Nous empruntons pour les besoins de la cause cette expression à l’aventure ambigüe de Cheickh Hamidou Kane. Cet écrivain sénégalais reçoit en 1962 le grand prix littéraire d’Afrique noire, avec ce roman dont le personnage principal est Samba Diallo, le héros des « Diallobé ».
Nous ne parlerons pas de ce héros, déchiré entre deux cultures, encore moins de la Grande Royale, sœur du maitre spirituel Thierno, qui insista pour que Samba Diallo aille à la nouvelle école, lui, habitué jusque là à l’école coranique, afin d’apprendre cet art : « vaincre sans avoir raison ».
Là, je considère le Premier ministre, Moctar Ouane, comme l’acteur principal du scénario, présenté le 19 février au CICB, devant les conseillers nationaux de la Transition. Il se joue en deux temps, avec comme metteur en scène, le président du CNT, le Colonel Malick Diaw, qui a échangé sa tenue treillis contre le grand boubou.
Les sons et les lumières étaient bien là avec les caméras et les communicants. Les spectateurs y étaient nombreux. Le décor bien planté avec la présence effective des membres du gouvernement, bien costumés et maquillés.
La scène démarre un vendredi, après la mosquée : Le premier des ministres, un homme pieux, sobre, élégant, avec sa voix douce qu’on ne retrouve nulle part, des yeux captivants, en grand boubou blanc, au pupitre, s’adresse à un auditoire acquis à sa cause. C’est donc avec assurance que Moctar Ouane lit son Programme d’action du gouvernement de 24 pages, en respectant, à la fois, la ponctuation et l’intonation. Des applaudissements nourris accueillent la fin de son allocution.
Quarante huit heures après, le revoici en trois pièces avec les membres de l’attelage gouvernemental pour écouter religieusement les interrogations de ceux qu’on appelle abusivement « honorables ».
Il y a eu de bonnes questions, des inquiétudes bien exprimées sur la question sécuritaire, les élections et la relecture de l’Accord…
Malheureusement, elles n’ont pas été répondues, souvent bottées en touche ou renvoyées auprès de ses ministres. Manifestement, ce qui a été lu n’est ni plus ni moins que de catalogues de bonnes intentions, déjà répétés par ses prédécesseurs. Nous avons eu l’impression d’un copier-coller de ses services techniques, puisque les mesures annoncées ne pourront pas être exécutées dans le temps imparti. Elles ne sont soutenues par aucun moyen financier, encore moins un chronogramme établi.
Ce qui a été exposé est un processus favorisant une transition sans fin ! En effet, la priorité numéro un, relative à la relecture de l’accord, pourrait elle-même impacter négativement sur la transition. Les conséquences sont déjà là avec Kidal, dont le mat du gouvernorat a été simplement enlevé pour qu’il n’y ait pas le drapeau du Mali.
Sans oublier les « gages » obtenus par Macron auprès du président de la Transition.
En clair, c’était du déjà entendu ! Du déjà vu ! La même rengaine a été servie au peuple.
Le Premier ministre, ayant fait l’école coranique, avant celle des blancs, à l’instar de Samba Diallo, a vraiment appris cet art : « Vaincre sans avoir raison ».
Oui, il a vaincu prosaïquement, car ce sont 100 votants contre 4 et 3 abstentions qui ont approuvé son Programme d’action du gouvernement. Pour autant, il n’a pas raison ! Loin s’en faut parce qu’il existe une inadéquation entre le Programme, les ressources, le chronogramme d’actions et le temps imparti pour la Transition.
Voilà, on peut bien : « Vaincre sans avoir raison ».
Wa Salam !
El Hadj Chahana Takiou