Diébédo Francis Kéré, architecte né au Burkina Faso, est devenu le premier Africain à remporter le prestigieux prix Pritzker, souvent considéré comme le prix Nobel de l’architecture. Son œuvre très estimée, qui comprend des structures permanentes et temporaires, a été érigée dans son pays natal, mais aussi en Afrique, en Europe et aux États-Unis.
M. Kéré, 56 ans, était ravi de recevoir ce qui est considéré comme le prix le plus prestigieux de l’architecture, se décrivant comme “l’homme le plus heureux de la planète”.
“C’était une grande surprise mais je suis subordonné et très fier de voir que ce travail que j’ai toujours considéré comme une affaire personnelle ait pu être lié à la fondation Pritzker et que j’ai reçu ce prix pour un travail qui me passionne tant, a déclaré Francis Kéré.
“L’architecture est un service à l’humanité”
L’architecte, éducateur et activiste social a reçu cette distinction “grâce à son engagement pour la justice sociale et à l’utilisation intelligente de matériaux locaux pour s’adapter et répondre au climat naturel, il travaille dans des pays marginalisés, où les contraintes et les difficultés sont nombreuses et où l’architecture et les infrastructures sont absentes”, ont expliqué les organisateurs du prix Pritzker dans un communiqué.
Pionnier des constructions durables au service des populations, Kéré considère que ‘l’architecture est un service à l’humanité’.
Il a par exemple conçue et construit l’école primaire de son village au Burkina à partir de briques de terre et d’un simple plan de ventilation.
“L’architecture est un instrument qu’on peut utiliser pour créer de meilleures villes, pour créer de l’espace qui inspire le monde, pour créer des salles de classe qui inspire la meilleure génération”, a déclaré le lauréat à BBC Afrique.
Ses projets, qui visent à faire revivre les conceptions architecturales traditionnelles africaines en y apportant une touche moderne et durable, ont été remarqué, mettant en lumière sa vision afro-futuriste d’une architecture contemporaine “à l’intersection de l’utopie et du pragmatisme”, écrit l’architecte sur son site web.
Engagement pour la justice sociale et développer l’éducation en Afrique
Né à Gando, au Burkina Faso, et basé à Berlin, en Allemagne, l’architecte transforme les communautés par le biais de l’architecture grâce à son engagement pour la justice sociale ainsi que par l’utilisation intelligente de matériaux locaux en relation avec le climat naturel.
Il construit des écoles contemporaines, des établissements scolaires, des centres de santé, des logements professionnels, des bâtiments civiques et des espaces publics contemporains, souvent dans des pays où les ressources sont fragiles.
Pour l’architecte, chaque personne qui œuvre dans le monde de l’architecture doit être conscient “de la responsabilité que nous avons de loger et de tout faire que ce que nous créons pour l’humanité ne cause pas dommage à l’humanité”.
Ajoutant : “Je suis très heureux que le travail que j’ai fait pour créer de l’espace pour tout le monde, que ce soient des écoles ou des assemblées nationales ou des espaces aux États-Unis soient évalués et considérés à leur valeur vu la façon dont j’approche le thème et qu’il y ait une telle considération.
S’il côtoie aujourd’hui les grands noms de l’architecture, Kéré pense aussi aux prochaines générations sur le continent, espérant que cette récompense “va encourager beaucoup de jeunes à emboiter ce pas et à œuvrer, se dire que quelque que soit où nous sommes, si nous croyons à notre vision et si nous travaillons dur, il y aura des fondations qui vont mettre ce que nous faisons sous une grande lumière”.
Mais son parcours de dix ans vers le sommet de son domaine a été loin d’être simple, les opportunités étant limitées dans son village.
Le ‘sens de l’architecture’
“J’ai grandi dans une communauté où il n’y avait pas de jardin d’enfants, mais où la communauté était votre famille”, a-t-il déclaré au prix Pritzker.
“Je me souviens de la pièce où ma grand-mère s’asseyait et racontait des histoires avec un peu de lumière, tandis que nous nous serrions les uns contre les autres et que sa voix à l’intérieur de la pièce nous enfermait, nous sommant de nous rapprocher et de former un lieu sûr. C’était mon premier sens de l’architecture”, poursuit-il.
À l’âge de sept ans, M. Kéré s’est retrouvé entassé dans une salle de classe extrêmement chaude avec plus de 100 autres élèves.
Premier enfant de sa communauté à être allé à l’école, cette expérience de la médiocrité des bâtiments a été sa première source d’inspiration pour améliorer la vie éducative des enfants du Burkina Faso, grâce à l’architecture.
Des années plus tard et après des études en Allemagne, le rêve est devenu réalité. En 2001, M. Kéré a conçu une école primaire dans son village natal de Gando, son premier bâtiment.
Cette école a été construite avec la participation significative de la population locale, qui a contribué à la main-d’œuvre et aux ressources, selon le site web du prix.
Le succès de l’école primaire a valu à M. Kéré de recevoir en 2004 le prix Aga Khan, qui est décerné tous les trois ans pour identifier les projets de construction qui répondent aux besoins des sociétés à forte population musulmane.
La renommée de l’école de Gando lui a ensuite ouvert la voie pour concevoir d’autres établissements scolaires, comme le Lycée Schorge, également au Burkina Faso.
L’un des signes distinctifs de l’œuvre de M. Kéré est son utilisation de la lumière, ce que les animateurs du prix Pritzker ont noté dans leur annonce : “Une expression poétique de la lumière est cohérente dans toutes les œuvres de Kéré. Les rayons du soleil filtrent dans les bâtiments, les cours et les espaces intermédiaires, surmontant les dures conditions de midi pour offrir des lieux de sérénité ou de rassemblement.”
L’utilisation de la lumière, caractéristique de M. Kéré, est également évidente dans la conception d’établissements de soins de santé, tels que le Centre de santé et de protection sociale du village de l’Opéra, au Burkina Faso, qui est toujours en construction, selon le site web de l’architecte.
Au-delà de ses réalisations au Burkina Faso, l’architecte primé a également conçu des structures permanentes et temporaires à travers l’Europe et les États-Unis, comme le pavillon Serpentine de Londres en 2017.
Chaque année, la Serpentine Gallery invite un architecte international à construire son tout premier édifice londonien sur son terrain.
Il s’est inspiré des arbres de son village natal de Gando, avec des structures qui cherchent à connecter les visiteurs avec la nature environnante, selon le site web de la Serpentine.
M. Kéré a également réalisé des designs pour le célèbre festival Coachella Valley Music and Arts, qui se déroule chaque année en Californie et attire des célébrités et des grands noms de l’industrie du divertissement, avec notamment Billie Eilish, Swedish House Mafia et Kanye West qui se produiront cette année.
Le projet de M. Kéré pour le festival de 2019 a été baptisé Sarbalé Ke, ce qui signifie “Maison de la célébration”. Il s’est inspiré de l’arbre Baobob, dont l’écorce intérieure est creuse, pour créer cette structure.
Les travaux architecturaux en cours de M. Kéré comprennent des bâtiments parlementaires au Burkina Faso et au Bénin. Bien qu’inachevées, les conceptions démontrent une fois de plus son utilisation caractéristique de la lumière.
BBC