Suspectés de lien avec les auteurs des attentats du 13 novembre, ces deux hommes avaient été arrêtés en Autriche en décembre dernier. Selon Le Parisien et le Washington Post, ils étaient partis de Syrie avec les deux Irakiens qui se sont fait exploser au Stade de France.
En Autriche, deux faux migrants, arrêtés en décembre dernier, ont avoué, en février dernier, qu’ils avaient reçu pour instruction de frapper la France, selon Le Parisien et leWashington Post. Les enquêteurs avaient déjà identifié ces deux hommes, qui avaient menti sur leurs noms: le premier,Muhammad Usman, est un Pakistanais de 22 ans. Un renseignement étranger le présente comme ayant été «artificier» auprès de deux groupes djihadistes pakistanais réputés proches d’al-Qaida: le Lashkar-e-Jhangvi et le Lashkar-e-Toiba. Le second, Adel Haddadi, est un Algérien de 28 ans qui aurait, lui, rejoint en février 2015 les rangs de l’État islamique (EI). Partis de Syrie avec les deux Irakiens qui se sont fait exploser au Stade de France, les deux djihadistes sont soupçonnés d’être liés aux auteurs des attentats du 13 novembre. De la Syrie à l’Autriche, leur interrogatoire permet de retracer leur parcours.
• Septembre 2015: missionnés en Syrie
Leur périple commence à Raqqa, en septembre 2015. Usman et Haddadi sont réunis dans le salon d’une maison avec deux Irakiens. Les mêmes qui se feront exploser au stade de France le 13 novembre au soir. Là, ils auraient reçu l’ordre de quitter «le Califat». «Vous devez vous rendre en France pour tuer et mourir en martyr», leur aurait demandé un haut responsable de l’Etat islamique. «Ils étaient heureux et honorés d’avoir été choisis», a expliqué au Washington Postun responsable de la sécurité européenne. «On leur a promis qu’ils iraient au paradis». Avant de partir, un certain «Abou Ahmad» les aurait aidés dans leur entreprise et leur aurait remis un téléphone portable disposant de numéros préenregistrés, selon Le Parisien.
• Octobre 2015: contrôlés en Grèce
La suite de leur voyage se poursuit via Alep en Syrie avant qu’ils ne franchissent la frontière turco-syrienne. Après un passage à Izmir, les quatre djihadistes arrivent sur l’île grecque de Léros et se glissent dans les files de réfugiés. Munis de faux passeports syriens confectionnés par Daech, les deux Irakiens passent les contrôles sans difficulté mais les deux autres se font refouler. Ces derniers sont rapidement démasqués: «Usman ne parlait pas bien l’arabe et Haddadi ne savait presque rien de sa prétendue ville natale: Alep, en Syrie», raconte le quotidien américain. Tous deux sont arrêtés pour possession de faux papiers et ont 30 jours pour quitter le territoire.
• Décembre 2015: arrestation en Autriche
Mais il n’en sera rien. Relâchés le 28 octobre, les deux pseudo-migrants poursuivent leur chemin après avoir reçu un virement de 2000 dollars envoyés par Daech via Western Union. Ils traversent la Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Slovénie, écrit encore le Washington Post. Ils rejoignent l’Autriche en novembre et demandent l’asile le 4 décembre. Six jours plus tard, ils sont de nouveau arrêtés dans un foyer de réfugiés à Salzbourg par la police autrichienne. Fruit de cette vaste enquête lancée au lendemain des attentats de Paris.
• Un certain «Abou Ahmad»
Durant l’interrogatoire, leurs déclarations sont dans un premier temps fantaisistes, comme le racontait récemment Le Monde. L’Algérien Haddadi dément avoir d’autres contacts en Europe. Pourtant, l’analyse de son téléphone prouve le contraire. Les policiers retrouvent notamment la trace d’un appel vers un numéro turc. Le même qui figurait sur un papier froissé retrouvé dans la poche d’un des kamikazes du stade de France. Les services de renseignement ont fini par identifier le propriétaire de ce numéro: le fameux «Abou Ahmad», rapporte Le Parisien. Ce numéro a également été retrouvé dans le répertoire d’Omar D., un Belge de 35 ans, proche d’Abdelhamid Abaaoud, interpellé à Athènes le 17 janvier 2015, dans le cadre du démantèlement de la cellule de Verviers, qui projetait un attentat en Belgique.
Un possible transfèrement vers la France
Que comptaient faire Usman et Addadi en France? Étaient-ils censés commettre l’attentat prévu le 13 novembre dans le XVIIIe arrondissement, évoqué dans le communiqué de revendication de l’EI? Ou constituaient-ils une autre cellule amenée à agir ultérieurement en France? Avaient-ils reçu d’autres instructions juste avant leur arrestation? Pour l’heure, Muhammad Usman et Adel Addadisont toujours détenus en Autriche. «Ils sont tristes parce qu’ils sont encore en vie et parce qu’ils ne sont pas morts avec les autres en France», a déclaré une source sécuritaire européenne dans leWashington Post. La France pourrait demander leur transfèrement en vue d’une mise en examen. Ils rejoindraient ainsi Salah Abdeslam et Mohamed Abrini sur le banc des accusés.
Source: lefigaro