis plutôt éclairés et raisonnables ».

Par Chiaka Doumbia

Source : Le Challenger

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