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Diallo Fatoumata I. Samaké, chef du projet de lutte contre MGF à Plan International Mali : « La lutte contre l’excision n’est plus un sujet tabou ! »

La journée internationale de lutte contre l’excision est célébrée aujourd’hui, 6 février 2019, sur le thème : « Rendre accessible les services de prise en charge aux victimes des complications liées à la pratique de l’excision ». A cette occasion, nous avons interrogé Mme Diallo Fatoumata Ibrahim Samaké, chef du projet de lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF) à Plan International Mali, sur les actions menées par son organisation dans le cadre de la lutte contre lesdites pratiques, notamment contre l’excision. Ainsi de 1996 à nos jours, les efforts du Plan International Mali ont permis l’abandon de l’excision dans 99 villages de notre pays. Lisez plutôt !

Bonjour Mme Diallo ! Présentez-vous à nos lecteurs ?

Je suis Madame Diallo Fatoumata Ibrahim Samaké, chef du projet de lutte contre les mutilations génitales féminines/excision à Plan International Mali. En 2008, j’ai commencé en tant que stagiaire, avant d’être assistante au projet de lutte contre les mutilations génitales féminines (MGF). Depuis 2016, je suis devenue le chef dudit projet.

Depuis combien d’années Plan International Mali intervient-il dans le domaine de l’excision ?

Plan intervient dans le domaine de la lutte contre les MGF depuis 1996, bien avant la création du programme de la lutte contre l’excision. On a travaillé avec le comité national des pratiques néfastes et avec les autres partenaires pour aboutir à la création d’une Direction Nationale de Lutte contre les MGF en 2002.

De 1996 à nos jours, dans combien de localités du Mali intervenez-vous ?

En 1996, nous avons d’abord commencé à Kati comme première zone d’intervention en matière de lutte contre les MGF. Après Kati, nous avons été dans de nombreuses localités : Banamba, Bandiagara, Bankass, Nioro du Sahel, Nioro, Fana, Kadiolo, Kita, Kangaba et en dernier lieu, le cercle de Barouéli. Actuellement, le projet qui est en cours couvre trois cercles : Kangaba et Kati dans la région de Koulikoro et Barouéli dans la région de Ségou.

Qui sont vos partenaires dans cette lutte ?

Au niveau national, nous travaillons en partenariat avec le ministère de la promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, à travers le Programme National de Lutte contre l’Excision (PNLE). Au niveau local, nous travaillons avec les directions régionales de la promotion de la Femme, de l’Enfant et la Famille ; les directions régionales de la Santé (DRS) pour notamment la prise en charge des cas de complications. En plus, au niveau local, nous sommes en partenariat avec les Centres de Santé de Références. Sur le terrain, Plan International Mali travaille également avec des ONG comme ERAD (Equipe de Recherche et d’Appui au Développement).

Financièrement parlant, à combien estimez-vous le coût de vos activités, par an, en faveur de l’abandon de l’excision ?

De 1996 à maintenant, nous dépensons des centaines de millions par an. Pour cette année seulement, nous avons mobilisé un budget de 180 millions de francs CFA, repartis entre le niveau national et communautaire.

En retour, combien de villages ont déclaré avoir abandonné la pratique?

De 1996 à 2016, nous avons obtenu quatre-vingt-sept (87) villages d’abandon sur 180 villages couverts par nos projets. Et de 2017 à nos jours, nous avons obtenu douze villages (12) répartis entre  les cercles de Kangaba et de Kati dans la région de Koulikoro et celui de Barouéli dans la région de Ségou. Donc au total, quatre-vingt-dix-neuf (99) villages ont déclaré avoir abandonné la pratique. Pour dire que nous n’avons pas encore atteint les cent villages.

Plan International Mali est-il satisfait de ce bilan ?

Du point de vue satisfaction, nous pouvons dire que nous sommes satisfaits de ces résultats. Néanmoins, il faut reconnaître qu’il y a d’autres communautés, d’autres villages qui ne sont pas couverts par Plan. Cela constitue un problème, parce que les communautés avec lesquels nous travaillons ont des liens de parenté avec d’autres qui ne sont pas pour l’instant couvertes par nos projets ou par d’autres intervenants. Cela peut amener un blocage dans le processus d’abandon.

