Il n’est nul besoin de faire un sermon contre les auteurs de l’attaque qui vient de mettre fin à cent-trente-deux (132) vies humaines ! C’était à Djalassagou, Diaweli et Dessagou, dans le cercle de Bankass. Il y a des jours où nous découvrons les limites de notre humanité, au-delà desquelles s’étale l’inhumanité. Il est des moments où nous laissons le mensonge et l’hypocrisie couvrir notre pratique religieuse. Il est des occasions où les excès affublant la portion du pouvoir à nous accordé par la nature, nous rappellent tristement et cruellement la bestialité qui nous gouvernent.
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment un homme peut s’adonner à un tel carnage, sans être interpellé par sa conscience d’humain ! Au nom de quoi ? De qui ? Qu’y a-t-il donc dans la religion qui puisse motiver et justifier autant de tuerie ? Quelle faute ces cent trente-deux citoyens maliens ont-ils commise ? Je rappelle juste que parmi ces victimes “expiatoires”, demeuraient peut-être des femmes et des enfants ! Mais, pour les auteurs de ces massacres, être femme ou enfant n’est qu’un détail. Tuer est une mission.
Alors, moi, je ne perdrai pas mon énergie à sermonner ces énergumènes sans foi ni loi. Pour eux, je ne suis qu’un « gibier de potence », comme Harpagon l’indique, si magnifiquement, dans l’Avare de Molière. Ces gens-là ne partagent plus la même humanité que nous. Ils ont renoncé à ce qui fonde la vie en commun. Ils sont aveuglés par le sang humain, le nôtre. Ils ont redéfini l’humanité et la religion selon leurs critères propres. Ils ont redessiné Allah, notre Allah à tous ; ils racontent et font tout, en son nom. Ils ne se réclament plus de Mohamed, paix et salut sur lui, ils se sont tout simplement substitués à lui, en s’accaparant ses attributs de prophète. Les vrais prophètes, les authentiques envoyés d’Allah, ce sont eux ! Mohamed est devenu un prête-nom, un faire-valoir. Certains ont assassiné le Christ ; eux, ils exécutent Mohamed au quotidien. Car, pour chaque musulman exécuté, c’est la mort de notre prophète Mohamed qui est réincarnée. Mais ceux qui agissent ainsi ne peuvent pas savoir cela, obnubilés qu’ils sont par le sang humain, par notre sang. Ils croient affirmer leur foi, leur appartenance à l’islam par la libation à base de sang humain, faite pour leurs maîtres, ces apôtres, pire, ces réincarnations de Satan sur terre ! A ce rythme, ils nous tueront tous ! Même Allah semble nous abandonner à leur furie. Sur qui compter donc ? Vers qui nous tourner ? Vers ATT ? Il a été décapité pour n’avoir rien pu faire face à l’arrivée de ces tarés. IBK ? Il fut chassé comme un malpropre, parce qu’il ne trouvait aucun moyen contre ces diables qui nagent jour et nuit dans le sang de nos compatriotes. Assimi et ses camarades ? Nous leur avons laissé toute la latitude pour qu’ils nous protègent. Sommes-nous vraiment sécurisés ? Comment ne pas nous interroger sur le temps qu’a duré le siège imposé à trois villages bien situés et localisables sur la carte du Mali : Dialassagou, Diaweli et Dessagou ? Notre armée si fièrement clamée par le peuple depuis des mois a-t-elle failli ? Comment est-ce possible, une telle opération soldée par autant de morts ? Devons-nous vraiment continuer à y croire ? Aux uns, je dirais de savoir raison garder si raison il y a ; aux autres j’indiquerais que la seule voie à suivre est celle de la rédemption ou, disons, de la loyauté envers ce pays si meurtri, ce peuple si martyrisé. A bon entendeur…
Tiécoro Sangaré
Source: Journal Les Échos- Mali