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En difficulté sur le terrain, l’Etat islamique a déjà entamé sa mutation

Fondé sur une mystique de  la conquête, le groupe jihadiste s’efforce de donner une image d’expansion, alors même qu’il perd des villes en Irak et en Syrie.

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S’agrandir, toujours, par tous les moyens. Que ce soit au sens propre, en étendant le territoire du «califat» autoproclamé en Syrie et en Irak et en créant des filiales à l’étranger, ou, symboliquement, en commettant des attentats à travers le monde. Cette logique est à l’œuvre derrière les attaques de vendredi à Paris et celles commises la veille à Beyrouth, la capitale libanaise. «Le principe de l’Etat islamique est de s’étendre. Son expansion est essentielle. Il ne peut pas stagner, car cela remettrait en cause sa rhétorique messianique. Ensuite, c’est une question d’allocation de ressources entre la construction de l’Etat, qui reste sa première priorité, et les attaques à l’étranger», explique Stéphane Lacroix, professeur à Sciences-Po.

Depuis le début d’année, le sanctuaire syrien et irakien de l’Etat islamique (EI) se fragilise. Il y a d’abord eu, en janvier, après des mois de combats, l’échec de l’assaut jihadiste sur Kobané, une enclave kurde du nord de la Syrie, où le groupe a perdu plus de 1 000 hommes, devant les caméras de télé du monde entier. Cet été, il a été chassé de Tall Abyad, à la frontière turque, par les mêmes forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG). La perte de cette ville est stratégiquement plus grave pour l’EI que celle de Kobané : Tall Abyad était l’un des principaux points de passage pour les jihadistes étrangers rejoignant le califat.

Raqqa menacé.Depuis, les Kurdes n’ont pas faibli, bloquant une attaque de l’EI contre Hassaké, avant d’y lancer une contre-offensive. De l’autre côté de la frontière, en Irak, les jihadistes viennent de perdre Sinjar. Les peshmergas ont pénétré dans la ville dévastée le 13 novembre, quelques heures avant les attentats de Paris. Là aussi, la perte est stratégique : la route 41 qu’empruntaient les hommes de l’EI pour circuler entre les deux piliers du califat, Raqqa, en Syrie, et Mossoul, en Irak, est désormais coupée.

La ville même de Raqqa est menacée. Depuis plusieurs semaines, les Etats-Unis tentent de convaincre les Kurdes de s’allier aux rebelles et aux tribus arabes sunnites de la région pour lancer une offensive. Pour l’instant, les Kurdes se montrent réticents. Mais l’EI prend la menace au sérieux. «Même si l’assaut kurde n’est pas imminent, les jihadistes se préparent. Ils ont fortifié la ville», explique Nadim Houry, vice-directeur de l’ONG Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

«Face à ces replis, commettre des attentats à l’étranger est une forme de riposte et de communication. Ce n’est pas un basculement stratégique, cela avait été annoncé», explique Stéphane Lacroix. Fin septembre 2014, le porte-parole de l’EI Abou Mohammed al-Adnani avait en effet publié un texte d’une dizaine de pages, traduit en plusieurs langues, dans lequel il menaçait spécifiquement la France : «Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales Français – ou un Australien ou un Canadien ou tout incroyant […], alors comptez sur Allah et tuez-le de n’importe quelle manière.» Paris venait de rejoindre la coalition à l’offensive contre l’EI en Irak.

Les tentatives se sont ensuite succédé. D’Amedy Coulibaly, en janvier 2015, auteur d’une prise d’otages sanglante à l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, à la tentative ratée de Sid Ahmed Ghlam, le 19 avril à Villejuif, ou à celle d’Ayoub El Khazzani dans un Thalys, le 21 août. Jusqu’aux attentats, mieux préparés et coordonnés, impliquant des kamikazes, vendredi à Paris et Saint-Denis.

Leur ampleur a relégué au second plan une autre attaque de l’EI, commise la veille. Le 12 novembre, deux kamikazes s’étaient fait exploser dans un quartier chiite de Beyrouth. Bilan : 44 morts, plus de 230 blessées. C’est, de loin, l’attentat le plus sanglant commis par l’EI au Liban. Ce changement d’échelle avait déjà été observé fin octobre, lorsqu’un avion russe avait explosé au-dessus du Sinaï, tuant ses 224 passagers et membres d’équipage.

L’EI s’expose toutefois à un risque. A la différence d’Al-Qaeda, qui a fait de l’Occident sa principale cible, frappant New York, Washington, Londres ou Madrid, l’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi dispose d’un territoire, son califat, aux frontières certes mouvantes mais identifiées. Dès samedi, en réaction aux attentats, la France l’a d’ailleurs bombardé.

Fin des temps.L’EI fait le pari que ces frappes ne l’éradiqueront pas. «Même s’ils sont perdants à court terme, ils estiment qu’ils seront gagnants à moyen terme. Depuis l’invasion américaine en Irak en 2003, les interventions militaires au Moyen Orient ont été contre-productives et provoquent des effets inédits. L’EI s’appuie sur les bombardements de la coalition pour recruter», poursuit Stéphane Lacroix.

Le groupe jihadiste a lui-même poussé les Etats-Unis à intervenir en publiant les vidéos de décapitations d’otages occidentaux à l’été 2014. Un mois plus tard, l’aviation américaine commençait à bombarder en Irak.

Cette volonté de pousser les pays occidentaux à s’engager procède aussi de la vision eschatologique de l’EI. Les jihadistes font régulièrement référence à Dabiq, une ville du nord de la Syrie, qui abritera, selon eux, la bataille de la fin des temps entre chrétiens et musulmans. Selon Stéphane Lacroix, «ils y croient vraiment. Ils veulent tout faire pour provoquer et participer à cette bataille».

Luc Mathieu

Source: Liberation.fr

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