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Des « capitales africaines de la culture » pour mieux dialoguer

RAYONNEMENT. À l’initiative de l’organisation Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique, cet événement va passer de ville en ville tous les ans.

Jugeant que la culture a souvent été « laissée pour compte » par les décideurs sur un continent pourtant berceau de l’humanité et au patrimoine culturel particulièrement riche, l’organisation Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLU Afrique) a impulsé la naissance de l’événement « Capitales africaines de la culture », à l’image des capitales européennes de la culture, convaincue de la nécessité d’inscrire ce secteur au centre des politiques de développement des villes en Afrique. Tous les trois ans, une ville africaine – francophone, anglophone ou lusophone – accueillera pendant un an une série de manifestations culturelles, financée par des partenaires institutionnels internationaux et des mécènes. Marrakech, capitale touristique du Maroc, s’est portée candidate pour cette première édition (de fin janvier à fin décembre 2020). Kigali devrait accueillir la deuxième en 2023. « Capitales africaines de la culture » promeut une « réappropriation culturelle des Africains par et pour eux-mêmes ». Elle souhaite que les populations puissent accéder plus facilement à cette offre culturelle sur le continent, que ses artistes soient « mis en réseau » et démontrent leur capacité à être moteurs d’une économie locale.

 

Une opportunité pour les artistes de se rencontrer et de se connaître

Pour Mahi Binebine, 60 ans, peintre, sculpteur et écrivain marocain renommé, un artiste africain ne devrait pas avoir à aller loin, en Europe ou aux États-Unis par exemple, pour se lancer ou vivre de son art. Comme un spectateur ne devrait pas avoir à changer de continent pour contempler le travail d’artistes africains. « J’ai découvert mes voisins africains à Paris : Ousmane Sow sur le pont des Arts, Malick Sidibé à la Fondation Cartier, Youssou N’Dour au Bataclan », raconte à l’AFP avec émotion M. Binebine, qui avait alors obtenu une bourse de la France pour un an et se rappelle avoir été troublé par cette réalité. « Nous avons besoin de nous rencontrer entre Africains, de faire des événements africains et de donner une autre image de nous », lance M. Binebine, à l’enthousiasme et au sourire contagieux, président honoraire du comité Marrakech 2020. L’AFP l’a rencontré lors du lancement décentralisé de cette manifestation organisé à Paris par le groupe de communication Dentsu Aegis Network, qui soutient l’événement.

« En Afrique, les gens ne rêvent plus chez eux, ils rêvent tout le temps vers le Nord, et il faut qu’on arrête. (…) L’international, c’est aussi le Sud », lâche-t-il, citant le succès de la Biennale de l’art africain de Dakar qui en est à sa 14e édition. Avec le cinéaste Nabil Ayouch, Mahi Binebine a créé des centres culturels pour les jeunes dans des bidonvilles de son pays, une initiative unique au Maroc pour lutter contre la radicalisation et l’obscurantisme. Après Casablanca, Tanger, Agadir, un nouveau centre a été inauguré ce week-end à Fès. Il veut dire aux jeunes Africains qui tentent l’émigration clandestine vers l’Europe, souvent acculés par le manque d’opportunités économiques ou les troubles sécuritaires dans leur pays : « On va construire quelque chose, vous allez pouvoir rêver chez vous. »

Marrakech ouvre le bal

Au programme de Marrakech capitale de la culture : un « jardin africain » présentant des sculptures à proximité de la très fréquentée place Jamaa-El-Fna, l’exposition itinérante notamment de peintures “Prête-moi ton rêve”, à l’initiative d’investisseurs marocains et présentant une trentaine d’artistes majeurs du continent, un salon littéraire, des concerts, des défilés de mode « avec des couleurs africaines, du jaune, du rouge criard », décrit M. Binebine. Venu à Paris pour le lancement, le président du comité d’organisation de « Capitales africaines de la Culture » et secrétaire général du CGLU, le Camerounais Jean-Pierre Elong-Mbassi, reconnaît que, « trop souvent, la culture a été laissée pour compte » par les autorités sur le continent et que « la plupart » des professionnels du secteur n’en vivent pas. « Il y a des efforts à faire pour que la contribution de l’Afrique à la culture universelle soit à la hauteur de sa profondeur culturelle », estime-t-il. Les villes ont, selon lui, « un grand rôle à jouer » pour faire la « jonction entre le substrat culturel porté par les autorités traditionnelles et la modernité qu’appellent les industries culturelles ». Mahi Binebine renchérit : « Quand je rencontre les décideurs chez nous, ils me disent souvent : “Qu’est-ce que tu nous embêtes avec la culture ? Nous, il nous faut donner à manger aux gens.” Ils n’ont pas intégré l’idée que la culture peut générer une économie ; une ville comme Bilbao (Espagne, NDLR) qui était mourante, tu mets un musée Guggenheim et la ville renaît ! »

Par 

 

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