L’atmosphère était pesante, fin août, dans les jardins de l’Elysée, à peine égayée par le chien Nemo ravi de divertir quelques ex-élus abattus. Puis, d’une phrase, Emmanuel Macron redonne le sourire à ses fidèles défaits aux élections législatives : « Je serai toujours là pour vous, parce que vous avez toujours été là pour moi. » Le chef de l’Etat n’ajoute pas que tout vient à point à qui sait attendre, mais les plus chevronnés de ses anciens ministres et députés le savent.
Sept semaines plus tard, Jean Castex se prépare à prendre la très convoitée présidence de la RATP, deux mois après avoir été nommé président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. L’ancien premier ministre a reçu, mardi 18 octobre, un avis favorable de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Sous réserve qu’il s’abstienne, dans sa nouvelle fonction, « de toute démarche » auprès du ministre des transports ou de la première ministre… « Castex ne peut pas appeler Borne, mais Borne peut appeler Castex », déjoue-t-on à Matignon. Très enthousiaste, il devra encore convaincre les commissions parlementaires.
Le chef de l’Etat s’attache bien à choyer ses « soldats de la première heure », auxquels il rendait déjà hommage en avril, lors de son meeting de la Défense. A Richard Ferrand, l’ex-président de l’Assemblée nationale battu dans le Finistère, il a offert plusieurs fauteuils, dont la présidence de l’Office national des forêts. « Je ne veux pas qu’on puisse dire que j’ai été recasé », a décliné l’ami, flairant le danger du soupçon de favoritisme. C’est une ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts qui a été nommée à la tête de l’Office national des forêts (ONF), le 26 septembre.
Un autre fidèle, Christophe Castaner, battu dans les Alpes-de-Haute-Provence, devait prendre la présidence bénévole du conseil de surveillance du Grand Port maritime de Marseille, le 14 octobre. Ce « parachutage » a fait bondir la CGT, pour qui « le Grand Port n’est pas le réceptacle de ministres ou d’élus déchus de leurs mandats, avides de reconnaissance ou à la recherche de tremplin politique ». Nomination repoussée au prochain conseil, le 25 novembre. « Chaque chose en son temps », patiente l’ancien ministre, qui discute d’autres projets en parallèle avec l’Elysée. Pas pour le poste de ministre d’Etat à Monaco, assure-t-il, contre la rumeur.
Lallement, secrétaire général à la mer
Tous ont à l’esprit le « cas Emmanuelle », comme le dit un conseiller du palais. Dès juillet, l’Elysée avait proposé la nomination de l’ex-ministre du logement Emmanuelle Wargon, défaite dans le Val-de-Marne, aux rênes de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), l’autorité indépendante chargée de proposer les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. Autour du chef de l’Etat, on a essuyé des sueurs froides lorsque les parlementaires s’y sont majoritairement opposés (48 voix contre, 43 pour), sans parvenir à réunir la majorité qualifiée pour bloquer le choix présidentiel. Avec la promesse de tourner « une page politique de [sa] vie », Emmanuelle Wargon a été nommée, le 17 août, pour un mandat de six ans. Mais, en haut lieu, l’avertissement est reçu : il faudra faire avec les fourches caudines du Parlement dans un monde de majorité relative, y compris pour les hauts fonctionnaires comme Rémy Rioux, fraîchement reconduit à la direction de l’Agence française de développement.