De 1960, date de son accession à la souveraineté nationale et internationale à nos jours, le Mali, a connu plusieurs politiques étrangères dont nous proposons, un résumé descriptif et analytique.
Se définissant comme la politique menée par un Etat vis-à-vis des pays étrangers, la politique étrangère a pour objectif de fixer les rapports avec les autres Etats, notamment au niveau de la coopération internationale, commerciale, diplomatique et militaire. Les diplomates sont chargés de la mise en œuvre de la politique étrangère, décidée par les autorités politiques.
Pour ce qui est du Mali, le pays depuis son accession à la souveraineté nationale et internationale, a connu différentes politiques étrangères. Celle-ci est bâtie autour des grands principes tels que la neutralité ou « le non -alignement » la non- ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat, le respect de son intégrité territoriale, son indépendance et sa souveraineté nationale. Ces principes qui orientent l’action diplomatique du Mali ont été appliqués différemment par les différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays de 1960 à nos jours.
Quelles sont les différentes évolutions de la politique étrangère du Mali ? Ont-elles toujours été les mêmes pour tous les régimes ?
Telles sont les quintessences de notre développement pour aborder cette thématique d’une brûlante actualité dans le contexte politique actuel et pour laquelle, nous diviserons notre réflexion en deux parties. Ainsi, la première partie sera consacrée à la politique étrangère sous la Première République (1960 1968) et la deuxième partie, à ses évolutions, de la deuxième République à nos jours (1968 2022).
La Politique étrangère sous la Première République (1960- 1968)
Equilibre Est Ouest
La Première République consciente de la nécessite de diversifier son partenariat stratégique et dans le souci d’éviter de prendre parti dans le conflit entre les pays de l’Ouest et de l’Est, qui a vu le monde bipolarisé entre deux grands blocs (Bloc occidental et soviétique), s’est inscrite dans la politique de non-alignement et de neutralité. Cela conformément au sommet des non-alignés tenu à Belgrade en 1962.
C’est ainsi qu’en dépit des relations franco-maliennes, qui constituent un secteur clé de ses relations internationales, il s’efforça de maintenir l’équilibre Est Ouest.
Après la période de tumulte dans les rapports franco- maliens liés à la dislocation de la Fédération du Mali dont les autorités maliennes rendaient la France responsable, le Mali renoue avec la France. Et entama avec celle-ci le 12 janvier 1962, la deuxième phase des négociations monétaires. Un accord définissant la coopération économique, financière et culturelle au terme de 15 jours de négociations paraphé en France est signé à Bamako entre les deux pays.
En 1965, se tient à Bamako sous les auspices de la France, la Conférence des ministres de l’éducation de l’Afrique Francophone.
Le 5 novembre 1960, les Etats-Unis proposent une aide au Mali, au moment où Jean Marie Koné à la tête d’une importante délégation malienne se trouvait à Prague. Cette aide fut matérialisée par l’arrivée de ciments, véhicules, produits pétroliers gracieusement offert par les Etats -Unis comme en atteste le communique conjoint.
En outre, au terme d’une visite de dix jours en Israël en novembre 1960, jean Marie Koné, signa au nom et pour le compte du Mali, trois accords de coopération avec l’Etat Juif.
Pour éviter que l’Afrique ne soit divisée entre l’Ouest et l’Est, le Président Modibo Keita et ses compagnons, signèrent des accords commerciaux avec la République Populaire de Chine. Mieux, le Premier Chinois, Chou Enlaid est reçu à Bamako en Janvier 1963 où des accords de coopération économique sont signés entre les deux parties. Dans la même lancée, des accords de coopération ont été signés avec l’Union des Républiques socialistes et Soviétiques (URSS) promettant un prêt de 40 millions de roubles. Pour susciter des relations de coopération avec l’Ukraine, le Président Modibo Keita se rend en Crimée en octobre 1965.
Une politique africaine résolument progressiste.
Au delà du principe de non-alignement, le Mali mena de 1960 à 1968, une politique étrangère résolument progressiste. En atteste le rôle déterminant qui fut le sien pour la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) le 25 mai 1963.
Aussi, a-t-il, reconnu dès février 1961, le Gouvernement Provisoire de la Révolution Algérienne (GPRA) et fait de son territoire une base arrière pour les combattants du Front de Libération Nationale de l’Algérie (FLN). Au même moment, il reconnait le Gouvernement installé à Stanleyville par Antoine Gizenga, comme seul Gouvernement légal du Congo à l’ exclusion de tout autre.