Le second point de satisfaction que Plan a obtenu durant ces d’interventions c’est que la lutte contre les MGF n’est plus un sujet tabou. Nous pouvons en parler avec les décideurs, à savoir les chefs de villages, les leaders religieux ou coutumiers, avec les femmes et les jeunes et sur les places publiques. Avant, il y avait blocage, mais actuellement dans les zones d’intervention avec notre stratégie, nous parvenons à communiquer avec toutes les communautés.

Le troisième point de satisfaction, c’est la prise en charge médicale et psycho-sociale avec un volet réinsertion sociale que nous avons intégrée ces dernières années à nos activités. Quand on apporte un appui médical à une victime et que la victime est une petite fille ou une femme mature, après sa guérison, on a un point de satisfaction moral parce que cette victime va s’intégrer au sein de sa communauté. Ainsi, elle ne sera pas stigmatisée ou marginalisée.

De 1996 à nos jours, est-ce que Plan International Mali s’est toujours associé à la célébration de la journée internationale de lutte contre l’excision ?

De 1996 à nos jours, Plan apporte un appui technique et financier au ministère pour l’organisation de la Journée. Au minimum, nous apportons un appui financier qui varie entre un et dix millions de francs CFA chaque année pour l’organisation des activités de la Journée. Cela, au niveau national, comme au niveau communautaire. Nos ONG, en partenariat avec les organisations féminines, célèbrent ces journées au sein de nos communautés d’intervention, à travers des activités de masse qui peuvent regrouper un maximum de personnes. Nous profitions de ces activités pour véhiculer des messages liés aux mutilations génitales féminines/excision.

Cette année, quelles sont les activités programmées ?

Au niveau national, nous participons à la journée phare. Au niveau communautaire, ce sera avec nos ONG partenaires. Cette année,  nous avons mis l’accent sur comment inciter les communautés à approcher les services de santé pour la prise en charge des victimes des complications liées à la pratique de l’excision conformément au thème national : « Rendre accessible les services de prise en charge aux victimes des complications liée à la pratique de l’excision ».

Quel est votre meilleur souvenir dans cette lutte contre l’excision ?

Le meilleur souvenir, c’est qu’en 2009, nous étions dans la zone de Kadiolo, on était là avec une ONG. Après une visite de courtoisie à la notabilité, c’est le chef de village en personne qui s’est levé pour faire le porte-en-porte afin de pouvoir mobiliser les gens. Je ne m’attendais pas à cela, surtout dans le milieu Sénoufo.

Et le pire souvenir!

Le pire souvenir, je n’aime pas trop le partager avec les gens. En fait, avant que je ne remplace Madame Bocoum Madina Diaff, à la tête du projet de lutte contre les mutilations génitales féminines/excision, nous étions en mission à Kita. Après toutes nos explications, un chef de village s’est adressé de façon très vulgaire à la dame en lui disant: « Toi qui es là en train de nous parler de cette pratique, est-ce que tu n’as pas  été  excisée ? »

Vraiment, c’est un mauvais souvenir que j’ai toujours gardé et que je n’aime même pas trop partager avec les gens. Vu son âge et son expérience, elle ne méritait pas cela. Mais heureusement, il y a eu des vieux dans la masse qui l’ont accusé  en l’amenant à présenter ses excuses à la dame.

Votre mot de la fin.

Mon mot de la fin, c’est d’inviter les communautés à s’ouvrir davantage aux activités du projet de lutte contre l’excision. Ce n’est pas parce qu’on est contre nos pratiques ou nos mœurs qu’on vient vers elles. Il y a eu des études qui ont démontré que cette pratique peut amener des conséquences néfastes sur la vie de la femme et de la petite fille. Si nous voulons le développement de nos communautés, nous devons laisser la chance à ces petites filles d’aller à l’école, d’étudier et si possible d’avoir un emploi afin de contribuer au développement de leur nation, plus particulièrement leurs communautés.

Interview réalisée par Ousmane BALLO

Source : Ziré-hebdo

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