Invité sur le plateau pour débattre du rôle et de la place de l’opposition dans une démocratie participative, l’universitaire est de ceux qui estiment que le manque de conviction politique n’a pas permis aux acteurs de la démocratie d’assumer leur choix. En témoignent les transhumances. Mais pour le professeur d’universitaire, il faut réviser la loi de juillet 2000 pour vaincre la peur bleue héritée de la répression des opposants en 1997, pendant la période du Coppo.
«Le rôle et la place de l’opposition dans une démocratie participative», voici le thème d’une émission débat organisée samedi dernier sur les antennes de «Renouveau FM». Animée par Antoine Dembélé, cette émission se veut une tribune d’expression populaire sur des thèmes d’actualité dans notre pays. Pour ce nouveau numéro de l’émission, trois invités étaient sur le plateau. Il s’agit notamment d’Amadou Koïta, porte-parole du Fdr et président du Parti socialiste «Yélen Kura», Dr. Etienne Fakaba Sissoko, professeur d’université et Adama Paul Damango, député élu à Bankass et représentant le groupe parlementaire Vrd (Vigilance républicaine et démocratique).
D’entrée de jeu, les trois invités ont admis que l’opposition est indispensable dans toute démocratie sérieuse. D’où cet avis de M. Koïta qu’«un oui n’a de sens que lorsqu’il y a un non». L’opposant n’est pas un ennemi du pouvoir encore moins du pays…, explique le porte-parole du Fdr, qui a rappelé que le fiasco électoral du 11 mai 1997 a entraîné la crispation de la classe politique quand l’actuel président, IBK, était Premier ministre. Pour Amadou Koïta, «l’opportunisme tue l’efficacité de la démocratie et de l’opposition». D’où son appel à la crédibilisation de la politique au Mali.
Mais selon Dr. Etienne Fakaba Sissoko, des dirigeants politiques ont travaillé à cette «décrédibilisation» de la politique au Mali et au dénigrement de l’opposition. Il pointe ainsi du doigt la corruption politique et l’achat de conscience que les acteurs politiques ont encouragés ces dernières années. Pour lui, l’adoption de la loi de juillet 2000, portant statut de l’opposition, était un salut, malgré ses insuffisances. Mais le régime ATT, explique-t-il, a anéanti cet élan. Car, dit-il, tous les hommes politiques se sont retrouvés autour du fameux consensus. «Le régime n’a pas joué son rôle. La corruption politique a été encouragée par les hommes politiques eux-mêmes. Les gens ne se battent plus pour leurs convictions, mais pour les postes. En témoigne le ralliement à la cause ATT, autour du consensus pendant dix ans. Cette démarche a tué la politique au Mali. Pire, renchérit-il, la répression qui s’est abattue sur les opposants en 1997, pendant la période du Coppo (Collectif des partis d’opposition), a créé une peur bleue chez les hommes politiques à s’assumer dans leur choix. Pourtant il le faut !
Créer les conditions d’une opposition digne et responsable
Pour le député Adama Paul Damango, «en démocratie, il n’est pas indispensable qu’il y ait consensus. L’histoire politique nous apprend que l’opposition est vieille au Mali», dit-il, rappelant les différents groupes de partis d’opposition qui ont existé au Mali de 1992 à nos jours. Pour le député de Bankass, la Vrd va constituer le nouveau visage de l’opposition et entend jouer pleinement son rôle. «Elle doit s’assumer et éviter les erreurs du passé. Mais nous revendiquons nos droits de protection juridique et de participation pleine et active à la vie publique, et à être consulté sur les grandes questions de la Nation», réclame Adama Paul Damiengo.
De l’avis de Dr. Etienne Fakaba Sissoko, cela passe obligatoirement par la révision de la loi de juillet 2000, portant statut de l’opposition. «On doit corriger cette loi, l’enrichir et garantir aux hommes politiques qui choisiront l’opposition d’avoir l’accès aux médias au même titre que la majorité, le temps de parole nécessaire à l’Assemblée, l’accès au contenu de certains dossiers pour mieux contrôler l’action gouvernementale et faire des propositions constructives pour le bien-être des citoyens. «On ne peut pas se prévaloir d’être une démocratie exemplaire alors que l’opposition n’a pas voix au chapitre», tranche Dr. Etienne Fakaba. «Il ne s’agit pas de voter des lois, mais de les appliquer. Malheureusement, le problème au Mali réside dans l’application des textes», regrette l’universitaire qui craint le risque d’une chambre monocolore avec la nouvelle législature. «La démocratie va avec l’opposition. Et une démocratie se construit autour des besoins essentiels, tels l’accès à l’éducation, aux soins de santé, l’autosuffisance alimentaire, à la justice équitable pour tous, etc.», assène Dr. Sissoko, qui dénonce par ailleurs une surabondance de partis politiques au Mali. Surtout que, dit-il, «il ne peut y avoir autant de projets politiques» !
N’Pié DIARRA
Journaldupeuple.com