Hier mardi au moment où nous mettions sous presse tous les check-points sur la Route nationale N° 15 étaient toujours tenus par la milice dogon Dana Ambassagou, contrairement à l’annonce faite par le gouverneur de la région de Mopti, le général Abdoulaye Cissé. Les chasseurs dogon qui estiment agir pour le bien de la population, se disent prêts à décamper dès que l’armée réoccupe ses positions initiales pour la protection des populations et leurs biens abandonnés aux terroristes. Chronique d’un bluff éventré !
Le Premier ministre Boubou CISSE effectue du 22 et 23 février 2020 une mission dans la région de Mopti. À l’issue de cette visite de 48 heures, le chef du gouvernement a ordonné au gouverneur de lever des barrages dans plusieurs zones du centre du Mali tenus par des milices Dana Ambassagou. Pour le Premier ministre, ces check-points « illégaux constituent une atteinte grave à la souveraineté de l’État et sont des points d’insécurité pour les populations ».
Également, ils entravent les activités des populations de cette zone, dit-il. Dans la même foulée, un autre communiqué du gouvernement nuance : « il s’agit en outre, de positions où des versements d’argent sont imposés aux paisibles voyageurs soumis à des contrôles au faciès ; toute chose intolérable dans un État respectueux des droits de l’homme ».
Conformément à cette décision, le gouverneur, dans un communiqué en date du 26 février 2020, a affirmé avoir levé des dispositifs de check-point : « Le gouverneur de la région de Mopti informe l’opinion nationale et internationale que conformément aux instructions du Premier ministre, il a été procédé, ce jour 26 février 2020, à la levée de tous les check-points installés çà et là dans le pays dogon, notamment sur la RN15 et cela sans aucun incident ; grâce à la collaboration bienveillante des populations concernées sans distinction et l’intervention de nos forces armées appuyées de la MINUSMA ».
Le communiqué ajoute, « les forces armées seront désormais présentes sur le terrain pour assurer la sécurité de nos populations et de leurs biens conformément à leur mission et aux instructions des plus hautes autorités ».
La décision est loin de faire l’unanimité au Pays dogon où les populations estiment que la mise en place de ces mesures contribue à réduire le cycle violence et d’attaques dans leur localité. Pour elles, la décision du Premier ministre ne vise que Dan Na Ambassagou.
Quant à Youssouf Toloba, premier responsable de Dana Ambassagou, qui réagit, dans une vidéo, suite à la décision du chef du gouvernement, les check-points des chasseurs sont installés sur ce tronçon parce que les djihadistes profitaient de l’absence de l’État pour faire attaquer les passagers. Aussi, les responsables de la milice Dana Ambassagou croit connaitre les motifs d’un acharnement contre ses hommes : « À l’installation de ces check-points, j’ai instruit aux chasseurs de contrôler les patrons, ceux qui passent avec de belles voitures, car ce sont eux qui font entrer les armes », a affirmé le chef d’état-major de Dana qui dément tout racket de la part de ses éléments.
À M. Toloba de justifier les raisons de l’installation de ces barrages sur la RN15.
« Là où ils veulent vraiment qu’on quitte, c’est le lieu de passage direct des djihadistes qui traversent le fleuve pour semer la terreur de l’autre côté. Si on abandonne ces postes, rien ne les empêchera de rentrer à Bandiagara et ailleurs », a expliqué Youssouf Toloba, qui a précisé avoir sollicité auprès du Gouverneur de Mopti la présence de l’armée dans le secteur lors d’une rencontre, le 25 février dernier, sur la question de la levée des check-points.
« Nous leur avons dit de faire venir l’armée malienne dans toutes les zones que nous occupons. Et nous les chasseurs, nous allons entrer dans la forêt pour fouiller où se trouvent les forces du mal. Au lieu de cela, ils ont dépêché quelques éléments à notre poste de Mandoli. Et dès que ceux-ci sont arrivés, j’ai ordonné aux chasseurs de se replier dans la ville », a-t-il déclaré dans sa vidéo. Sur la question de la levée de tous les postes, le chef d’état-major de Dana Ambassagou s’est voulu très précis : « nous n’allons lever nos check-points qu’à l’arrivée des FAMa ».
Hier 3 mars 2020, nous avons pu joindre au téléphone le président de la jeunesse du Pays dogon qui confirme les propos du patron de la milice dongo.
« Notre position est claire dans cette décision, nous allons maintenir nos check-points jusqu’à l’arrivée des forces maliennes de sécurité pour venir protéger la population. Nous ne sommes pas contre la levée la décision du gouvernement, mais nous estimons qu’il y a des préalables », a indiqué le président Adaman.
Face à un État en déconfiture et une armée en reconstitution dans un contexte déferlement jihadiste sur le pays, le gouvernement a plutôt intérêt à collaborer avec ces groupes d’autodéfense, qui tant bien que mal, s’active pour combler un vide.
Par Sikou BaH
INFO-MATIN