Depuis sa nomination en Août 2016 en qualité de Président Directeur Général de la Pharmacie Populaire du Mali(PPM), Dr Moussa Sanogo ne cesse de multiplier les actions pour redonner un nouveau souffle de vie à cette structure d’Etat stratégique dans le système sanitaire du pays. Aujourd’hui, grâce à la maitrise de la gestion et l’engagement de l’ensemble du personnel, la PPM renait de ses cendres au grand bonheur de la population malienne. Outre la réhabilitation de la structure, ce sont de grands chantiers en cours d’exécution pour combler les attentes. Dans cette interview inclusive qu’il a bien voulu nous accorder, le Patron de la PPM, sans complaisance, a laissé parler son cœur.
La Lettre du Peuple : Que faut-il entendre par Pharmacie Populaire du Mali ?
Dr Moussa Sanogo,
« En fait la Pharmacie Populaire du Mali comme j’ai l’habitude de le rappeler est une vieille société qui a été créée le 5octobre 1960, moins de deux semaines après la proclamation de l’indépendance. Depuis, elle continue à travailler pour servir le Mali et nos populations à travers ses missions. Ces missions, c’est de rendre d’abord disponibles les médicaments essentiels sur tout le territoire national et les dispositifs médicaux. Quand on parle de dispositifs médicaux, autrement dit dans le discours populaire, c’est tout ce qui soigne et qui n’est pas médicament. Vous avez les consommables médicaux, les équipements médicaux et tout le reste qui concoure à rétablir l’état de santé et à soigner. Conformément à ces missions, la PPM est l’outil privilégié de la politique pharmaceutique nationale. C’est aussi l’instrument de mise en œuvre du contrat-plan Etat-Pharmacie Populaire du Mali. La PPM permet le respect du schéma directeur d’approvisionnement et de distribution en médicaments essentiels en République du Mali. Nous sommes une centrale nationale d’achats des médicaments essentiels et des dispositifs médicaux qui depuis 1960, continue à servir les populations.
La Lettre du Peuple : Pouvez-vous nous parler des réformes engagées pour permettre à la PPM de combler les attentes ?
Dr Moussa Sanogo,
De 1960 à maintenant, beaucoup d’années sont passées. Entre temps la société avait besoin de moderniser son mode de fonctionnement par rapport aux réalités actuelles. C’est pourquoi, depuis un an et quelques mois, nous avons engagé des vastes réformes qui touchent même le fonctionnement de la société, les structures, les méthodes de gestion, les relations entre la société et ses clients y compris l’Etat. Ces reformes touchent aussi les relations entre cette centrale d’achats et d’autres distributeurs de médicaments à l’intérieur du Mali comme à l’étranger. Ces réformes ont consisté dans un premier temps à moderniser notre mode de fonctionnement en mettant à la disposition de nos différents démembrements et de notre personnel les outils modernes de gestion. Parmi ces outils, nous avions le domaine de l’informatisation. Nous avions aussi l’amélioration des conditions de travail, c’est-à-dire le cadre de travail, les bureaux. Mais, il y a aussi le renforcement des capacités par le recrutement de personnel compétent, jeune, engagé. Nous avions également institué au sein de la Pharmacie Populaire du Mali, un mécanisme de formation continue qui permet à chaque personnel de profil différent de bénéficier des sessions de formation dans leur différent domaine pour être plus actif à mieux servir la société et la population. Nous avions aussi procédé au renforcement de la chaine logistique. Qui parle de distribution, parle de moyen de transport. A cet effet, nous avions plusieurs véhicules à disposition. C’est plus d’une trentaine de véhicules qui servent à transporter les médicaments, les vaccins, les consommables médicaux. Il y a des véhicules de supervision et des véhicules de mission. C’est pour cette raison que nous avions acheté des camions, des vannettes et des véhicules de terrain pour que le Mali qui fait plus d’1million de Km2 puisse être couvert du nord au sud, de l’est à l’ouest et que nos populations puissent bénéficier de médicaments de bonnes qualités à des prix abordables et qui vont aller les rejoindre. On a décidé d’amener les médicaments vers les consommateurs et les populations. Nous avions une représentation dans toutes les régions et nous servons aussi Kidal à partir de Gao. Les nouvelles régions qui ont été créées sont aussi approvisionnées. Avec l’avènement de la paix, nous comptons pouvoir carrément nous installer dans ces différentes régions qui restent une partie du Mali. Il s’agit de soulager les populations et apporter les réponses adéquates aux besoins de médicaments.
On a aussi travaillé à améliorer la chaîne de froid. Quand on parle de médicaments, on parle de conditions particulières de conservation. Il y a des médicaments qui exigent des températures spéciales parfois même des températures négatives, c’est-à-dire à moins zéro degré, parfois -20°C. Par exemple les vaccins, les réactifs exigent des températures spéciales. On était amené à mettre à niveau toutes nos chambres froides à Bamako comme dans les régions, à veiller à leur entretien, à assurer un suivi régulier qu’elles puissent nous permettre de conserver les produits dans les normes et à pouvoir les utiliser à chaque fois que le besoin se fait sentir.
