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En Ethiopie, de violentes manifestations opposent les forces de l’ordre et les Oromos

Tout a commencé début novembre dans la petite ville de Ginchi, à 80 km au sud-ouest de la capitale Addis-Abeba. Un groupe d’officiels s’y est rendu pour étudier la réquisition de terres en faveur d’un investissement industriel. Les habitants de la localité s’y sont opposés.

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Un mois et demi plus tard, des manifestations quasi quotidiennes secouent la région Oromia, la plus vaste des onze qui composent la République fédérale d’Ethiopie. Les autorités dénombrent cinq morts, les manifestants plus de soixante-dix, qui s’ajouteraient à plusieurs centaines d’arrestations.

La raison de ces mouvements sociaux, rarissimes en Ethiopie ? La publication, quelques mois auparavant, d’un plan d’urbanisme prévoyant l’expansion de la capitale bien au-delà de ses limites actuelles. En mordant largement, donc, sur les terres de la région Oromia, qui abrite plus de trente millions d’Oromos, soit un tiers de la population éthiopienne.

Le groupe ethnique le plus important du pays possède sa propre langue, l’afaan oromo, reconnu par la Constitution mais distinct de l’amharique, la langue de l’administration. Dans de nombreuses localités, les manifestations ont pris un tour violent. La police a été accusée de tirer à balle réelle sur des étudiants, tandis que la population a par endroits saccagé des commissariats ou bloqué des routes. Deux fermes industrielles, propriétés d’entreprises néerlandaises, ont été brûlées.

Au printemps 2014, une première version du plan d’expansion de la capitale avait déjà provoqué des manifestations, principalement dans les universités. Les heurts avec la police avaient fait plusieurs morts et provoqué l’arrestation de dizaines d’étudiants. Début décembre, soit un an et demi après leur arrestation, cinq d’entre eux ont été accusés de terrorisme. Beaucoup d’autres sont toujours en prison sans qu’aucune charge n’ait été formellement retenue.

Pour les opposants, l’extension de la capitale, qui possède sa propre administration, va résulter sur de nouvelles évictions de paysans oromos, pour qui la terre demeure l’unique source de revenus. Les compensations financières couvrent rarement le manque à gagner. Le gouvernement, lui, assure que les autorités régionales ont été consultées et les intérêts des Oromos pris en compte, tout en assimilant les manifestants les plus violents à des terroristes.

« La suggestion que ces Oromos, qui protestent contre une menace réelle à leurs sources de revenus, sont apparentés à des terroristes aura un effet effrayant sur la liberté d’expression des droits des militants, a déclaré Lynne Muthoni Wanyeki, directrice régionale pour l’Afrique de l’Est d’Amnesty International. Au lieu de condamner les assassinats illégaux commis par les forces de l’ordre, cette déclaration autorise l’usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques. »

De leurs côtés, les Etats-Unis ont invité « le gouvernement d’Ethiopie à permettre que des manifestations pacifiques aient lieu et à s’engager à ouvrir un dialogue constructif pour faire face à des doléances légitimes. » Principal allié occidental de l’Ethiopie, Washington a dans le même temps appelé les manifestants à « s’abstenir d’actes violents et à ouvrir le dialogue. »

Pour l’heure, l’Union européenne est restée silencieuse. Entre les Oromos et le pouvoir central, le grief est profond. Durant la dernière décennie, Addis-Abeba a fait figure de vitrine d’une croissance à plus de 10 %. L’inauguration de deux lignes de tramway en est l’illustration la plus récente. Dans la capitale, de nouveaux immeubles se construisent sans cesse, les routes sont transformées en avenues et d’énormes lotissements et complexes industriels sortent de terre, toujours plus loin du centre-ville. Mordant ainsi petit à petit sur les terres oromos…

Griefs économiques et culturels

Entre la capitale et le reste du pays, les différences de développement sont souvent criantes. Au-delà du plan d’urbanisme de la capitale, les manifestations mettent en effet en lumière les frictions entre un modèle de développement autoritaire orchestré depuis Addis-Abeba et un système fédéral décentralisé, censé garantir à plus de 80 groupes ethniques une égalité de droits.

Cette reconnaissance officielle de la diversité culturelle et linguistique de l’Ethiopie n’avait jamais été actée par les gouvernements précédents. Mais aujourd’hui, beaucoup s’impatientent et ne se contentent plus des promesses liées à l’une des croissances économiques les plus rapides du continent. Se mêlent donc des griefs économiques et culturels. Historiquement, les Oromos se sont toujours considérés marginalisés par les pouvoirs successifs, à la tête desquels figuraient en général des Ethiopiens d’autres ethnies, souvent amharas ou tigréens.

Le gouvernement éthiopien se passerait bien de ce genre de troubles, à la veille de l’une des pires sécheresses que le pays ait connu. Début décembre, les autorités ont revu à la hausse le nombre de personnes qui auront besoin d’une aide alimentaire d’urgence. De 8,2 millions, on est passé à 10,2 millions, soit plus de 10 % de la population. Ça fait beaucoup pour Addis-Abeba.
Source: lemonde.fr

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