Ce récit retrace une histoire que j’ai vécue. Il y a de cela un mois, je me transportais au pays dogon, précisément à Ningari, mon village d’origine qui se situe à 55km de Bandiagara, en compagnie d’un journaliste de Renouveau TV et un membre influent de Dan Nan, Drissa Dolo. Nous partions à la rencontre du chef d’État-Major de Dan Na Ambassagou, Youssouf Toloba. L’objet de ce déplacement, c’est d’avoir une interview avec ôgônô. Ce nom qui veut dire le Chef, Youssouf Toloba est reconnu dans la zone à travers ça. Tout le monde l’appelle ainsi.
Nous voilà vers 10 heures chez le chef. Quelques heures plus tard, il est là avec ses guerriers qui ont les visages masqués. Le contact familier s’installe. Il nous accueille comme si nous sommes de vieux amis. Nous étions épatés, car ce comportement est différent de celui qui lui est collé à l’extérieur, c’est-à-dire hors du pays dogon. Il est traité de tous les mauvais noms et les gens ont peur d’aller à sa rencontre.
Après les salutations et taquineries, il se met à notre disposition.
D’entrée de jeu, ôgônô démontre son esprit républicain. Ses hommes ont le drapeau malien au coup et au niveau de tous les check-points et camps, de loin on voit le drapeau malien flotter. Le chef nous fait la genèse de la situation et réaffirme son entière disponibilité à accompagner l’État, car pour lui, leur existence est due à l’absence de l’État. Par la suite, il donne une précision de taille sur la mission de son mouvement.
« Je suis là contre les djihadistes. C’est tout. Je l’ai plusieurs fois dit et aujourd’hui notre volonté est que l’État accepte de collaborer avec nous. Si cela se réalise, je vous jure qu’on n’entendra plus parler de djihadistes au pays dogon dans 3 mois. », martèle-t-il.
Ogônô va plus loin en citant les nids des djihadistes. Et il estime que sans une synergie d’action, il serait difficile que l’armée seule ou son mouvement seul puisse arriver à bout de ces faiseurs de mal.
Il estime que l’État doit réfléchir à cette hypothèse et la matérialiser sur toute l’étendue du territoire, c’est-à-dire partout où il y a présence de groupes armés non républicains.
En fin, pour ce qui est du retour de la paix, du vivre ensemble et de la cohésion sociale entre les fils du pays dogon, ôgônô pense que les fils du terroir, toute identité confondue, doivent se donner la main. Ils doivent comprendre que beaucoup de choses se disent sur sa personne et son mouvement, mais ne sont pas fondées.
L’interview diffusée sur Renouveau Tv a été suivie avec le plus grand intérêt par tous les citoyens épris de paix.
Alors au Gouvernement d’y penser et voir dans la mesure du possible comment les propositions pourront être applicables.
Quant aux communautés, les cadres doivent se retrouver précisément au pays dogon, en présence d’un médiateur, afin d’échanger entre eux dans la plus grande sincérité pour définir les voies et moyens pour le retour du climat d’antan.
Peuple du Pays Dogon, votre ennemi commun, ce sont les djihadistes qui sont venus semer la haine, la méfiance entre vous au point que vous vous jetez tout le temps la responsabilité de tel ou tel acte commis.
Sachez que c’est dans l’union tout en faisant table rase du passé que vous ferez honneur à vos ancêtres, qui ont vécu des siècles dans la cohésion totale, et à la République.
Boubacar Yalkoué
Source: Journal le pays- Mali