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Difficile question du genre au Mali : Voici ce qui empêche l’autonomisation de la femme malienne

« Je veux acquérir mon autonomie financière, car, je veux décider de mon propre avenir», a déclaré cette poissonnière au Marché de Médine à Bamako, qui ne cache pas sa colère féroce contre la dépendance économique des femmes. La force toujours vivace du conservatisme culturel et religieux au Mali, continue d’empêcher les femmes d’assurer leur autonomie sociale. Malgré l’élan impétueux de la modernisation ainsi que la vitesse vertigineuse de la mondialisation, la femme malienne peine à s’émanciper des pesanteurs sociologiques et assurer son indépendance économique. Etant un pays avec plus de 90% de musulmans et ayant l’une des plus vieilles civilisations d’Afrique, le conservatisme au Mali, en plus de brimer la liberté des femmes et comprimer leur épanouissement social, constitue un véritable frein au développement national.

A cause des stéréotypes fortement enracinés de la tradition et la religion, les femmes au Mali, ne continuent d’être vues que comme des gardiennes de foyer dont le seul but existentiel ne consisterait qu’à faire des enfants et s’occuper de leurs maris. Le fait pour les hommes d’avoir le monopole des activités économiques, politiques et culturelles, leur donne une autorité systématique sur les femmes qui n’ont généralement autre choix que de subir la domination masculine. Les valeurs et normes qui cautionnent cette infériorisation sociale des femmes, sont inculquées aux jeunes filles à travers le système éducatif traditionnel depuis leur enfance jusqu’à l’âge adulte.

Ce qui renforce la domination de l’homme sur la femme au Mali

Principaux pourvoyeurs économiques de la famille, les hommes ont très souvent plus d’influence sur la vie des femmes au Mali et cela les amène à fixer unilatéralement les règles de conduite familiale sans nécessairement tenir compte de l’avis des femmes. Dans la plupart des cas, le travail de la femme comme moyen de son autonomisation économique et sociale, est considéré par les hommes comme un frein à la pleine manifestation de leur autorité masculine.

Cette attitude phallocratique des hommes vis-à-vis de la communauté féminine, persiste au Mali malgré la ratification par le pays de plusieurs accords internationaux sur l’égalité des genres aussi bien que l’adoption de la constitution démocratique du 25 Février 1992. Ceux-ci prévoient de promouvoir l’égalité en matière d’accès à l’emploi, le droit à une rémunération égale des hommes et femmes pour des emplois de valeur égale et soutenir les métiers et activités économiques des femmes particulièrement dans le secteur informel.
Ces nombreux documents officiellement adoptés par le Gouvernement malien, n’ont jusque-là pas permis à la femme de jouir pleinement de tous de ses droits en tant que citoyenne à part entière, se prendre économiquement en charge et obtenir les mêmes revenus que les hommes. Les femmes ont jusque-là du mal à entreprendre, investir ou exercer des activités génératrices de revenus ou s’engager dans la vie politique du fait des pesanteurs socioculturelles qui survivent dans la société malienne malgré l’élaboration d’une Politique Nationale Genre en 2011 par le Gouvernement malien. Ces tares constituent des freins aux processus d’émancipation et autonomisation des femmes, tant en milieu urbain que rural.

Pour ce qui concerne la discrimination économique et sociale que subit une population féminine malienne essentiellement rurale, il est à noter que les femmes effectuent les deux tiers des heures de travail et produisent plus de la moitié des aliments. Mais elles ne gagnent que 10% du revenu total, possède moins de 2% des terres et reçoivent moins de 5% des prêts bancaires. Malgré leur rôle essentiel dans l’économie du foyer, leur autonomie financière reste un sujet polémique.
Pour que cette vision de la femme change avec succès, il faut s’assurer de mettre en place certaines conditions. Il faut, en premier lieu, que les femmes puissent jouir pleinement de leurs droits citoyens et que soit organisée une nouvelle répartition des tâches au sein du foyer où une communication sereine devra être mise en place. Ce changement nécessite également la promotion d’un accès équitable à des prêts bancaires et microcrédits.
Depuis plusieurs années, de nombreux sensibilisations et projets d’autonomisation socio-économique et politique sont initiés à l’adresse des femmes et jeunes filles par le gouvernement malien et ses partenaires techniques et financiers. Des politiques d’encouragement de l’entreprenariat féminin sont incessamment mises en œuvre au Mali par les services techniques du Gouvernement avec, notamment, l’appui des organisations onusiennes. L’impact recherché par ces initiatives, selon les autorités de l’Etat, est de réduire de manière significative la pauvreté en milieu féminin tout en combattant l’injustice sociale contre les femmes et œuvrer à un changement durable des conditions de vie des femmes maliennes.

La femme malienne également responsable de sa propre dépendance

Houleymatou Niakaté, sociologue malienne, livre son analyse au Journal « Le Point » sur l’autonomisation des femmes : « Au Mali, l’autonomie des femmes fait encore peur à beaucoup d’hommes qui craignent la perte de leur autorité au sein du foyer et le regard de la communauté masculine. Le mot ‘autonomie’ résonne comme une lutte de pouvoir entre la femme et l’homme qui tient jalousement à son autorité». Elle ajoute que la vision de la femme au Mali reste largement cantonnée aux tâches domestiques. La déscolarisation des jeunes filles et le manque de confiance, réduit leurs perspectives professionnelles et autonomie financière ».

« Cependant, les femmes ont, elles-mêmes, une part de responsabilité dans leur propre dépendance», ajoute-t-elle. «Elles ont un peu trop tendance à s’apitoyer sur leur sort en lieu et place d’un combat acharné pour changer leur situation sociale. Elles attendent, le plus souvent, que tout leur soit gratuitement octroyé et manquent de combattivité pour arracher aux hommes, la place qui leur reviendrait de droit. Cela est un véritable handicap psychologique et intellectuel à combattre chez la femme malienne».

Pourtant, des études récemment menées, ont démontré que la valorisation du travail de la femme, permet de créer un effet spiral positif au sein du foyer. Le rapport souligne que le travail de la femme contribue à la stabilité de la famille en instaurant une ambiance sereine pour que chacun s’épanouisse. Il permet de réduire le mariage précoce et la dépendance des femmes en cas de veuvage, et équilibrer les responsabilités et les charges financières.

« Aussi, il y a un autre aspect socioculturel majeur qu’il faille rigoureusement souligner comme étant une entrave terrible à l’autosuffisance financière de la femme malienne. Il s’agit, notamment, d’interminables cérémonies traditionnelles, les unes plus budgétivores que les autres et qui, à force d’avoir pris des relents d’une exigence formelle entre les femmes, ont fini par se transformer en de vraies sources de ruine financière », a poursuivi la sociologue, avant d’ajouter que les femmes peu entreprenantes ou à revenus modestes, ne font que s’y enfoncer davantage, anéantissant ainsi toute perspective de développement économique et social en leur faveur ».

Moulaye DIOP

Le Point

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