L’avènement du vaste mouvement dirigé par l’ancien Premier Ministre Ousmane Issoufi Maïga montre que, désormais, les populations noires, majoritaires au nord du Mali, n’entendent plus laisser leur sort aux groupes armés.
Ces derniers, qu’ils soient proches du gouvernement malien (Plateforme) ou de la rébellion arabo-touarègue (CMA), semblent, en effet, poursuivre leurs propres objectifs qui ne correspondent pas toujours aux aspirations des populations des populations civiles désarmées. La césure entre groupes armés et populations civiles du nord est bien attestée par l’absence, à la rencontre du samedi 14 mai 2016, de tout représentant des groupes armés alors que l’enjeu est la préservation des intérêts des populations majoritaires pour lesquelles chaque groupe armé prétend pourtant se battre.
Le mouvement noir à dominante songhoi qui vient de naître sonne aussi comme un sévère avertissement à l’Etat malien: celui-ci n’aura plus, comme auparavant, les mains libres pour multiplier les concessions politiques, économiques, militaires et territoriales aux groupes rebelles de la CMA.
Enfin, le nouveau mouvement vient combler un déficit étrangement persistant: l’absence, dans le processus de règlement du conflit septentrional, de représentants qualifiés des populations civiles.
Un péril pour les projets séparatistes
Sur le fond, la naissance du mouvement risque de bouleverser les plans de partition du pays tels qu’échafaudés dans les officines rebelles et leur arrière-cour occidentale. En effet, si, comme probable, le mouvement parvient à rallier à sa cause la majorité populaire du nord, il sera difficile à la CMA de mettre en oeuvre sa stratégie de séduction, suivie de sécession. Les populations ne se laisseront plus mettre un biberon dans la bouche moyennant leur adhésion au projet de partition territoriale qui, en vérité, vise à écarter l’Etat de la gestion du nord pour soumettre les populations au joug des rebelles armés. De surcroît, une montée en puissance du mouvement tuerait dans l’oeuf l’idée d’un référendum que les rebelles souhaitent provoquer une fois qu’ils auront réussi à rallier une majorité de population à la cause d’un Azawad indépendant.
Pour toutes ces raisons, les intérêts du mouvement coïncident parfaitement à ceux de l’Etat du Mali. Faut-il en déduire que le mouvement n’est qu’une création, une marionnette de l’Etat comme le fut, un moment, le GATIA? On ne sait. En tout cas, il ne nous paraît pas anodin que le mouvement soit dirigé par un homme d’Etat de la trempe d’Ousmane Issoufi Maiga. Né en 1945 dans la région de Gao, ce Songhoi est un financier diplômé de l’Université de Kiev (Ukraine), de l’American University de Washington (États-Unis). Après un passage à la Banque Mondiale et au ministère français des Finances, il retourne au Mali. Directeur adjoint de la Caisse autonome d’amortissement pendant une décennie, çil devient ensuite Conseiller technique du ministre des Finances (1988). Secrétaire général dudit ministre pendant 7 ans, Issoufi est nommé, en 2002, ministre de la Jeunesse et des Sports: il organise avec brio la Coupe d’Afrique des Nations qui se déroule au Mali. Après l’élection d’Amadou Toumani Touré à la présidence de la République, il entre au gouvernement d’Ahmed Mohamed ag Hamani, le 14 juin 2002, en tant que ministre de l’Économie et des Finances. Le 16 octobre 2002, il devient ministre des Transports et de l’Équipement. Le 29 avril 2004, il prend la tête du gouvernement qu’il quitte, le 27 septembre 2007, pour diriger le conseil d’administration de la société Energie du Mali SA. Sa rigueur lui vaut, de la part des journalistes, le sobriquet de « Pinochet », en référence au vieux dictateur chilien. Ce grand commis de l’Etat, attaché à sa patrie, à son terroir et à son image, quitterait-il sa retraite pour une entreprise qui n’en vaille pas la peine ? Nous ne le pensons pas. C’est pourquoi nous considérons la naissance de son mouvement comme un tournant majeur dans le règlement de la crise du nord. La garantie que dans la mise en œuvre des accords de paix, la voix des civils peut dominer celle des armes. La garantie que les populations civiles ne seront pas les dindons de la farce.
Tiékorobani
Source: proces verbal