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Entre doutes, incertitudes et difficile naissance du Mali Kura -Choguel Kokalla Maïga s’assume enfin…

-QUID DU GÉNÉRAL ASSIMI GOÏTA ET COMPAGNONS ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour une fois, le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga aura été fidèle à l’agenda de son meeting de célébration de l’anniversaire de la reprise de Kidal, revenant largement sur les péripéties qui ont précédé cette action d’éclat de nos FAMA, y compris l’historique de la lutte du peuple malien incarnée par le M5-RFP d’antan, mais aussi en clarifiant véritablement sa position, somme-toute des signaux et des messages clairs envoyés à l’aile militaire de la Transition.

La transition va mal, sinon très mal, tel est le message fort de Choguel au Général Assimi et compagnons. Sauront-ils lire entre les lignes ? Quel courage pour notre PM que de s’assumer publiquement et oser dire que les forces du changement, loin d’être lâches ou d’avoir peur, ne sont pas prêtes à se laisser ! Aussi, pour les besoins de notre analyse, nous nous focalisons sur les messages contenus dans le discours, et non sur le discours lui-même. D’abord, c’est un Choguel qui s’estime investi d’un mandat, celui à lui renouvelé à trois reprises par les responsables du M5-RFP, en juin 2020 et en décembre 2020 comme le seul habilité à coordonner et à orienter les actions du Mouvement, et en mai 2021 comme étant celui désigné pour être nommé Premier ministre, qui a parlé le samedi dernier. Cela, parce que les forces du changement avaient besoin d’explication, et Choguel ne pouvait l’ignorer : «Nous vivons des jours où, vous, militants et militantes, sympathisants et sympathisantes du M5-RFP, et, avec vous, de nombreux Maliens, avez le net et persistant sentiment que sur la Transition malienne plane un véritable spectre de la confusion, de l’amalgame. Ce spectre s’accompagne d’un corollaire constitué par un véritable risque de remise en cause des résultats de la lutte héroïque et de la marche victorieuse du peuple malien. Pire, et il n’est pas excessif de le soutenir, nous nous trouvons face à un risque regrettable et inimaginable il y a seulement trois (3) ans, de retour programmé en arrière». Pour cerner d’où nous sommes partis, ce qui a été fait et ce qui est sujet de préoccupations, Choguel ne s’est point dérobé pour dira sa vérité lui, puisque sentant «un grand besoin de créer un vrai électrochoc, afin de corriger et sauver ce qui peut l’être» et préserver l’essentiel : la marche victorieuse de la Transition malienne, le refus de tout retour en arrière ou la résurgence des anciennes pratiques contre lesquelles, les Maliens se sont battus.

L’essentiel pour lui, c’est aussi de se prémunir du fait de ne pas être accusé plus tard de s’être tu sur la vérité, sur les risques et menaces qui planent sur la Transition, et surtout de ne pas avoir manqué à son devoir de redevabilité, en sa qualité de mandataire.

Examinant les raisons pour lesquelles il a parlé d’une exigence de clarification, le Premier ministre évoquera surtout la tenue des Assises Nationales de la Refondation (ANR), dont l’objectif était de réunir tous les Maliens (M5-RFP, représentants des FAMa, l’ensemble des autres Forces politiques et sociales) afin de définir ensemble une nouvelle feuille de route, une nouvelle orientation de la Transition et fixer de commun accord les priorités pour le devenir du Mali. Il évoquera aussi les dix (10) points et dix-sept (17) mesures du M5-RFP. Il s’agit entre autres, de l’amélioration de la Sécurité ; la lutte contre la corruption et l’impunité ; les réformes politiques et institutionnelles ; l’application intelligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ; la conclusion d’un Pacte de stabilité sociale et de croissance. Des points sur lesquels des résultats incontestables ont été enregistrés depuis la Rectification de la Transition. Cependant, malgré tous ces acquis de la Transition rectifiée, il y a des manquements. En voici quelques uns dénoncés par le Premier ministre : «La durée de la Transition a été ainsi librement fixée à 24 mois à compter du 26 mars 2022 à la suite d’un décret signé par le Président de la Transition et le Premier ministre : Décret N°2022- 0335/PT-RM du 06 juin 2022. Donc la Transition est censée prendre le 26 mars 2024. Mais elle a été reportée sine die, unilatéralement, sans débat au sein du Gouvernement. La suite est connue de tous. Aujourd’hui encore, il n’existe aucun débat sur la question, le Premier ministre est réduit à se contenter des rumeurs de la presse ou à une interprétation hasardeuse des faits et gestes du Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation».

