19 novembre 1968, tristement célèbre date du coup d’état contre le régime socialiste du Président Modibo Kéita. Peu après, Boncana Maïga et ses neufs compères musiciens débarquent à Bamako, auréolés de leur séjour dans l’ambiance révolutionnaire et musicale cubaine. Ils y avait été accrédités par le père de l’indépendance du Mali pour des études en musique dont ce pays était et demeure la plus grande référence au monde en matière de salsa, pachanga et charanga. Ils fondent un orchestre « Las maravillas de Mali » et sortent un album aux titres devenus célèbres à Cuba et partout en Afrique, comme « Rendez-vous ce soir chez Fatimata » et « Africa mia ».
La tête pleine d’idées pour donner un grand élan à la musique malienne, ils étaient rentrés pour servir la patrie. C’était sans compter avec l’acharnement de la dictature militaire qui s’était confortablement installée pour effacer toute réalisation pouvant évoquer cette période de ferveur patriotique. Ces jeunes musiciens fraîchement émoulus du conservatoire de musique Alejandro Garcia Geturla de la Havane, ne rencontrent auprès des nouvelles autorités que des manifestations de disgrâce et de mépris pour leur faire comprendre qu’ils ne sont pas les bienvenus.
« J’ai fait, en vain, le pied de grue pendant des semaines devant le ministère (de la culture) pour obtenir un entretien… J’ai fini par m’exiler», fulmine encore Boncana Maïga. Livrés à eux-mêmes, sans aucune source de revenus, ils se virent envahis par le désespoir. Boncana, qui ne voulait pas voir l’orchestre se disloquer, proposa à ses camarades de s’expatrier. Devant certaines réticences, il finit par s’en aller proposer ses services à la Côte d’Ivoire où il fondera, entre autres, l’orchestre de la Radiotélévision ivoirienne.
L’odyssée des dix « merveilles » du Mali est retracé dans un film documentaire intitulé « Africa Mia » : sur les traces de ces Maliens qui ont inventé le rythme afro-cubain, par le réalisateur français, Richard Minier. 1964. C’était au lendemain des indépendances africaines et au temps des révolutions dans quelques États. Au Mali, le Président Modibo Keïta entendait favoriser toutes les initiatives menant à l’émancipation définitive du joug du colonialisme français. Au même moment, à Cuba, dans les Caraïbes, vivait Fidel Castro, leader du pouvoir révolutionnaire qui souhaitait, en pleine guerre froide, contrer l’hostilité des États-Unis en s’alliant avec d’autres pays du Sud. C’était le contexte idéal pour dix jeunes musiciens maliens invités à aller perfectionner leur art à La Havane.
Sous la direction du plus entreprenant d’entre eux, le flûtiste et compositeur Boncana Maïga, ces jeunes Maliens formeront ensuite un groupe dénommé « Las Maravillas de Mali». Haut du formulaire. La qualité de leurs musiques et de leurs interprétations leur permet bientôt d’enregistrer ce qui sera leur premier et seul 33 tours. Avec comme morceau phare, « Rendez-vous chez Fatimata », qui va devenir un tube à Cuba mais aussi et surtout dans toute l’Afrique du milieu des années 1960. Les Maravillas, inspirés par ce qu’ils écoutaient à La Havane, venaient alors d’inventer, selon les observateurs; la musique afro-cubaine pour devenir à jamais des pionniers de ce qui allait être la World Music.
Triste fin pour cette belle histoire des Maravillas de Mali ! Boncana Maïga, le chef d’orchestre surnommé « le Maestro ». Dans son exil à Abidjan, poursuivra une carrière de premier plan, comme musicien flûtiste, mais aussi comme producteur, compositeur, chef d’orchestre… Il s’est trouvé à la base du lancement des plus grands musiciens dans ce pays, notamment Alpha Blondy, Aïcha Koné, Méwé ou en tant qu’auteur de musique de films (celle en particulier de la célèbre comédie ivoirienne Bal Poussière d’Henri Duparc). Il anime depuis des années l’Emission musicale Star Parade de TV Monde consacrée à la promotion des musiciens africains.
Cette merveilleuse aventure, le producteur de musique français Richard Minier a tenté, dans ce film, de la faire revivre.
Il aurait voulu reconstituer le groupe, mais, hélas, tous les membres, à l’exception du « Maestro », ont disparu. Il réussira cependant à retourner à Cuba en 2016 avec Boncana Maïga, qui pourra alors enregistrer avec un orchestre cubain de nouvelles versions des morceaux de son groupe des années 1960. Un grand moment d’émotion.
Vivement la sortie de ce film sur les écrans, petits et grands, au Mali afin de donner à la nouvelle vague de musiciens maliens un aperçu de l’effort fourni au départ pour qu’aujourd’hui soit meilleur.
Source: L’Essor- Mali