Le Mali vient de connaitre, le samedi 1er juillet 2023, son deuxième gouvernement post coup d’Etat de la rectification sous le magistère du Colonel Assimi Goïta, président de la transition. Ce gouvernement, contrairement au précédent, a été mis en place dans une totale unilatéralité, sans concertations, ni consultations des forces vives de la nation, qu’elles soient politiques ou de la société civile, comme il était d’ailleurs d’usage depuis l’avènement de la démocratie au Mali.
Pour rappel, à la veille de chaque remaniement ministériel ou réaménagement du gouvernement des larges consultations étaient faites et cela par souci d’inclusivité. En effet, si tous les grands observateurs de la scène politique malienne s’attendaient à un nouveau gouvernement après le référendum, le timing et la manière dont ce gouvernement a été composé ont surpris plus d’un. Après la lecture du décret sur les antennes de l’ORTM, trois constats majeurs se dégagent : le premier est que l’aile militaire de la transition a procédé toute seule à ce réaménagement sans se référer à l’aile politique incarnée par le M5 RFP. C’est pourquoi tous les ministres du Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces patriotiques, excepté Ibrahim Ikassa Maiga, ont été remerciés sans aucune forme de procès. Donc sans nul doute cette nouvelle situation sonne le glas du tandem M5RFP / CNSP et affaiblirait à coup sûr le PM Choguel Kokala Maiga, pour ne pas dire qu’il serait sur la liste de départ du prochain remaniement, puis qu’il ne démissionnerait jamais de lui-même qu’elle que soit l’humiliation qu’on lui infligerait.
Le second constat majeur est le mépris souverain à l’encontre de la classe politique. Le Président de la transition le colonel Assimi Goïta, par ce remaniement ministériel, vient de donner un coup de massue à ses alliés politiques, alors ces derniers espéraient signer leur retour au gouvernement et même se tailler une bonne place dans la nouvelle équipe. Les cadres des différents partis politiques qui ont pris fait et cause pour la transition et qui ont appelé à voter pour un Oui massif au referendum se sont sentis trahis. Ils s’attendaient au retour de l’ascenseur, après leur mobilisation pour le oui à la nouvelle constitution. Ils sont d’autant plus déçus qu’ils ne cachent plus leur mécontentement. C’est pourquoi dans leurs communiqués de félicitations et de remerciements on pouvait lire en filigrane une colère noire, celle d’une désapprobation. On pourrait lire dans leurs communiqués une insistance au respect du chronogramme et un retour à l’ordre constitutionnel normal. Tout porte à croire que les militaires ont surfé sur la désaffection de l’opinion vis-à-vis de la classe politique malienne, de leur impopularité, pour lui donner ce coup de massue.
Le troisième constat est la mainmise de l’aile militaire de la transition sur tout l’appareil d’Etat. Elle semble exclure l’aile politique de la tradition, en l’occurrence le M5 RFP, qui est incontestablement victime de ses divisions internes et du manque de leadership de son chef, à savoir le PM Choguel K Maiga. Le Colonel Assimi Goïta et ses quatre frères d’armes du Comité National pour le Salut du Peuple, CNSP, la composante militaire de la transition, ont, semble-t-il, fait une totale omerta sur l’exécutif. Cette façon de faire semble traduire une certaine volonté de l’homme fort de Koulouba, soit de rester au pouvoir, en faisant acte de candidature ou de préparer un candidat qui passera sans coup férir avec l’aide de l’administration déjà acquise à sa cause.
En Somme, après avoir « neutralisé » la classe politique et tous les potentiels grands candidats, le boulevard est désormais ouvert aux militaires pour rester au pouvoir en se vêtant du manteau de démocrate ou alors en mettant un de leurs hommes de confiance qui ne sera qu’un faire-valoir à la Poutine/ Medvedev. Wait and See.
Youssouf Sissoko
L’Alternance