Rassurez-vous, le natif de Diakha de Yélimané dans la région de Kayes respire toujours l’air, donc bien vivant. Mais tel n’est pas le cas sur le plan politique où il semble avoir été enterré vivant et jeté dans les oubliettes. Qu’on l’aime ou non, l’Honorable Gassama est réputé pour son courage et son franc parler, n’ayant pas sa langue dans sa poche, il dit tout haut ce que ses collègues murmurent tout bas, ne ratant aucune occasion pour critiquer le président et son gouvernement, à tort ou à raison. Le tonitruant, la voix des députés sans voix, l’Honorable Gassama est devenu trop calme. Et c’est cette discrétion qui laisse plus d’un perplexe et plonge l’hémicycle dans une torpeur profonde. Élus pour parler et agir au nom du peuple, rares sont nos députés qui maitrisent la langue de Molière ce qui a pour conséquence, le plus souvent, une somnolence manifeste dans l’hémicycle lors des débats. Et une intervention de l’honorable Gassama est toujours de nature à les tirer de cette torpeur. Intimidant son interprète qui a du mal à le suivre parfois, vociférant comme un révolutionnaire, son intervention ne laisse personne indifférent et est de nature à ramener un peu d’animation à l’AN. Ses bras de fer avec le Président de l’AN Issaka Sidibé, qu’il qualifie de dictateur sont fréquents. Ce dernier use souvent de tous ses pouvoirs de persuasion pour lui retirer la parole. À la DPG, il a demandé la démission du 1er Ministre qu’il juge incompétent. Face à la presse il n’a jamais eu sa langue dans la poche. Lors de la présentation des vœux de 2015 de l’URD à la presse, il n’a pas été tendre avec le IBK lors de l’interview qu’il nous a accordée : «Les maliens ont été trahis par les promesses non tenues d’IBK » et jugeait les négociations d’Alger d’interminables. Qu’en moins de deux ans il a eu trois 1ers Ministres, ce qui est selon lui un signe d’incapacité à gouverner. En son temps, il n’a cessé de dénoncer la signature d’un second accord de paix et l’ultimatum de la MINUSMA au Gatia de quitter Ménaka. Lors des affaires de surfacturation, il a qualifié le gouvernement de corrompu et a souhaité la démission des ministres incriminés. Il s’est alarmé aussi d’un surplus de cartes NINA qui auraient coûté des milliards au pays tout en se montrant sceptique quant à la transparence des élections futures. Et c’est lui encore qui dénonce l’organisation du sommet Afrique-France au Mali et la gestion de l’arrivée des criquets migratoires dans sa zone. Il a critiqué le passage à tabac du député de Ouélessebougou, en disant que cela pourrait arriver à chacun d’entre eux. Voilà l’image tonitruante qu’il incarnait. La liste des critiques au gouvernement est très longue. Mais au plus grand étonnement des maliens, l’honorable Gassama a mis de l’eau dans son vin en devenant moins virulent et doux comme un agneau. Ce fut le cas lors de la Séance plénière du 18 juin 2015 où il fait semblant d’interpeller le ministre de l’Équipement, des transports et du Désenclavement, Mamadou Hachim Koumaré sur l’état du pont de Kayes construit en 1998 par le Président AOK, de la fermeture de l’aéroport de Kayes et de l’état de certaines routes de son cercle. Après la démolition de maisons àSouleymanebougou le 23 juillet 2015, il s’est contenté de dénoncer l’acte en hivernage tout en promettant aux sinistrés d’interpeller le Ministre en question. Déclarant qu’il n’encouragera pas le non payement des impôts à Yélimané, il est mal placé pour soutenir des constructions anarchiques. Et oui c’est le calme, le refroidissement de son ardeur comme par enchantement. La raison ne serait-il pas la demande du gouvernement à l’Assemblée nationale de statuer sur la levée de son immunité parlementaire suite à des plaintes de spéculation foncière, d’agression physique et de tentative de mort sur Mme Maro Coulibaly qui l’accuse aussi d’avoir commandité l’incendie de sa maison ? Il n’a dû son salut qu’au refus de ses collègues parlementaires de lever son immunité le jeudi 30 avril dernier lui évitant ainsi d’éventuelles poursuites judiciaires. Ce qui était pour lui une épée de Damoclès a disparu lui plaçant ainsi au dessus de la loi. Dans l’interview qu’il nous a accordée dans notre parution du 11février, il disait: «je n’ai peur de personne. « Dieu fera éclater tôt ou tard la vérité. Mon immunité parlementaire ne sera jamais levée » nous disait-il lors de son interview. Les faits lui ont donné raison, mais quel prix ? Menacé, neutralisé, ballonné, réduit au silence, le bouillant « Guimba national » de l’AN disparait petit à petit sur la scène politique. Le deal peut se résumer ainsi : « Immunité contre silence » : Ses camarades parlent d’un règlement de compte politique. Toujours est-il que l’honorable Issaka Sidibé, le Président de l’AN n’a plus de peine à le calmer et à lui retirer la parole au besoin. Comme dirait l’autre, « personne n’est fou ».
Mr Séran SACKO
source : L’ Informateur