Toujours inscrite dans la foulée progressiste et panafricaniste, le Mali, rompt ses relations diplomatiques avec l’Angleterre pour protester contre l’attitude de celle-ci dans l’affaire rhodésienne (Ancêtre du Zimbabwe).
De par son action diplomatique, il a résolu la crise entre l’Algérie et le Maroc (la guerre des sables) en octobre 1963.
Sur le plan Ouest-Africain, la première République tente de normaliser les rapports avec le Sénégal, après la douloureuse parenthèse de l’éclatement de la Fédération du Mali. Pour ce faire, un accord est signé en février 1963, consacrant la suppression de visas entre les deux pays, le principe de la réouverture de la voie ferrée Dakar-Niger et 5 accords sénégalo-maliens scellant la réconciliation définitive.
La Deuxième République ou la période militaire (1968- 1991)
La junte entre continuité et changement.
Sous la deuxième République, la politique étrangère du Mali, n’a fondamentalement pas changé. Les nouvelles autorités (Comité Militaire de Libération Nationale) tentent de maintenir tant bien que mal, le principe du non-alignement, et de non ingérence dans les affaires intérieures des Etats.
Dès les premières heures du coup d’Etat (mars 1969) le capitaine Yoro Diakité, l’un des hommes forts du régime, entreprend une visite en France pour expliquer à celle-ci les motivations et les conséquences du putsch. En Janvier 1970, le secrétaire d’Etat aux affaires Etrangères Yvon Bourges, est reçu à Bamako. Dans le cadre des relations amicales et fraternelles avec la France, le général Moussa Traoré, se fait invité par le Président Georges Pompidou du 24 au 28 avril 1972. Suite à des discussions bilatérales avec la France en Septembre 1972, à travers le secrétaire d’Etat aux affaires Etrangères Pierre Billecocq, les accords franco-maliens sont reconduits pour une période de cinq (5) ans. L’excellence des relations entre le Mali et la France, se manifesta par la visite du Président Valery Giscard d’Estain, du 11 au 13 février 1977 à Bamako. Laquelle donna une impulsion nouvelle à la coopération entre les deux pays.
Dans le cadre de cette coopération, la France avait au Mali en 1978, 317 coopérants dont 192 dans l’enseignement et accorda 211 bourses universitaires et 121 bourses de stages aux étudiants maliens au cours de l’année scolaire 1975- 1976.
Parallèlement à la France qui était son principal partenaire commercial sous le régime militaire en 1980, assurant à elle seule 37, 5 % de ses importations, l’aide française représentait en 1974, 29% de l’ensemble des aides bilatérales et 20% de l’aide extérieure totale estimée à 600 millions de Francs et demeurait plus importante que celle de l’Allemagne, des Etats Unis, du Canada, de la Chine, et de l’Union soviétique, des relations bilatérales existaient avec d’autres pays, notamment la Chine et l’Union Soviétique… Celle-ci intervenait surtout dans le cadre de la formation, la modernisation, l’équipement de l’armée, le développement aéronautique et l’exploitation minière (mine de Kalana).
Présent dans l’assistance technique avec plus de cent coopérants évoluant dans l’enseignement, elle offra plus de 400 bourses au Mali, qui disposait de plus de 5 000 cadres formés par l’Union Soviétique ou dans un de ces pays satellites. Avec la Chine, la coopération concernait l’agriculture, l’industrie agro-alimentaire.
Sur le plan africain, le Mali a continué de s’inscrire dans le camp des pays progressistes. A l’instar de tous les Etats Africains, il rompt ses relations diplomatiques avec l’Israël en janvier 1973, par solidarité avec les pays arabes membres de l’OUA. Et milite dans divers regroupements régionaux à caractère technique. Membre de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) de l’Organisation pour la mise en valeur de la Vallée du Niger (OMVN) de l’Autorité de Développement Intégré de la région du Liptako Gourma(AIDLG).
De la IIème République à nos jours, la politique étrangère n’a pas connu de changement substantiel mis à part le fait que le pays est devenu membre de nouvelle organisation comme la Communauté des Etats Sahélo-Sahariens (CEN-SAD), de l’Union Economique Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) , le G5 Sahel , l’Union Africaine (UA) et le comité pour la mise en place du Nouveau Partenariat pour le Développement Africain (NEPAD). Il milite activement pour la Francophonie qu’il considère comme un instrument important de sa diplomatie.
Alpha Sidiki Sangaré
Source: L’Investigateur