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DIALOGUE POLITIQUE : L’Etat se fait hara-kiri

Soutenu par ses lieutenants de la majorité présidentielle, le gouvernement a été incapable d’engager un dialogue fécond avec le reste de la classe politique et la société civile. Une attitude suicidaire dans un pays qui a plus que jamais besoin du concours de tous ses fils.

ibk ibrahim boubacar keita president malien interview

Quelques mois seulement après sa prise de fonction, le président de la République ne s’était pas privé de dénoncer sa « communication désastreuse ».

L’opinion espérait qu’Ibrahim Boubacar Keita tirerait par la suite tous les enseignements utiles de cette défaillance. Mais, c’était sans compter avec les critiques vaines d’un dirigeant passif face aux tares de sa gouvernance. Cette carence s’est accentuée au fil des années du régime IBK. Non seulement le pouvoir n’arrive pas à communiquer efficacement avec les citoyens à la base, mais aussi le courant ne passe pas entre les différents bords politiques. Soutenu par ses lieutenants de la majorité présidentielle, le gouvernement a été incapable d’engager un dialogue fécond avec le reste de la classe politique et la société civile.

Les mises en scène qui marchent difficilement dans les contextes similaires à celui du Mali ont vite rattrapé l’Etat. La désapprobation de ses initiatives se multiplie et les Maliens s’interrogent désormais sur l’aptitude des gouvernants à embarquer dans le même bateau tous les fils du pays englué par les effets de la crise multidimensionnelle. Les divergences entre le gouvernement et une partie importante de la classe politique sur certains sujets d’intérêt national, ne favorisent pas la remise du pays sur les rails.

Le nouveau projet de loi électorale que l’Assemblée nationale vient d’examiner suscite beaucoup d’inquiétudes et de suspicions dans les milieux politiques.

Des états-majors politiques, tant de la majorité que de l’opposition, rejettent l’article 147 du nouveau projet de loi. Et pour cause: ledit projet durcit le dispositif de parrainage en vigueur dans le code actuel en exigeant que chaque candidat soit parrainé par 5 conseillers municipaux et 15 députés au lieu de 10 élus de la nation, comme ce fut le cas lors des dernières élections présidentielles.

Des hommes politiques voient dans l’article, les germes d’une exclusion politique et des manœuvres de l’Etat visant à éliminer à « l’étape préliminaire » certains farouches opposants au chef de l’Etat actuel. Leurs accusations sont d’autant plus justifiées que la façon dont l’Etat a préparé et soumis ce projet à l’Assemblée n’est pas des plus catholiques.

Dédain

L’Etat a péché dans la communication avec les différentes parties qui disent n’avoir pas toutes été associées à toutes les étapes requises avant l’adoption du projet par le conseil des ministres du 15 juin 2016.

Selon le député élu en commune V du district de Bamako sous les couleurs de l’ADP-Maliba, Amadou Thiam, le gouvernement n’a pas agi correctement dans le processus. « D’abord, le gouvernement associe les partis politiques à l’élaboration de l’avant-projet. Cela a été fait dans ce cas avec la réunion du cadre de concertation au début de l’année 2016 et la mise en place d’un groupe d’experts comportant des acteurs de la majorité et de l’opposition. Il y a ensuite la présentation de l’avant-projet, après la mise en forme par le gouvernement avant son introduction dans le processus interministériel avant le conseil des ministres. Cette phase se traduit par une réunion du cadre de concertation pendant laquelle les partis prennent connaissance des changements du nouveau projet. Cette étape n’a pas été observée par le gouvernement », a regretté le 2e vice-président de l’Hémicycle et récent démissionnaire de la majorité présidentielle.

Comme le nouveau projet de loi électorale, l’organisation des élections municipales continue d’alimenter les débats dans le landerneau politique.

Depuis l’adoption par le conseil des ministres du 10 août 2016 d’un projet de décret du ministère de l’Administration territoriale, qui convoque le collège électoral à l’effet de procéder à l’élection des conseillers municipaux le 20 novembre 2016, les observateurs politiques ne cessent de s’interroger sur la pertinence de ce projet.

Ces mêmes élections ont déjà été reportées à plusieurs reprises pour des raisons qui demeurent (insécurité au Nord, absence de l’administration dans plusieurs localités du septentrion, retour des déplacés…). Toutes choses qui ont fait dire au président du Parti pour la renaissance nationale (Parena) que « notre gouvernement n’est pas raisonnable ». Tiébilé Dramé déplore la volonté de l’Etat d’«organiser les prochaines communales dans un contexte d’insécurité généralisée et sur la base d’une loi électorale scélérate ». Nombreux sont nos compatriotes à partager cette position du« Bélier blanc en chef » même si le gouvernement, qui maintient le silence radio à propos des communales, reste sur sa position.

L’Etat reste également de marbre face aux propositions de tenue de concertations nationales sur la situation globale du pays.

Ces dernières sont vivement souhaitées par l’opposition politique, qui pense qu’elles offriraient à tous les Maliens l’opportunité de faire un diagnostic sincère de l’état de la nation avant de tracer une feuille de route limpide. Et cette rencontre nationale serait amplement justifiée, à en croire Tiébilé Dramé:« La situation générale du pays fait que des concertations nationales s’imposent. Le pays est bloqué. Nous sommes dans une impasse dangereuse sur tous les aspects ».

Pendant combien de temps, le régime IBK restera-t-il encore indifférent à cette suggestion de l’opposition et d’une partie de la société civile ? Le pays est dans le précipice et le pouvoir ne semble pas avoir beaucoup de choix.

L’impasse dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation donne raison aux partisans de concertations nationales. Ceux-ci avaient demandé que la signature de l’Accord pour la paix soit précédée d’une rencontre nationale pour que tous les fils du Mali s’en approprient et œuvrent ainsi à sa mise en œuvre diligente. Le gouvernement est resté campé sur sa position initiale et est aujourd’hui dos au mur, faute de prendre en compte les idées d’autres compatriotes épris de paix.

Ogopémo Ouologuem

(correspondant aux USA)

 

 

Source: lesechos

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