La guerre de leadership au sein des formations politiques a donné naissance à deux cent dix-sept (217) Groupements d’intérêt économique (GIE) politiques, pardon partis politiques qui se battent sur l’échiquier politique pour un strapontin sont tous des démembrements de trois (03) grandes formations politiques: ADEMA-PASJ, PDP et CNID. À titre d’exemple, la ruche (ADEMA) a donné naissance à: MIRIA, RPM, URD, ASMA-CFP, PDES, CODEM, Parti YÈLÈMA; MOREMA. PDP a éclaté pour devenir: le PDA (parti du Maïs), CDS-Mogotiguiya, MC-CDR, BARICA. Quant au CNID-FYT, il engendra: le PARENA, le BARA, le MPM. Le RDP d’Almamy Sylla connaîtra le même sort, il engendra, le PMDR, le RND et le CND (Bandiougou Bidia Doucouré).
Ainsi, se résume la vie des groupements d’intérêt économique, transformés en partis politiques au Mali. Pour des raisons de l’aide publique aux partis.
Au Mali, nous sommes passés du monopartisme au «multi-monopartisme». Qu’est que cela veut dire ? Nous sommes passés d’un système de parti unique à un système avec une multitude de partis qui gardent encore les réflexes du parti unique. On a chassé le naturel, il est revenu au galop ! Les partis ont perdu les attributs de structures associatives et se sont mués en entités bureaucratiques dirigées par des présidents inamovibles. Ces derniers ne manquent pas une occasion de vanter les mérites des débats démocratiques et de prôner l’alternance au sommet de l’État.
Cependant, la plupart d’entre eux ne souffrent guère la contradiction, encore moins la contestation, au sein de leur parti et se font reconduire indéfiniment par des congrès factices. De l’instauration du multipartisme à nos jours, nous ne connaissons aucun cas d’alternance à la tête d’un parti politique, c’est- à-dire le remplacement d’un président sortant, candidat à sa propre succession, par un président entrant, nouvellement élu.
Les querelles de leadership au sein des partis ont tendance à dégénérer en véritables guerres de tranchées, où le vainqueur garde jalousement sa «chose» et chasse le vaincu qui créé à son tour sa «chose», c’est-à-dire un nouveau parti dont il s’autoproclame président. Et le cycle reprend. La «chosification» des partis a conduit leurs dirigeants à des comportements grotesques. Il faut rester chef de parti à tout prix. Pour reprendre une expression de Houphouët Boigny, il vaut mieux être «la tête d’une souris» que «la queue d’un lion».
Autrement dit, il vaut mieux être le «grand chef» d’un petit parti que le «petit chef» d’un grand parti. On préfère jouer les premiers rôles dans une formation qui n’existe souvent que de nom plutôt que de se contenter d’être la deuxième ou troisième personnalité dans une grande formation qui a déjà acquis une certaine stature et une certaine notoriété. Les conséquences de ce phénomène étaient prévisibles: l’activité politique de ces trente dernières années a été marquée essentiellement par de multiples querelles intestines au sein des partis politiques. Ces querelles sont plus le fait de luttes d’influence et de conflits de leadership entre les responsables du parti que d’oppositions sur la vision et la ligne directrice du parti. Donc, ce sont moins des différences d’idées que de basses querelles de personnes et d’intérêts qui sont à la base des bouillonnements dans les partis politiques de l’ère démocratique.
À l’évidence, il y a une abondance de partis politiques au Mali. D’une quarantaine de partis légalement déclarés à l’approche des échéances électorales de 1992, le nombre est passé à plus de quatre-vingt-dix (90) au moment des consultations électorales de 2002. Or en dix (10) ans, le nombre d’électeurs n’a presque pas varié, passant de 5 233 432 pendant le référendum de janvier 1992 à 5 746 202 au moment des élections présidentielles d’avril 2002.
À la fin de l’année 2005, on comptait 103 partis politiques qui ont satisfait aux formalités de déclaration au niveau du ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, soit un parti pour 55 000 électeurs. Si cette ration reflétait le niveau d’encadrement des électeurs, le Mali, pays économiquement sous-développé, compterait sans doute parmi les pays politiquement développés. Malheureusement, la réalité est tout autre. Il convient de signaler que la prolifération des partis politiques n’est pas l’apanage du Mali. Le phénomène se rencontre dans la plupart des pays africains qui ont été secoués par la fièvre démocratiques des années 1990 A titre d’exemples, en 2004, le nombre de partis politiques légalement déclarés était de trente-neuf (39) au Niger, quarante-huit (48) au Burkina Faso, quatre-vingt (80) au Sénégal, 106 au Bénin.
Le record est peut-être détenu en Afrique par la République Démocratique du Congo (RDC), où le nombre de partis politiques reconnus officiellement atteignait 238 à la fin de l’année 2005.
Le Mali compte officiellement 212, en 2021. Avec la prolifération des partis politiques, nous avons indubitablement perdu en qualité ce que nous avons gagné en quantité. Il n’y a pas 212 projets de société mûris par les formations politiques et traduits en programme de développement économique et social cohérents. Il y a plutôt 212 variantes du même projet de société qui sont ressassées au public.
Le contenant change, mais le contenu reste le même. Tous les partis luttent contre les mêmes maux, défendent les mêmes causes et s’abreuvent à la même source de la pensée néolibérale.
Ali CISSÉ, «Mali: une démocratie à refonder»
NB: Le titre et le chapeau sont de la Rédaction
Source : L’Inter de Bamako