Le 15 septembre 2022, Housseini Amion Guindo, Président de la Convergence pour le Développement du Mali (CODEM) était l’invité de l’émission « Grand Jury » de Renouveau TV. L’ex-candidat à l’élection du Président de la République a salué les efforts des autorités de transition dans le cadre de la montée en puissance des Forces armées de défense et de sécurité du Mali. Il s’est réjoui aussi du changement de posture des FAMa qui partent à l’offensive contre les « groupes terroristes ».
Le leader de la CODEM, qui a eu à assumer des fonctions ministérielles après deux mandats parlementaires, a fait des révélations sur la situation sécuritaire notamment, les relations entre les populations de certaines localités du centre et les groupes armés radicaux. Selon lui, la quasi-totalité des cercles de Djenné, Ténenkou, Youwarou, Douentza, Koro, Bankass et certaines communes du cercle de Niono ont signé des accords avec les «groupes djihadistes». L’un des termes de ces accords, selon de nombreux observateurs, est de ne pas coopérer avec les FAMa. Si ces accords se passent dans la plus grande discrétion au niveau local, celui qui a permis la levée du blocus sur la ville de Boni ayant coupé pendant plus de trois mois la route Sévaré-Gao, a été le plus médiatisé.
Ces accords constituent-ils des opportunités à saisir ? Une base pouvant servir de point de départ dans les discussions entre l’Etat central et les groupes armés radicaux ? Les populations signataires seront-elles perçues comme des traitres ou des collaborateurs des djihadistes ? Subiront-elles des représailles dans le futur ? Difficile de répondre à ces interrogations.
En tout état de cause, il est clair que l’Etat ou ses représentants ont l’obligation de travailler afin que les populations se sentent plus à l’aise avec eux. Ce n’est pas bon pour un Etat que certains citoyens aient une perception négative de ses représentants. Il faut gagner le cœur des citoyens. « Je pense que les terroristes eux-mêmes sont dans une nouvelle dynamique de conquête des cœurs des populations. Ils ont compris eux aussi que l’enjeu majeur, c’est d’être avec les populations. Pour cela, ils ont beaucoup de stratégies qu’ils sont en train de mettre en œuvre. Je suis revenu du nord il y a quelques jours seulement. Ces stratégies sont en train de réussir. Des personnes nous disent avoir plus confiance aux terroristes car ils sont plus justes envers elles. Nous sommes donc en train de perdre une bonne partie de cette population. Ce n’est pas possible de combattre efficacement le terrorisme si nous n’avons pas le cœur de cette population parce qu’au lieu de nous renseigner, elle mettra plutôt les renseignements à la disposition de nos ennemis. Au lieu de nous aider, ce sont plutôt nos ennemis qu’elle va aider. Au lieu qu’elle nous encourage, elle va encourager nos ennemis. Et on ne peut pas combattre nos populations. On ne peut tuer tout le monde. Il faut que les gens sachent cela », nous confiait en août dernier, Dr Mahamadou Konaté, Président de la Plateforme «Reconstruire Baara ni Yiriwa».
Déjà en 2018, l’International Crisis Group insistait dans un rapport sur « le nécessaire dialogue avec les hommes en armes à la frontière Niger-Mali. La stratégie qui privilégie une option militaire disproportionnée à la frontière entre le Niger et le Mali fait peser un risque sur la région: celui de créer un nouveau foyer d’insurrection», alertait l’International Crisis Group. «Il est aujourd’hui nécessaire d’enrayer ce cycle inquiétant de violence qui fait le jeu des éléments les plus extrêmes. Aux réponses essentiellement militaires enfermées dans le cadre restrictif de la lutte antiterroriste, il faut substituer des initiatives politiques. Replacées au cœur des stratégies sécuritaires, celles-ci devront passer par un redéploiement des services publics adaptés aux populations nomades et une réforme de la carte administrative permettant une meilleure représentation des populations, en particulier des peulhs nomades », martelait l’organisation.
Par Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger