«Si les gens pensent que ce sont les Chinois, les Russes, les Vietnamiens qui vont venir nous sauver, ce sont des faux débats ; si c’est notre pays, c’est nous d’abord». Ainsi, s’exprimait le Président du Faso, Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, le 19 mai 2022, au cours d’une rencontre avec les Forces de défense et de sécurité de la garnison de Bobo-Dioulasso.
Devant ses frères d’armes, le Colonel putschiste burkinabé qui a renversé le Président démocratiquement élu, Rock Marc Christian Kaboré, est allé un peu loin en affirmant ceci : «C’est vrai qu’il y a parfois des questions de matériels qui se posent, mais c’est l’engagement du cœur qui va nous aider à gagner cette guerre. Nous pensons qu’avant de payer des hélicoptères qui sont nécessaires à notre sens, il faut d’abord des hommes engagés. Le point-clé c’est d’abord l’homme, ensuite le matériel vient renforcer».
La position du Lieutenant-colonel putschiste burkinabé ne manque certes pas de courage, surtout en cette période hautement préoccupante au plan sécuritaire. Sûrement, elle ne sera pas bien appréciée par cette partie de la population continuant à espérer le salut venu de l’extérieur.
En janvier 2013, aux premières heures de l’opération Serval, Capitaine Amadou Haya Sanogo avait quasiment fait la même déclaration à Sévaré devant la troupe. La vidéo de cette intervention du Président du Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité du Mali, promu quelques mois plus tard, Général de corps d’armée, a récemment circulé sur les réseaux sociaux. «Que ça soit aujourd’hui, demain ou après-demain, personne ne viendra faire cette guerre à notre place…. On ne fera pas d’armée sans la discipline. L’armée n’est plus aujourd’hui une question d’équipements mais de cœur…. Le Chef d’Etat-major général des Armées que vous voyez ici s’est battu avec le ministre de la défense… on a mis 25 milliards dans l’achat des équipements militaires… je vous rappelle que si tu amènes tous les équipements militaires des USA, si nous ne nous mettons pas à notre place d’homme, c’est zéro… Sans la discipline, le cœur, on n’aura pas d’armée… »
Général Amadou Haya Sanogo et Lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba ont leurs raisons. Il ne revient pas aux Français, aux Américains, aux Russes, aux Chinois ou aux Allemands de combattre les groupes radicaux à la place des Maliens, des Burkinabés ou des Nigériens. Les équipements et autres moyens militaires sont très importants à gagner une guerre, mais ne sauraient suffire à eux seuls. Le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Bénin, le Togo ou le Bénin ont beau acheter des matériels militaires, si les hommes ne sont pas engagés à défendre conformément à leurs serments, c’est peine perdue. S’ils ne sont pas sélectionnés dans les règles de l’art et conséquemment formés, c’est encore peine perdue. Quel que soit leur engagement, leur conviction et leur sens du sacrifice ultime !
C’est dire si les propos tenus hier par Amadou Haya Sanogo et aujourd’hui par Paul Henri Sandaogo Damiba ont certes leur part de vérité, ils peuvent difficilement faire l’unanimité pour ces différentes raisons. Il s’avère évident que si les forces armées africaines pouvaient combattre les forces obscurantistes et terroristes spécialistes de guerres asymétriques, leurs Etats n’auraient nullement eu recours aux forces onusiennes. Ces dernières ont apporté aux armées nationales des appuis multiformes dans le cadre de leur mandat. Mais l’idéal est que nous puissions compter sur nous-mêmes. Là c’est tout un débat !
Chiaka Doumbia/Le Challenger