Au vu et au su de tous, les bêtes abandonnées par leurs propriétaires errent un peu partout dans la capitale : sur les trottoirs, les chaussées et les grandes artères. Et avec tous les risques pour les animaux et pour les humains. Car, en plus de la puanteur de leurs excréments, ces animaux causent des dommages énormes aux particuliers ou au domaine public.
C’est le cas à Bacodjicoroni ACI. Là-bas, Fousseyni Samoura est victime des bêtes en liberté qui trainent dans ce quartier résidentiel. « Au-delà des accidents de la circulation qu’elles provoquent, ces bêtes se baladent dans les rues et les maisons. C’est vraiment inadmissible. J’avais planté des arbustes devant ma maison, mais les chèvres et les moutons du voisin ont tout brouté. Les animaux n’y sont pour rien, c’est le propriétaire qui est responsable», déplore notre interlocuteur qui ajoute que «la place des animaux, c’est à la ferme, à défaut de cela, le propriétaire doit veiller à ce qu’ils n’importunent pas les voisins».
Comme lui, Oumar Diawara, nouvellement installé à Kalabancoro plateau, est confronté au même problème. Sur sa parcelle sans enclos, il a cultivé du maïs et de l’arachide. Mais l’agriculture intramuros semble un exercice quelque peu risqué dans ce quartier. «Les animaux domestiques (bœufs, moutons, chèvres, volaille) abandonnés par leurs propriétaires pâturent dans notre petit espace aménagé où nous avons cultivé diverses céréales. Cela, en notre absence et à des heures irrégulières comme s’ils suivaient tous nos mouvements», dénonce M. Diawara, déplorant le fait qu’il n’y a pas de fourrière animale dans la Commune.
Cet enseignant dit avoir alors passé l’information à la mosquée la plus proche pour attirer l’attention des fidèles musulmans sur cette pratique dont il est victime au quotidien. «Les responsables de la mosquée m’ont dit qu’ils en ont parlé en vain. Comme solution, ils m’ont conseillé de faire une clôture à ma parcelle», soupire l’éducateur, obligé de prendre son mal en patience.
ACCIDENTS DE LA CIRCULATION – La Direction de régulation de la circulation et du transport urbain (DRCTU) révèle que plus de 10% des accidents de la circulation enregistrés à Bamako impliquent des animaux en divagation. « La majorité de ces incidents surviennent dans les environs ou sur les routes nationales », précise la DRCTU.
Pourtant, il y a des structures en charge de la question. En la matière, la Direction du bon ordre et de la protection de l’environnement du District de Bamako, qui relève de la mairie du District, a pour mission de combattre le phénomène.
Son directeur, le contrôleur général de police, Adama Coulibaly, que nous avons rencontré est formel : « Aujourd’hui. Bamako est confrontée à un problème de fourrière où l’on peut enfermer, pendant une durée limitée, les animaux abandonnés ou errants recueillis sur la voie publique», a-t-il dit. La Commune IV du District de Bamako dispose d’une petite fourrière. « Le travail est tout sauf facile dans ces conditions », avoue-t-il. Ainsi, «même si l’on venait à appréhender les animaux on ne sait pas où les mettre. Sinon, les textes existent et sont très clairs», avoue-t-il.
En plus du problème d’installation d’accueil pour les bêtes en errance, « nous n’avons que deux véhicules pour l’ensemble de nos activités », révèle M. Coulibaly. A cela, il faut ajouter, selon lui, la crise du personnel. « A ce jour, nous avons un effectif de moins 120 éléments pour tout Bamako », précise Adama Coulibaly.
Qu’à cela ne tienne, « la loi doit être, dit-il, appliquée dans toute sa rigueur pour dissuader les propriétaires d’animaux en divagation ». Un arrêté interministériel a été pris dans ce sens, le 28 août 1989, par le gouverneur du district. « Il s’agit de l’arrêté n° 67, dont l’article 2 parle de la divagation des animaux », répond l’officier de police. Il expose : «Quiconque aura sur le territoire du district de Bamako encombré ou embarrassé la voie publique en y laissant errer les animaux sans conducteurs sera puni de peines prévues à l’article 317 du Code pénal».
PEINES D’EMPRISONNEMENT – Le Code stipule que «quiconque aura lâché dans la nature ou dans une agglomération des animaux domestiques sans emprise effective, les prédisposant par ce seul fait à causer des dégâts à autrui ou à gêner la circulation sur les voies publiques sera puni de 11 jours à 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 20.000 à 100.000 Fcfa», lit l’officier.
L’article 3 du même arrêté précise que « dans le district de Bamako, ces animaux abandonnés seront en outre saisis et mis en fourrière et les contrevenants, indépendamment des sanctions prévues à l’article précédent, sont astreints jusqu’au jour de l’enlèvement, du paiement d’un droit journalier de fourrière et de gardiennage », fait-il remarquer. L’amende est, selon Adama Coulibaly, fixée à 1.500 Fcfa par jour et par tête pour les chameaux, les vaches, les ânes et les bœufs. « Elle est de 500 Fcfa, par jour et par tête, pour les chèvres, moutons, chiens et les porcs », ajoute-t-il.
Pour plus d’efficacité dans la lutte, notre interlocuteur propose la révision de cet arrêté. «D’abord, il n’y a pas de fourrière de pénalité. Les contrevenants sachant que l’amende est dérisoire, continuent à laisser les animaux divaguer sans se soucier des torts causés à autrui. Dans les jours à venir, nous allons proposer à la mairie du district de faire des réaménagements, pour que la sanction soit plus lourde», annonce-t-il.
Le Conseil du district de Bamako avait, lors sa 3è session ordinaire tenue en septembre dernier, sous la présidence du maire central, Adama Sangaré, annoncé la construction de deux fourrières sur les deux rives du fleuve Niger à Bamako. « Car, la ville de Bamako ne dispose d’aucun endroit approprié pour recevoir les engins saisis en infraction, les animaux en divagation », avait reconnu Adama Sangaré.
BBC/MD (AMAP)