La colère des Haïtiens contre leurs responsables politiques couvait déjà depuis plusieurs mois, attisée par l’insécurité, la hausse du coût de la vie et les pénuries de carburant. Mais les manifestations récurrentes – et fréquemment émaillées de violence – ont pris une ampleur inédite, mercredi 14 septembre, à Port-au-Prince et dans plusieurs grandes villes haïtiennes, au point de paralyser le pays. En cause, une augmentation du prix des produits pétroliers, entrée en vigueur le jour même, malgré le tollé provoqué par l’annonce de cette mesure, dimanche, par le premier ministre, Ariel Henry.

Fixés par l’Etat, les prix à la pompe de l’essence, du diesel et du kérosène ont bondi pour la deuxième fois depuis l’accession au pouvoir du nouveau chef de l’exécutif, en juillet 2021, quelques jours après l’assassinat du président Jovenel Moïse. Le gallon (3,78 litres) de sans-plomb 95 augmente de 128 %, passant de 250 à 570 gourdes (de 2,11 à 4,83 euros), tandis que le prix du diesel et du kérosène s’établit à près de 670 gourdes, soit une envolée de 90 %.

Etat exsangue

Après l’application de ces nouveaux tarifs, les manifestations monstres de mercredi ont tourné à l’émeute à Port-au-Prince, avec des routes barrées par des barricades et de nombreuses scènes de pillage. Dans la banlieue aisée de Pétion-Ville, la maison du leader d’opposition André Michel a été attaquée par une foule de manifestants. Les médias haïtiens faisaient état d’au moins deux morts par balles en marge des violentes manifestations qui s’étaient déroulées la veille, mardi, dans la capitale, tandis que l’ambassadeur de France en Haïti, Fabrice Mauriès, annonçait sur Twitter la fermeture, « dès maintenant et jusqu’à nouvel ordre », des services consulaires.

Le gouvernement haïtien justifie la décision d’augmenter les tarifs de l’essence, prise en conseil des ministres, par la nécessité de diminuer sa subvention sur le prix des produits pétroliers. Après une interminable crise politique, économique et sécuritaire qui plonge ce pays de 11 millions d’habitants dans le chaos, l’Etat est exsangue. « Le financement pour continuer l’importation des produits pétroliers s’élève à 9 milliards de gourdes par mois, soit deux fois plus que la masse salariale mensuelle de l’Etat », a tweeté, mercredi, le ministère de la communication, avant d’ajouter que « l’ensemble des recettes enregistrées à la douane ne suffit pas » pour payer cette subvention.

Les prix officiels du carburant ont atteint un niveau insoutenable pour la population haïtienne, largement paupérisée – avec un produit intérieur brut par habitant de 1 815 dollars pour l’année 2021, selon la Banque mondiale, soit un revenu moyen de 151 dollars par mois –, et pour qui les produits pétroliers ont une importance vitale pour les transports et pour le fonctionnement des groupes électrogènes.

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Source: Le Monde