Dans le sens de la rénovation, nous avions également mené des projets pour notre département Galénique. C’est notre département industriel qui fabrique un certain type de médicaments comme les crèmes, les pommades, les solutions qui sont beaucoup utilisés dans le cadre de la dermatologie. Il fait aussi le conditionnement de l’alcool qui est utilisé pour les soins médicaux. Nous avions carrément rénové ce département et nous comptons le moderniser pour l’adapter aux réalités actuelles pour faire en sorte que nous puissions répondre aux attentes des praticiens de la santé, mais aussi des populations. Nous sommes la seule centrale d’achat à disposer d’un tel département qui fabrique des produits personnalisés à la demande des dermatologues et médecins. Chaque type de patient répond à des exigences qui tiennent compte des réalités spécifiques.
La Lettre du Peuple : Et le projet des grands entrepôts modernes?
Dr Moussa Sanogo,
C’est notre projet phare. De 1960 jusqu’à ces dernières années n’avait pas fait d’investissement dans ce sens. Les capacités de stockages et de conservation des médicaments étaient dépassées. La population a augmenté. La demande était devenue forte. Il fallait trouver des moyens pour qu’on puisse disposer de stocks afin pouvoir donner des réponses à des demandes immédiates. Nous étions appélés à louer des magasins qui nous coutaient des coûts de millions par mois. Face à cette situation, avec l’appui de nos partenaires comme l’USAID, les Pays-Bas, nous nous sommes résolument engagés à pouvoir réaliser des grands entrepôts modernes à Bamako, Kayes, Koulikoro, Mopti comme ceux que nous voyons en occident. Et nous avions la volonté de l’étendre à toutes les régions. Nous travaillons à cela. Nous avons des programmes de rénovation pour nos différentes représentations dans les régions. Le projet des entrepôts a démarré. Nous avions fait le lancement des travaux de construction en août dernier. Les travaux sont très avancés sur l’entrepôt de Bamako, situé à Kanadjiguila. Et pour les régions, c’est en cours. Il y a tout un lot de processus que nous étions en train de faire aboutir. Il s’agit des processus institutionnels, administratifs et contractuels. Nous tenons le bon bout. Je crois que le projet des grands entrepôts avance conformément à nos attentes. L’espoir est permis et d’ici juin 2018, si Dieu le veut bien, nous allons pouvoir procéder aux inaugurations de ces entrepôts pour que nous sortions de ces locations qui nous sont très chères. Souvent ces magasins loués ne tiennent pas comptent des normes liées au stockage et la de conservation des médicaments. C’est une prouesse. C’est aussi des entrepôts intelligents parfois de 5000m2 qui vont fonctionner suivant des normes modernes avec un système informatique qui facilite la recherche des médicaments ou molécules. Ce qui nous permettra d’anticiper des cas de péremption pour assurer une bonne gestion des stocks la maitrise des consommations. Le dispatching est fait à dessein pour assurer une couverture géographique et faire en sorte les entrepôts fonctionnent dans un cycle de complémentarité. Par exemple, pour des stocks destinés sur Bamako, si nous sentons une rupture à Mopti, on peut automatiquement les faire déplacer.
La Lettre du Peuple : Qu’en est-il des produits mis sur le marché ?
Dr Moussa Sanogo,
En cours de cette année 2017, nous avions mis sur le marché beaucoup de produits à la demande des associations des malades. Par exemple les insuffisants rénaux nous ont approchés. Un projet de convention a même été signé à cet effet pour mettre à disposition des médicaments de dialyse. Ici, nous avons tous les consommables de dialyses soit le bicarbonate, le rein artificiel etc. En plus nous avions mis à disposition les générateurs de dialyses. On en a fourni 10 à l’hôpital du Point G et 5 au centre Mali Gavardo à Sébenicoro. Ces générateurs fonctionnent à merveille. Ce qui a permis de désengorger les unités chargées de dialyse. Nous avions accompagné l’hôpital de Sikasso pour la dotation en générateurs du centre de dialyse. Nous sommes aussi en bonne relation avec l’association des malades qui souffrent de l’Hépatite virale B. Selon des statistiques, 15 à 20% des Maliens souffrent de cette pathologie. C’est un véritable problème de santé publique. Avant seuls les privés vendaient ces médicaments à des prix exorbitants. Souvent ces produits pouvaient être vendus à 150000 FCFA. Au niveau de la PPM, nous avions pu fabriquer ces médicaments, les rendre disponibles à 7160fcfa. C’était important que les pouvoirs publics puissent donner des réponses à cette situation. Nous avons aussi travaillé afin que l’Association des malades de parkinson qui compte environ 2000 adhérents puisse trouver leurs médicaments sur place et aussi les accompagner. Il y a beaucoup d’autres associations avec lesquelles nous avions signé des conventions. Nous les accompagnons dans les programmes d’information et de sensibilisation pour le traitement de leur maladie et dans le cadre de leur activité associative qui vise à promouvoir la santé.
La Lettre du Peuple : Et la convention signée avec l’INRSP ?