Pire, regrette Choguel, le Gouvernement n’a aucune information sur le programme ni le plan d’actions de l’AIGE (Autorité Indépendante de Gestion des Élections), bien que la création et la mise en place de cet organe fassent partie des exigences majeures du peuple malien pour la réalisation du Mali nouveau, le Mali Kura. Plus grave, toutes les procédures normatives dans le fonctionnement d’une équipe dirigeante dans la mise de cet organe ont été contournées, selon Choguel Kokalla Maiga.

Aujourd’hui, dira le Premier ministre, il est temps que le peuple malien sache à quoi s’en tenir. Et de lâcher : «Tout se passe dans l’opacité totale, à l’insu du Premier ministre, j’ai le courage et l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître tout en le déplorant vivement. Ce n’est nullement à ma personne qu’un préjudice se trouve porté. Après tout, je ne suis que l’humble serviteur d’une cause que je considère comme sacrée : la promotion d’un Mali nouveau, du Mali Kura, débarrassé des anciennes pratiques… «Nous étions bien partis, forts de l’appui de la Nation toute entière. Nous étions modèles», dira Choguel, qui se demande si les autorités de la Transition ne sont pas en passe d’être dépassées aujourd’hui par la situation… Et de poursuivre : «Il y a un véritable risque de graves reculs aussi bien politiques que sociaux. Des pratiques que le peuple malien a ouvertement et publiquement combattues, hier seulement, sous l’ancien régime, refont surface, au galop, quand ils n’ont pas pignon sur rue aujourd’hui. En effet, depuis la remise en cause du Pacte d’honneur scellé le 24 mai 2021, les choses vont de mal en pis. Nous sommes tous d’accord que la totalité des changements imprimés à la Transition, les principaux acquis de la Transition résultent de la mise en œuvre des résolutions des ANR. Or, celles-ci avaient expressément recommandé, par exemple, la réduction du nombre des partis politiques. (Imaginez 200 partis politiques pour une population de 22 millions d’habitants !). En dépit de cette recommandation, ce qu’il m’est donné de constater est tout simplement stupéfiant. Entre 1991 et 2021, donc en 30 ans, il y a eu la création de deux cent (200) partis politiques au Mali. Entre 2021 et 2023, en deux ans, et après les ANR, il y a eu la création avec délivrance de récépissés de cent (100) partis politiques !

Qu’est-ce à dire ? Uniquement ceci : une volonté délibérée d’en ajouter à la confusion ; plus il y en aura, plus il sera loisible de les manipuler».

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga est encore une fois revenu sur les violations et autres remises en cause du «Pacte d’honneur» scellé entre l’ex-CNSP et le Comité Stratégique du M5-RFP pour rectifier la trajectoire de la Transition, bien qu’ayant toujours donné satisfaction à chaque fois que ses clauses ont été respectées. Aussi s’interroge-t-il aujourd’hui si l’efficacité de l’action gouvernementale ne se trouve pas compromise par le dysfonctionnement qui se note entre les institutions. Et subsidiairement : à qui profite le dysfonctionnement ? Assurément, pas au Peuple malien dont les préoccupations sont largement connues, tranche net Choguel, regrettant une guéguerre sur fonds de sourde rivalité, et cela pendant que l’espoir s’amenuise, avec la recrudescence de l’insécurité et le manque de perspective. Et de prévenir qui de droit que l’attitude de patience stratégique et de sens de responsabilité devant l’Histoire jusque-là observée n’est pas assimilée à de la peur, à de l’ignorance, à l’absence de vigilance, à une mauvaise compréhension ou une analyse des propos, faits et gestes… Là, le message envoyé au Général Assimi Goita et à ses compagnons militaires est très clair. En effet, celui qui a toujours su faire le ménage après chaque sale boulot des militaires en place, notamment Choguel Kokalla Maiga, leur dit clairement aujourd’hui : Attention, les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets…

Et les prévient que l’attitude de patience stratégique et de sens de responsabilité jusque-là observée n’est pas assimilée à la peur ou à l’absence de vigilance ! Sera-t-il entendu ? That is the question ! ■

MAÏMOUNA DOUMBIA

Le Soir de Bamako

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