La Somalie est-elle depuis trop longtemps synonyme de crise pour que les alertes lancées par les agences humanitaires semblent devenues presque inaudibles ? « La famine frappe à la porte, c’est un ultime avertissement », a prévenu Martin Griffiths, le chef du bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha) lundi 5 septembre, en prédisant une catastrophe dont près de 300 000 personnes pourraient être victimes si des vivres et de l’assistance ne sont pas rapidement acheminés. Au cours du premier semestre, 730 enfants sont morts dans les centres de nutrition, selon l’ONU.

La poursuite de la sécheresse jusqu’à la fin de l’année explique le sombre pronostic des Nations unies. Le centre météorologique régional pour la Corne de l’Afrique, basé à Nairobi, anticipe, entre octobre et décembre, une saison des pluies encore insuffisante pour assurer les récoltes et reconstituer les pâturages. Si les semaines à venir lui donnent raison, il s’agira de la cinquième mauvaise saison des pluies depuis 2020. Une situation qui a déjà poussé plus d’un million de personnes – en majorité des femmes et des enfants – à quitter leur maison pour s’entasser dans des camps de déplacés aux abords des villes. Dans une grande partie du pays, les paysans n’ont pas pu semer. Les troupeaux ont été décimés. Les Nations unies estiment ainsi que d’ici fin 2022, 6,7 millions de personnes pourraient être confrontées à une insécurité alimentaire sévère, contre 4,3 millions de personnes aujourd’hui. Soit plus de 40 % de la population.

Mobilisations tardives

Les besoins financiers pour faire face à cette nouvelle crise sont désormais estimés à 1,5 milliard d’euros, dont 65 % seulement sont à ce jour assurés par les donateurs internationaux, Etats-Unis en tête. Ce soutien est jugé insuffisant et surtout tardif par les organisations humanitaires, qui ont vu la situation se dégrader au fil des mois. « Le système d’alerte précoce avait identifié les risques de famine en Somalie dès décembre 2021, en raison du déficit pluviométrique mais aussi des impacts persistants du Covid-19 et de la plus grande invasion de criquets des dernières décennies », rappelle Iman Abdullahi, chef du bureau de l’ONG Care, à Mogadiscio. « Or, en avril, le plan de réponse humanitaire pour le pays n’était couvert qu’à hauteur de 4,4 %. Les financements ont augmenté à partir du mois de juillet lorsqu’il est devenu évident que plusieurs districts dans la région de Bay allaient basculer dans la famine mais, entre-temps, les besoins n’avaient cessé d’augmenter au-delà de nos capacités et la crise s’est amplifiée », précise-t-il.

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Source: Le Monde