C’est un exercice délicat, auxquels les économistes se livrent avec une infinie prudence. Car comment mesurer l’incidence d’une guerre sur l’activité d’un pays, alors même que la collecte des données devient partiellement impossible ? « Lorsqu’une partie du territoire tombe aux mains de l’ennemi, les entreprises et les citoyens locaux cessent de remonter des informations à l’organisme statistique, même si leur vie économique se poursuit », résument les économistes Oleksiy Blinov et Simeon Djankov dans une note sur le sujet, rédigée pour le Centre for economic policy research, un centre de recherche londonien.

Dans de nouvelles prévisions pour l’Europe et l’Asie centrale, publiées mardi 4 octobre, les experts de la Banque mondiale avancent, malgré tout, une estimation : selon eux, le produit intérieur brut (PIB) de l’Ukraine devrait reculer de 35 % en 2022. Un chiffre proche de celui dévoilé le 28 septembre par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (30 %). Pour 2023, les prévisions sont plus incertaines encore, car nul ne sait comment le conflit évoluera.

La Banque mondiale avance tout de même l’hypothèse d’une hausse de 3,3 % – un rebond essentiellement technique, après l’effondrement de 2022. Mais l’institution insiste sur un point plus inquiétant encore : la guerre aura des répercussions de long terme d’une ampleur considérable, et difficile à estimer, sur la croissance et l’économie du pays. D’abord en raison des destructions des capacités de production et des dommages engendrés sur les terres arables. Fin août, le montant des destructions de bâtiments, dont 40 % d’habitations, était estimé à 114 milliards de dollars (115 milliards d’euros), détaille la Banque mondiale.

« Destruction de grandes installations métallurgiques »

En outre, 15 % des infrastructures essentielles, telles que voies ferrées, ponts, dépôts de pétrole et centrales électriques, ont déjà été détruites ou endommagées. « Sur les sept premiers mois de l’année, les investissements directs étrangers nets ont chuté de plus de 93 %, et les exportations de marchandises de 28 % », note également le rapport. Les exportations de céréales ukrainiennes par la mer Noire ont certes repris un peu, mais celles de fer et d’acier restent de plus de 70 % inférieures à leur niveau d’avant crise.

Selon le rapport, cela « reflète la destruction et les dommages subis par les plus grandes installations métallurgiques du pays, Azovstal et Ilyich Iron and Steel Works ». La guerre s’est en outre traduite par de larges mouvements de réfugiés à l’intérieur des frontières et vers les pays voisins, comme la Pologne. En septembre, un tiers de la population ukrainienne (44 millions de personnes au total) était ainsi « déplacée », dont principalement des femmes et des enfants.

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