Depuis l’annonce de sa candidature pour les législatives prochaines, beaucoup s’attendaient à son départ du gouvernement. Imperturbable, il garde son fauteuil à ce jour et se lance dans la campagne à Djenné avec sa casquette de ministre de la République.
Dans des pays, modèles de démocratie, de transparence et de légalité, il est courant et obligatoire pour un ministre en fonction de se démettre dès qu’il nourrit l’ambition d’aller à la conquête du suffrage des électeurs pour un quelconque mandat électoral. Il est automatiquement mis fin à sa mission dans le gouvernement avant même qu’il ne dépose sa candidature.
Sous nos tropiques, la réalité est toute autre. Pour l’histoire et comme nous l’avions écrit précédemment, la candidature de Me Baber Gano pour la députation à Djenné cache des non-dits. Il traine (à travers le cabinet d’avocat qui porte son nom) devant le Pôle économique et financier de Bamako, un dossier de décaissement douteux de 400 millions de F CFA à l’Office du Niger dont il est le conseil juridique. Menacé de poursuites judiciaires et d’inculpation, l’abri idéal pour lui est l’Assemblée nationale où il jouira de l’immunité parlementaire avec un mandat d’au moins 5 ans sans être inquiété.
La candidature de Me Baber Gano, ministre de l’Intégration africaine, aux législatives du 29 mars, dans la circonscription électorale de Djenné, a été distillée dans la presse deux semaines avant que la Cour constitutionnelle ne valide les différentes listes le 29 février dernier. Déjà le lendemain dimanche, bien avant l’ouverture officielle de la campagne électorale, il était à dans sa localité où il a tenu une conférence sur les motivations de sa candidature sur la liste RPM-URD.
Même si le ministre Baber Gano ne se démet pas de son propre chef, son maintien au gouvernement heurte les bonnes consciences, l’ordre normal des choses. Parce qu’il ne va pas à ces élections en égalité de chance avec les autres candidats et en plus viole la loi électorale. Le président de la Céni, Mamadou Ba au cours d’une interview sur l’ORTM la semaine dernière, parlait des attitudes proscrites par la loi électorale pendant la campagne. Parmi ces interdits, il a mis l’accent sur l’utilisation des biens et des moyens de l’Etat.
Comment un ministre de la République en fonction, candidat à la députation peut échapper à la violation de la loi dans ces conditions ? Primo, sa présence sur le terrain en temps de campagne dans le pays profond sera interprétée par la population à majorité analphabète comme la présence du représentant de l’Etat. Secundo, il pourra justifier difficilement la provenance des moyens logistiques utilisés comme les véhicules, le carburant, etc. Tertio, sa casquette de ministre est un genre de trafic d’influence qui va inéluctablement faire pencher la balance en faveur de sa liste.
La Constitution de février 1992 est muette sur la candidature d’un ministre à une fonction électorale. Cependant l’article 58 de cette loi fondamentale stipule que “les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à l’échelle nationale ou locale, de tout emploi public ou de toute activité professionnelle lucrative”. Si tel est le cas, Me Gano devrait a priori démissionner ou être limogé sans autre forme de procès.
Son élection étant quasi assurée en coalition avec un parti (l’URD) qui domine Djenné, il ne pourra plus rester dans le gouvernement du Dr. Boubou Cissé. Donc pourquoi ne pas quitter avec au moins la tête haute ?
Abdrahamane Dicko
Mali Tribune