Quatre pays africains étaient jeudi en état d’urgence sanitaire après la décision de la Guinée d’y recourir, faisant suite à la Sierra Leone, au Liberia et au Nigeria, pour lutter contre l’épidémie meurtrière d’Ebola dont le bilan économique risque d’être lui aussi très lourd.
Face à la progression de la fièvre hémorragique, le Liberia, qui a reçu des doses d’un sérum expérimental américain pour traiter deux des ses médecins contaminés, a commencé des travaux d’extension de l’unique centre de traitement de la capitale, Monrovia.
« Nous avons besoin d’agrandir cet endroit parce que de plus en plus de personnes arrivent chaque jour grâce à la sensibilisation », a expliqué le responsable du centre, Nathaniel Dovillie. Un bon nombre d’entre elles sont amenées en véhicule privé et non en ambulance, comme l’exigent les règles sanitaires, a-t-il précisé.
En Guinée, d’où est partie l’épidémie au début de l’année, le président Alpha Condé a décrété « l’urgence sanitaire nationale » .
Parmi les mesures prises figure la mise en place d’un « cordon sanitaire tenu par les agents de santé et les services de sécurité et de défense à tous les postes frontaliers d’entrée » en Guinée.
Elles prévoient également des restrictions de mouvement et le renforcement du contrôle sanitaire aux points d’entrée sur le territoire, l’interdiction de transférer des corps « d’une localité à une autre jusqu’à la fin de l’épidémie », des prélèvements et l’hospitalisation systématique « pour tous les cas suspects » jusqu’au résultat des analyses.
A Conakry, un transporteur routier, Alfa Baldé, a déploré « une réaction du gouvernement très tardive », soulignant que « si le monde entier souffre aujourd’hui de cette épidémie c’est à cause de la Guinée ».
« C’est nous qui avons très mal géré le début de cette épidémie, c’est pourquoi elle est allée dans tous les sens », a-t-il déclaré à l’AFP.
Selon une commerçante de friperie, Kadet Diawara, « Alpha Condé a pris une sage décision ». Mais, a-t-elle ajouté, « je crains qu’elle ne soit trop tardive ». « Aujourd’hui, nous avons peur même de nos clients ».
Le marché hebdomadaire du jeudi à Pita, à environ 350 km au nord de Conakry, a été annulé par les autorités locales, ont indiqué des habitants à l’AFP.
– ‘Echantillons de traitement’ –
Selon une étude publiée jeudi par l’agence de notation américaine Moody’s, « l’épidémie risque d’avoir un impact financier direct sur les budgets des gouvernements via une augmentation des dépenses de santé ».
Fortement dépendantes du secteur minier, les économies concernées vont devoir revoir leurs taux de croissance. Une première évaluation de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI) table sur un point en moins pour la Guinée à 3,5% au lieu de 4,5%, rappelle l’étude.
Le Liberia a déjà prévu de « réviser à la baisse » sa prévision de 5,9% de croissance, tandis qu’en Sierra Leone « le taux de croissance record de 16% en 2013″ est hors de portée, indique Moody’s.
Au Nigeria, premier producteur pétrolier du continent, les activités d’extraction, dans le delta du Niger, à un millier de kilomètres de Lagos, où une dizaine de cas ont été identifiés, n’ont pas été significativement affectées. Mais elles risquent de l’être si les compagnies pétrolières évacuent leur personnel expatrié, prévoit l’agence de notation.
Dans la région, la Gambie, limitrophe de la Guinée, a suspendu les vols en provenance de Guinée, du Liberia et de Sierra Leone.
Sur le plan médical, le vice-ministre libérien de la Santé Tolbert Nyensuah a confirmé à l’AFP la livraison par les Etats-Unis d’un traitement expérimental qui a donné des résultats positifs sur deux Américains contaminés au Liberia mais n’a pas sauvé un prêtre espagnol.
« Vous avez entendu parler du médicament ZMapp. Nous avons reçu ce traitement en test hier (mercredi, NDLR). Nous avons quelques échantillons ici pour motif compassionnel, à la demande de quelques-uns de nos personnels médicaux actuellement à l’isolement », a-t-il précisé.
Mercredi, le Canada avait annoncé qu’il allait donner à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) entre 800 et 1.000 doses d’un vaccin expérimental baptisé VSV-EBOV, développé dans un de ses laboratoires, qui n’a pas encore été testé sur des humains mais « s’est révélé prometteur dans la recherche sur les animaux ».
Face à l’ampleur de l’épidémie, un comité d’experts réuni par l’OMS a jugé mardi « éthique » d’offrir des médicaments à l’efficacité et aux effets secondaires encore non mesurés « comme traitement potentiel ou à titre préventif ».
L’épidémie d’Ebola, la plus grave depuis l’apparition de cette fièvre hémorragique en 1976, a fait 1.069 morts en Afrique de l’Ouest, 377 en Guinée, 355 au Liberia, 334 en Sierra Leone et 3 au Nigeria, selon le dernier bilan de l’OMS daté du 11 août.