« Le Mali est en tête des 6 pays producteurs de coton dans notre espace économique et monétaire (UEMOA) avec 600 000 tonnes de coton graine. La Côte-D’ivoire aussi est en tête des pays producteurs de cacao avec plus d’un million de tonnes par an. En termes de comparaison de volumes de production, elle dame le pion au Mali. Mais, le hic qui fait matière à commenter est le volume de la transformation. Là-dessus, il n’y a pas match. Là où la Côte-D’ivoire transforme localement 20% de sa production nationale de cacao, le Mali n’en fait 2%, sur lesquels, seulement la COMATEX fait mieux avec environ 1,8% de coton produit. L’écart est donc énorme si le Mali doit se mesurer à des voisins ivoiriens en matière d’industrialisation. Le parc industriel ivoirien représente le triple sinon plus de celui du Mali. Or, si l’on transforme nos produits, nous allons créer de l’emploi et la richesse chez les autres… ». Cette analyse a été faite par le ministre du Développement Industriel, Mohamed Aly Ag Ibrahim. C’était au cours d’un déjeuner de presse le mardi dernier dans la salle Maeva à l’ACI 2000. Ce rendez-vous communicationnel a réuni autour du ministre, ses proches collaborateurs ainsi que plusieurs cadres de son département.
En guise d’introduction, le ministre Mohamed Aly Ag Ibrahim, a abord restitué les conclusions des missions effectuées en Côte-D’ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso et au Niger, où il s’était rendu pour mieux comprendre la problématique de l’industrialisation de nos pays et évaluer le niveau de réalisation de la vision 2030 de la CEDEAO dans les différents pays. Il ressort de son constat que notre pays est beaucoup en retard par rapport à certains voisins, lesquels sont en moyenne à 10% de la part de l’industrie dans le Produit intérieur brut (PIB) contre seulement 4% au Mali.
Le diagnostic établi par le ministre à l’issue de ses tournées effectuées dans certaines de nos régions se passe de tout commentaire. Il urge donc de renverser la tendance, si l’on veut espère aller de l’avant. Toutefois, Mohamed Aly Ag Ibrahim ne se laisse pas impressionner par les défis. Il a annoncé une batterie de mesures pour redresser la courbe. Au nombre des mesures préconisées, la mise à disposition des industriels du courant à bon prix. Pour ce faire, le gouvernement envisage de demander à l’EDM-SA de transporter l’électricité produite par N-SUKALA à base de bio-éthanol.
Selon lui, cette unité sucrière produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme. Le surplus de production a été proposé à la vente. Il était question de le vendre à l’EDM-SA pour qu’elle revende aux consommateurs. C’est ce surplus que le gouvernement envisage de reprendre à son compte au profit des industriels en vue d’impacter sur les facteurs de production. Ce qui peut avoir des répercussions sur les prix des produits à la consommation. La stratégie consiste à faire transporter l’électricité par EDM-SA vers des sites industriels pour être vendue à des tarifs préférentiels.
Autres mesures incitatives préconisées par le ministre Mohamed Aly Ag Ibrahim, c’est la relance des activités de l’Agence pour la Promotion des Zones Industrielles (AZI-SA), qui est l’expression d’une volonté politique forte pour soutenir le secteur industriel. Dans cette perspective, le gouvernement prévoit d’installer toutes les unités industrielles à l’intérieur des zones industrielles. En clair, il ne sera plus permis à une usine de s’installer en dehors des zones aménagées à cet effet. Ainsi, en plus de l’existant, il est prévu d’en aménager à Ansongo dans la 7ème région.
En guise de soutien aux entreprises, le gouvernement envisage d’examiner toutes les possibilités juridiques qu’offrent les textes communautaires pour protéger nos entreprises industrielles de la concurrence déloyale des entreprises étrangères. A cet effet, il a pris l’exemple sur le ciment qui vient du Sénégal. Selon lui, des études réalisées sur le prix de cette marchandise sur le marché malien ont révélé d’énormes dysfonctionnements. Il a été établi que le prix de revient est plus élevé que le prix pratiqué sur le marché.
Cela démontre clairement une pratique anti-concurrentielle. Or, plusieurs cimenteries sont installées dans notre pays et d’autres sont également annoncées. C’est le cas de la société Gaia Equity Ltd, avec laquelle, une convention d’établissement a été signée le 16 septembre 2016 portant sur une cimenterie intégrée à Guinbané dans le cercle de Diéma dans la région de Kayes. Gaia Equity Ltd est une société de droit Irlandais. Qui s’engage à mettre en place une société de droit malien pour l’exploitation de la cimenterie intégrée avec la participation de l’Etat malien dans le capital social. L’investissement prévu s’élève à 196 milliards FCFA et créera 450 emplois permanents directs.
La capacité de production de la nouvelle société est de un million de tonnes par an. L’essor du secteur industriel mérite d’envisager des mesures protectionnistes tout en restant dans les limites et l’esprit des textes communautaires, qui préconisent l’ouverture des frontières pour faciliter la libre circulation des biens de productions. Mais, les textes ne sont pas fermés non plus à des mesures incitatives pour favoriser l’éclosion d’un secteur industriel dynamique dans les pays membres. Facteur de stabilité et créateur d’emplois et de richesses.
Avant de conclure, le ministre Mohamed Aly Ag Ibrahim s’est longuement expliqué sur les missions de son département, ainsi que les activités réalisées durant les six mois qu’il y a passé. Rappelons le Ministère du Développement Industriel est une nouvelle création du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita. L’objectif est de soutenir le secteur des industries pour booster la croissance de notre économie, notamment la création des emplois durables et décents et de la richesse qui peut avoir des effets multiplicateurs sur le revenu national.
Le ministre s’est également expliqué sur les 34 missions qu’il a effectuées à l’intérieur du pays pour voir, comprendre et pouvoir agir en toute connaissance de cause en vue de lever les goulots d’étranglement qui freinent l’envol du secteur de l’industrie dans notre pays. Depuis les premières heures de l’indépendance nationale, toutes les autorités successives ont fait de l’industrialisation, de la transformation de nos produits agricoles, une priorité. Le chemin est semé d’embuches, mais avec la volonté politique forte et l’engagement de tout le monde, le défi sera relevé, a-t-il dit. Enfin, Mohamed Aly Ag Ibrahim a exprimé toute sa confiance en l’avenir de notre secteur industriel.
« La mise en œuvre des nombreux chantiers envisagés permettra de booster la part de l’industrie dans le PIB », a-t-il assuré avant de lever la séance.
A. Diakité