Que valent les lois de république si les valeurs démocratiques sont piétinées ? Qu’en est-il des institutions démocratiques lorsque le déni de droit s’érige comme la règle du jeu institutionnel ? A-t-on perdu le sens la république et de ses valeurs ?
Quelle est cette inculture juridique qui menace la république ? Le seuil de l’intolérance démocratique est-il franchi sous nos cieux où le jeu institutionnel et démocratique est allègrement banni par des comportements individuels et collectifs aux relents liberticides dans le plus grand désenchantement des pouvoirs publics ?
L’image du Mali, ces derniers temps, à l’extérieur, ou au-dedans, n’est pas envieuse. Sur les réseaux sociaux, dans les espaces publics, les scènes de pourrissement des valeurs démocratiques se multiplient : des injures publiques proférées, des propos outranciers entretenus, çà et là, des appels à la violence physique… l’atmosphère est sérieusement surchauffée depuis que la révision constitutionnelle, pourtant procédure politique et démocratique normale, dès lors qu’elle obéit à ses principes déclencheurs, est annoncée dans le pays.
En fait, au sujet de cette révision constitutionnelle, en dépit de l’avis ô combien intéressant de la Cour constitutionnelle, la tension a monté d’un cran. Entre les courants qui s’opposent sur le bien-fondé de cette révision constitutionnelle, voulue et décidée par le président de la république, qui en a le droit, place à des comportements individuels et collectifs qui frisent le déni de démocratie, où les valeurs de la républiques sont foulées allègrement au pied par des individus qui ont vite fait d’infecter les réseaux sociaux et les espaces publics de propos malsains, indignes de la courtoisie républicaine, telle qu’elle est encouragée pour la civilité publique.
L’apaisement proposé par le président de la république, qui continue de rencontrer les représentants des forces vives, en vue de calmer le jeu, n’y fut rien. Encore moins, l’entretien « cordial » que le chef de file de l’opposition vient d’avoir avec le président IBK, à Koulouba, dans le cadre des séries de rencontres initiées à cet effet, n’a eu en réalité aucun effet pour calmer l’ardeur de ces propagateurs de haine et d’invectives qui ne reculent devant rien pour saper les valeurs de la république. Ce sont des campagnes de dénigrement, des propos malveillants et des injures publiques qui sont orchestrés à profusion contre des responsables étatiques, y compris la première institution de la république, dont le seul tort est de vouloir, comme les prérogatives les y obligent, à reformer l’État dont ils ont aujourd’hui la charge de gouverner. Sous le fallacieux prétexte de s’opposer à la révision constitutionnelle (Dieu seul sait qu’il s’agit d’un droit propre, dans la démocratie, de s’opposer ou de soutenir), des propagateurs d’invectives publiques, mus par des considérations sordides, passent à la vitesse supérieure dans le dénigrement systématique et dans le paradoxe démocratique.
Des médias et les réseaux sociaux sont mis à contribution pour entretenir cette politique de méfiance et de défiance vis-à-vis de la république et de ses institutions, au grand mépris des lois du pays.
L’objectif, pour beaucoup d’entre eux, surfant sur les manifestations de rue, qui ont du mal à cacher leur ego surdimensionnés sur les réseaux sociaux, c’est de mettre prématurément un terme au mandat du président démocratiquement élu. Tout se passe comme si la solution suprême, proposée par ces propagateurs de violence, pour endiguer les maux du pays, passe par la mise sous parenthèse du mandat du président effectivement en cours exercice. En démocratie propre, ici, ou ailleurs, quel démocrate digne de ce nom, quel citoyen responsable, peut-il volontairement « travailler » à la fin du mandat président sans pour autant imaginer le sort brutal et incertain qu’un tel coup de force va-t-il engendrer pour le pays et ses habitants.
L’exigence démocratique, ici ou ailleurs, oblige le minimum de responsabilités citoyennes et de civilité républicaine ; des règles forcées depuis toujours pour permettre à la démocratie, sans être le système le plus parfait, d’être le plus envieux, surtout en ces temps modernes.
Le cas de notre pays nous interpelle tous. Englué, il y a quelques années seulement dans l’une des crises les plus aiguës de son existence, qui a failli menacer sa propre existence avec l’occupation des deux tiers du territoire par des barbares venus d’ailleurs, le Mali n’est pas encore totalement remis des traumatismes. Attaqué par des terroristes sur plusieurs endroits de son territoire (quel pays dans le monde aujourd’hui n’est pas victime de ces attaques barbares), le pays ne peut pas se payer le luxe de s’installer dans une crise politique et institutionnelle, née des troubles sur l’effectivité d’un mandat présidentiel en cours. Ceux qui y travaillent, en se rendant maîtres dans la déstabilisation et dans le dénigrement, le savent, comme une évidence de tous les temps.
Une chose est certaine : la démocratie se nourrit du respect des lois. Une belle illustration : la constitution de 1992. Elle unit toute la république : partisans, comme opposants, de la nouvelle révision constitutionnelle, en ce sens qu’elle garantit le libre choix à tous. La démocratie, pouvoir du peuple par le peuple, comme on le dit, s’exerce donc dans le cadre du respect des normes, dont la violation dénature son fondement et même son objet.
C’est à ce jeu républicain qu’est soumis le citoyen, dans un espace républicain. Et non à l’invective stérile sur fond de desseins pouvoiristes, malsains et sordides.
Par Sidi Dao
Source: info-matin