L’ex-Président de la République islamique de Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, fait face la justice de son pays pour répondre des chefs d’inculpation «d’enrichissement illicite», «abus de fonctions», «trafic d’influence» et «blanchiment d’argent». Il est poursuivi avec dix autres personnalités de son régime, dont deux anciens Premiers ministres, des anciens ministres et des hommes d’affaires.
Le 24 octobre 2023, le Procureur Ahmed Ould Moustapha, dans son réquisitoire, a requis 20 ans de prison ferme contre lui, 10 ans contre ses anciens proches collaborateurs et anciens directeurs d’établissements publics. Il a en outre requis 5 ans de prison contre les autres accusés et demandé à la Cour de prononcer la confiscation de leurs biens.
Celui qui a renversé le président démocratiquement élu Sidi Ould Cheick Abdallahi, s’est servi de son pouvoir pour amasser une fortune immense, a déclaré le ministère public. «Tous les éléments entre les mains de la justice prouvent la constitution d’un crime. L’accusé Mohamed Ould Abdel Aziz a accumulé une très grande fortune que ses revenus légaux ne peuvent justifier. Il exerçait des activités commerciales incompatibles avec ses fonctions de Président de la République. Tout cela constitue un enrichissement illicite condamné par la loi», a souligné le magistrat Ahmed Ould Moustapha.
Le verdict du Tribunal criminel est attendu avec impatience en Mauritanie. Il revient uniquement aux juges, en toute indépendance, de se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence du général mauritanien et ses co-accusés. Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a tronqué sa tenue de général d’armée contre le costume de démocrate, était loin d’imaginer un tel sort lui arriver un jour.
En effet, il a désigné son bras droit et fidèle compagnon d’armes comme son dauphin à la magistrature suprême. En effet, le Président Mohamed Ould Cheickh El Ghazouani, qui se défend de toute immixtion dans cette affaire judiciaire, fut chef d’Etat-major des Armées et ministre de la Défense de Mohamed Ould Abdel Aziz. Les deux hommes ont organisé en 2008 le coup d’Etat contre le Président Sidi Ould Cheick Abdallahi, suite auquel Mohamed Ould Abdel Aziz a dirigé la Mauritanie de 2008 à 2019, soit plus d’une décennie.
«Souvent, ceux qui sont au pouvoir se croient invulnérables» selon la journaliste, écrivaine et femme politique française, Françoise Giroud. Or «tout pouvoir est provisoire, celui qui l’exerce doit savoir qu’il aura un jour à rendre des comptes.» renchérit son défunt compatriote, le scientifique et essayiste Albert Jacquard. Comme quoi, il n’y a qu’un seul et unique pouvoir en réalité et il est …intemporel : celui de L’Omnipotent, L’Omniscient, Le Maître d’Ici-bas et de l’Au-delà !
L’enseignement que devrait inspirer le cas Mohamed Ould Abdel à tout détenteur d’une infime partie du pouvoir temporel est le suivant : quand on est aux affaires, on peut tout se permettre. Mais, une fois sa page tournée, on devrait aussi s’attendre à l’effet boomerang.
Par Chiaka Doumbia
Le Challenger