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Ebola: à Monrovia, hôpitaux saturés et populations excédées

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Des dizaines de proches de malades d’Ebola, laissés sans nouvelles depuis plusieurs jours, manifestent leur colère devant la clinique Island, dans un quartier miséreux de Monrovia. Soudain, le silence: deux camionnettes transportant des cadavres sortent lentement de la sinistre enceinte.

Ouvert dimanche, “le centre était plein lundi. Il compte 120 lits et nous avions vendredi 206 patients”, explique un porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui le gère.

“Nos familles sont à l’intérieur. Nous ne pouvons pas entrer pour les voir. Je veux voir mon fils!”, lance Janjay Geleplay, le visage fermé.

Elle est venue dimanche avec Joshua, 12 ans, de son quartier, le “72e” de la capitale libérienne, où “il y a beaucoup d’Ebola”. Depuis, “aucun renseignement des autorités. Elles disent toujours qu’on doit attendre. Je viens tous les jours. Je veux voir mon fils! Peut-être qu’il est déjà mort…”.

Un homme en combinaison étanche blanche, irréel dans la chaleur vibrante, garde la porte à double battant où entrent les malades, entourée de hauts murs surmontés de barbelés.

George Williams, 58 ans, a amené sa femme et sa fille mardi “en moto”. Là encore, “pas de nouvelles”, mais il “fait confiance aux médecins et au gouvernement”.

La quarantaine de personnes présentes ricanent à ses propos. Certains brandissent des photos de proches internés, d’autres apportent de petits sacs qu’ils remettent au gardien. “C’est de la nourriture pour ma mère”, explique Finley Freeman, 32 ans. “Je lui ai parlé au téléphone hier soir. Elle continue de prier”.

Les portes s’ouvrent, interrompant les bruyantes récriminations. Deux camionnettes de la Croix-Rouge avancent au pas. Chacune transporte une dizaine de sacs mortuaires.

Les sanglots d’une femme, puis deux, rompent le silence, des cris éclatent, la colère flambe.

“Il y a un système pour que les malades puissent parler à leurs familles à quelques mètres de distance, apparemment pas encore opérationnel”, selon un responsable de l’OMS, embarrassé.

La clinique Island, comme tous les centres anti-Ebola de Monrovia, gérés par des ONG, est dépassée par une épidémie qui a mis à genoux le squelettique système de santé du Liberia, dévasté par 14 années de guerres civiles (1989-2003).

– La peur des humanitaires –

A l’autre bout de la ville, le centre de l’ONG Médecins sans frontières (MSF), 160 lits, plein lui aussi, a refusé des patients pendant des jours.

Un humanitaire belge qui y jouait le rôle de “videur” est rentré prématurément chez lui, traumatisé d’avoir dû renvoyer des malades parfois agonisants.

“Beaucoup disent que c’est leur mission la plus dure”, confie une de ses collègues sous couvert d’anonymat. “Mais depuis jeudi, il y a légèrement moins d’arrivées, on ne refuse plus de malades pour l’instant. Peut-être parce que de nouveaux centres ont ouvert”, hasarde-t-elle.

De fait, l’argent affluant, les centres bourgeonnent dans la capitale, saturés dès leur ouverture: l’OMS espère créer 500 places d’ici un mois, le site MSF doit passer à 400 lits, l’armée américaine a monté 25 lits pour les soignants contaminés…

“Dans les prochaines deux à trois semaines, nous aurons plus de 1.000 lits disponibles à Monrovia”, explique Frank Mahoney, représentant des Centres fédéraux américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC).

Le pays compte à lui seul plus de la moitié des quelque 3.000 morts, sur plus de 6.000 cas, de l’épidémie, la plus grave de l’histoire de cette fièvre hémorragique, en croissance “explosive”, et qui pourrait, sans renforcement des moyens, contaminer 20.000 personnes d’ici novembre.

“Nous ne pouvons pas permettre que se réalise le scénario catastrophe dans lequel plus de 100.000 de nos citoyens innocents vont mourir d’une maladie ennemie qu’ils ne comprennent pas”, a lancé jeudi la présidente Ellen Johnson Sirleaf dans un appel au secours à l’ONU.

Les moyens ne sont pas le principal problème, estiment unanimement une dizaine d’humanitaires interrogés par l’AFP. “Le matériel afflue, ce qui manque, ce sont les personnels de santé”, résume l’un d’eux.

Car “les humanitaires étrangers ont peur. Après le tremblement de terre en Haïti en 2010, 820 ONG s’étaient mobilisés. Au Liberia, elles sont moins de 10”, grogne-t-il.

© 2014 AFP

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