Dr Moussa Sanogo,
Nous avions signé une convention avec l’INRSP qui fabrique des médicaments traditionnels Améliorés et qui bénéficie de l’autorisation de mise sur le marché des médicaments comme ceux que nous importons. C’est des produits scientifiquement fiables, acceptés et considérés comme dotés de pouvoir de guérir. Nous avions procédé à des commandes auprès de l’INRSP à travers le Département Médecine Traditionnelle qui a donné des réponses. Nous avions eu un stock au mois de juillet 2016. Et ce stock a été véritablement utilisé par les populations qui l’ont beaucoup apprécié. Lors de mes tournées en 2016 dans les régions, j’ai recueilli l’avis des clients, des partenaires, des praticiens, des malades. Particulièrement, le sirop Balembo qui est utilisé dans le cadre de la toux chez l’adulte et l’enfant. Nous sommes allés avec l’INRSP pour l’accompagner dans le financement de la production. Nous sommes Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial. A ce titre, le développement fait partie de notre champ de compétence. L’INRSP est une structure de recherche qui a de l’expertise à pouvoir disposer des matières premières pour produire des médicaments traditionnels et les distribuer dans le circuit officiel de la PPM afin que toutes les pharmacies puissent accéder à ces produits au profit des populations. Je profite de cette occasion pour dire que nous avions des conventions de partenariats avec des structures internationaux et parfois aussi avec des structures nationales privées comme le cas de l’Hôpital Golden Life. Nous avions une convention d’exclusivité avec eux. La loi nous donne la possibilité d’approvisionner les structures publiques et privées.
La Lettre du Peuple : Quelles sont les perspectives pour l’année 2018 ?
Dr Moussa Sanogo,
C’est de travailler davantage pour satisfaire plus de besoins. C’est aussi de traduire les résultats obtenus de la quantification des besoins effectués en 2016. Pour ce faire, nous avions lancé beaucoup de commandes. Certains produits sont arrivés. D’autres sont en cours. Je puisse vous dire que l’année 2018 s’annonce sous des bons auspices. Nous devons travailler à consolider ces acquis pour pouvoir prendre en charge les demandes en termes de molécules ou des dispositifs médicaments. Nous sommes organisés. Nous sommes prêts à relever ce défi. 2018 s’annonce pour nous comme une année charnière pour renforcer le développement industriel qui nous octroi notre statut à travers notre Département Galénique apte, capable à donner des réponses aux demandes. Notre ambition est que ce département puisse intégrer les préoccupations et les problématiques de santé publique qui existe dans notre pays. Aussi dans le domaine de la production de l’alcool qui nous intéresse beaucoup, nous sommes dans des négociations très avancées avec les Usines de N SUKALA de Dougabougou. Je crois qu’en 2018, nous allons pouvoir mettre en œuvre beaucoup d’initiatives que nous sommes en train de construire pour le développement de nos institutions. Dans notre approche, c’est aussi une façon de faire la promotion du partenariat public- public. Il est nécessaire que les structures publiques se connaissent, qu’ils apprennent à mutualiser leurs compétences pour avoir un domaine public fort. Quand on parle de public, on parle d’égalité de chance et de coûts raisonnables. Il faut s’appuyer sur un public de qualité pour faire face aux réalités d’une population dont la majorité a un faible pouvoir d’achats .Je pense que pour capitaliser les acquis, il y a les ressources pour cela, l’engagement aussi est là. Nous sommes une entreprise citoyenne qui constitue un instrument de souveraineté.
La Lettre du Peuple : Qu’attendez-vous des autorités pour relever le défi ?
Dr Moussa Sanogo
Nous avons besoin du soutien politique en tant que service public travaillant conformément aux orientations des pouvoirs publics. Il est indispensable que les autorités politiques soutiennent légalement la PPM dans le processus du respect du contrat-plan avec les parties prenantes que ça soit les services publics, les EPA, l’armée, l’université. Il faudrait que l’Etat puisse assurer à la PPM des paiements réguliers en contre partie de ses produits fournis. Nous souffrons beaucoup par des impayés. Parfois quand nous livrons, on attend beaucoup de temps pour être payés. Si cette préoccupation est résolue, ça nous permettra d’être très efficaces. Nous pensons aussi que les procédures de passation de marchés publics doivent être allégées et flexibles en restant dans le cadre de la loi pour nous permettre d’évoluer conformément à nos missions régaliennes. Nous travaillons à ce que la paix puisse revenir car nous sommes toujours sur les routes. Les véhicules de la PPM vont là où les autres ne veulent pas partir. Un climat sécurisé est climat propice à l’épanouissement des affaires. Nous prions pour que le Mali soit un pays apaisé pour que nous puissions satisfaire la population qui constitue notre raison d’être. C’est l’occasion pour moi de remercier l’ensemble des travailleurs de la PPM que ça soit à Bamako ou à l’intérieur du Mali. C’est un personnel suffisamment engagé, qui fait preuve de professionnalisme et qui donne le meilleur de soi. On doit encourager et aider ce personnel, car l’avenir de la PPM en dépend.
Interview réalisée par Jean Goïta