5100 soldats français sont aujourd’hui déployés au Sahel pour lutter contre le djihadisme. Le chef de l’Etat a promis une transformation profonde de la présence militaire française, basée sur la coopération internationale.
L’annonce avait fuité quelques dizaines de minutes avant qu’elle ne soit officialisée. Le président français Emmanuel Macron vient d’acter la fin de l’opération antidjihadiste Barkhane, notamment au Mali, théâtre d’un nouveau coup d’Etat. Il s’agit d’une « transformation profonde » de la présence militaire française au Sahel, a précisé le chef de l’Etat lors d’une conférence de presse. Celle-ci devrait être basée sur « une alliance internationale associant les États de la région ». Des consultations seront menées prochainement avec les américains et les européens pour un résultat « d’ici à la fin juin ».
Ces annonces s’inscrivent dans la volonté politique déjà esquissée par le chef de l’Etat de réduire à moyen terme la présence militaire française dans la zone. Il prône un « changement de modèle », pour « permettre une opération d’appui aux armées des pays qui le souhaitent et la mise en œuvre d’une alliance internationale concentrée sur la lutte contre le terrorisme ». Le détail de ces annonces devrait être dévoilé prochainement, dans le cadre de la coalition pour le Sahel.
Ag Ghali, objectif numéro un
Mi-février, lors d’un sommet à N’Djamena avec les partenaires du G5 Sahel (Tchad, Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie), le président français avait repoussé la décision attendue d’entamer le retrait de Barkhane, tout en confirmant une évolution « au-delà de l’été ». Il avait alors promis « une action renforcée » pour « essayer d’aller décapiter les organisations » liées à Al-Qaïda et l’EI. La France a engrangé des succès tangibles contre l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et les organisations affiliées à Al-Qaïda regroupées au sein du GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), sans enrayer toutefois la spirale djihadiste.
A l’approche de l’élection présidentielle de 2022, cet effort militaire de longue haleine suscite aussi des interrogations croissantes en France, alors que 50 soldats ont été tués au combat depuis 2013. Le chef du GSIM, Iyad Ag Ghaly, responsable de très nombreuses attaques au Burkina, au Mali et au Niger, apparaît désormais comme l’objectif prioritaire de Barkhane. « Clairement, aujourd’hui, c’est Iyad Ag Ghali qui est la priorité numéro une (…). Pour nous c’est la personne qu’il faut absolument réussir à capturer, voire neutraliser si ce n’est pas possible de le capturer, dans les prochains mois », soulignait le commandant des opérations spéciales, le général Eric Vidaud, le 3 juin sur la chaîne France 24.
La situation s’est compliquée ces dernières semaines avec la mort brutale du président Idriss Déby au Tchad, et surtout le deuxième coup d’Etat en neuf mois au Mali, pays central de l’opération Barkhane. Les soubresauts politiques au Mali soulèvent d’autant plus la question de la présence française qu’une partie des dirigeants maliens souhaitent entamer un processus de négociation avec certains groupes djihadistes, une démarche à laquelle Paris est opposée.
Appel aux Européens
La France a déjà annoncé le gel de ses opérations conjointes avec l’armée malienne pour condamner le coup d’Etat et soutient les pressions internationales exercées par la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et l’Union africaine pour pousser les autorités maliennes à organiser une transition vers un pouvoir civil et des élections en 2022.
L’opération Barkhane dispose de plusieurs bases au Mali dont certaines pourraient être fermées à moyen terme, selon deux sources. A l’horizon 2023, les effectifs français devraient tourner autour de 2500 personnes selon l’une de ces sources. Deux d’entre elles ont aussi évoqué un éventuel sommet des différents pays européens pour discuter de l’avenir de l’engagement militaire au Sahel. Paris compte sur l’« internationalisation » de l’effort d’accompagnement au combat des forces locales, sous-équipées et sous-entraînées.
La France mise tout particulièrement sur la montée en puissance du groupement de forces spéciales européennes Takuba, qu’elle a initiée et qui rassemble aujourd’hui au Mali 600 hommes dont une moitié de Français, ainsi que quelques dizaines d’Estoniens et de Tchèques et près de 140 Suédois. L’Italie a promis jusqu’à 200 soldats, le Danemark une centaine et plusieurs autres pays, dont la Grèce, la Hongrie ou encore la Serbie, ont exprimé leur intérêt. Mais après le second coup d’Etat en mai au Mali, la France a pour l’heure gelé cette mission d’accompagnement au combat des forces armées maliennes.
Source: leparisien