Deux sujets ont largement dominé les débats lors de la 20ème édition de l’Espace d’Interpellation Démocratique (EID), tenue le 10 décembre dernier au Centre International des Conférences de Bamako. Il s’agit du foncier et de l’exécution des décisions de justice.
Les actions vigoureuses entreprises par l’actuel Ministre des Domaines de l’Etat et des affaires foncières pour exproprier certains grands spéculateurs fonciers s’annoncent comme un coup d’épée dans l’eau. D’un côté, il y a ces spéculateurs fonciers soutenus par des fonctionnaires véreux et des magistrats peu orthodoxes. De l’autre, on trouve ces gens notamment des villageois qui ont bradé leur patrimoine foncier au point de vendre leurs terres cultivables. Les problèmes liés au foncier continuent de perturber la stabilité sociale. Il y a juste quelques jours, les femmes et les jeunes du petit village de Samaya situé sur la route de Kangaba à quelques encablures de Sébénicoro, avaient entrepris de marcher sur la résidence du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. Leur marche a été stoppé à mi-chemin par les policiers et les gendarmes à coups de gaz lacrymogène et de matraque à l’issue d’une course-poursuite dans les ruelles de Sébénicoro. De nombreuses personnes sont spoliées de leurs propriétés foncières chaque jour au Mali. Et cela en toute impunité. De même, un groupuscule d’individus arrive à braver le patrimoine foncier familial ou villageois. En violation des textes de la République, une seule personne achète des hectares avant de les sécuriser avec des titres fonciers.
A propos, lisez cet extrait d’une interview accordée, la semaine dernière, à nos confrères Paris Match par le célèbre cinéaste, Souleymane Cissé : « …nous ne sommes pas les seuls et de nombreuses propriétés saisies sont détruites chaque jour puis transformées en magasins ou en complexes immobiliers. Tout cela profite en silence à des promoteurs corrompus et des fonctionnaires véreux. Il y a deux mois, la moitié d’un quartier entier à Bamako a été démolie ! C’est très grave. Si on ne trouve pas de solution, cela peut dégénérer et provoquer une guerre civile ».
Les problèmes liés à l’exécution des décisions de justice n’occultent pas les conditions très déplorables dans lesquelles le service de la justice est distribué au Mali. Me Fanta Sylla alors bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali ne disait-elle pas que « les magistrats maliens sont indépendants de tout sauf l’argent sale ». Il ne s’agit nullement de jeter l’anathème sur cette profession si noble dont la raison d’être est de rendre justice entre les humains de ce bas monde. L’état actuel de distribution du service public de la justice n’est pas digne d’une société qui aspire à la justice et à l’égalité. Ces deux domaines symbolisent l’arbitraire et l’injustice qui caractérisent la société malienne. « Aujourd’hui, chaque famille compte un terroriste « dormant » potentiel en son sein. C’est aussi la conséquence malheureuse de toutes ces injustices. Le sentiment d’injustice crée la frustration. Face à la violence, il faut lutter contre l’injustice. Il faudra un jour restituer les propriétés spoliées. J’ai bon espoir que la jeunesse montre l’exemple », déclarait Souleymane Cissé dans l’interview à Paris Match. Ces propos sont à méditer.
Chiaka Doumbia