L’honorable Diaby Gassama
L’Assemblée nationale s’apprête à examiner la demande de levée d’immunité parlementaire de 9 députés dont 6 impliqués dans les événements du nord du Mali, le célèbre avocat Me Mountaga Tall dans l’affaire l’opposant à Babani Sissoko et le bouillant Mamadou Hawa Gassama. Le ton a été donné le jeudi dernier à l’Assemblée nationale, avec la décision de la Conférence des présidents de mettre en place une Commission ad hoc de 15 membres, présidée par Me Kassoum Tapo, 4ème vice président de l’Institution, pour examiner leur cas.
Les députés mis en cause sont Me Mountaga Tall du Cnid-FYT, Mamadou Hawa Gassama et Moussa Berthé tous deux de l’URD, en plus de six autres députés ayant rejoint les groupes armés au Nord du pays et appartenant à l’Adema, à l’URD et au Pdes.
Me Mountaga Tall
La Conférence des présidents en sa réunion du jeudi 4 mai 2013, a mis en place une commission ad hoc de 15 membres désignés selon le principe de la proportionnelle : 5 de l’Adema-Pasj, 3 de l’URD, et 1 de chacun des autres groupes parlementaires, à savoir le Pdes, le RPM, l’ACM, la Codem, le MPR, le Parena et le Cnid. Avec comme rapporteur l’honorable Mme Camara Saoudatou Dembélé, présidente de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale. Le vice-président n’est autre que Moriba Keita du RPM qui, il faut rappeler Président de la précédente commission de levée de l’immunité parlementaire du député de Téssalit, Deyti.
Cette commission va examiner les dossiers fournis par le ministère de la Justice, en les étudiant au cas par cas et produire un rapport, à la lumière duquel, l’Assemblée nationale se prononcera sur la levée de l’immunité parlementaire de chacun de ces députés incriminés, lors d’une séance plénière.
Précisons que cette procédure répond à une demande du ministère de la Justice, en conformité à la Constitution du pays qui accorde une protection particulière aux députés dans l’exercice de leurs fonctions. C’est pourquoi, aucun parlementaire ne peut être poursuivi en justice sans l’autorisation de l’Assemblée nationale, qui statue dans ce cas pour lever l’immunité parlementaire dont jouit le député concerné.
Cela veut dire, qu’une fois l’immunité levée, les intéressés pourront être entendus comme n’importe quel justiciable par la justice. C’est dans ce cadre que l’Assemblée nationale a, en effet, été saisie d’une demande de levée de l’immunité parlementaire de ces 9 députés. Mais qui sont-ils et que leur reproche-t-on ?
Me Mountaga Tall
Député élu à Ségou, le président du Cnid est cité dans une affaire qui l’oppose à son collègue, l’honorable Babani Sissoko du Pdes qui avait déposé une plainte contre lui devant le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako, il y a près de 9 mois, pour abus de confiance, faux et usage de faux. Nous avions fait écho de ce conflit dans les colonnes de ce journal et les deux parties s’étaient plus ou moins livrées à un jeu de ping-pong que nous n’avions pas voulu arbitrer en les renvoyant à la justice qui suit son cours et qui devrait faire éclater la vérité. Rappelons que, selon le l’Honorable Babani Sissoko: «Pour tenter de justifier l’utilisation des fonds à lui confiés (ndlr : 700 millions Fcfa), Me Mountaga Tall a fabriqué des documents qui constatent comme vrais des faits faux, dans lesquels il a tantôt altéré la vérité de l’acte en falsifiant le montant, tantôt imité la signature des auteurs desdits actes ou encore en y écrivant des conventions autres que celles tracées ou dictées par les parties…». L’avocat de Babani Sissoko, dans sa requête, précisait bien que les faits constituaient « des crimes d’abus de confiance aggravé, de faux et usage de faux prévus et punis par les articles 282 alinéa 4, 102 et 104 du Code pénal».
Mamadou Hawa Gassama
Député URD élu à Yélimané , l’honorable Gassama est impliqué dans plusieurs affaires. Mais le dossier pour lequel la levée de son immunité est demandée, concerne l’affaire qui l’oppose à la maire de la Commune I, Mme Konté Fatoumata Doumbia, à propos de la décharge de Doumanzana. Mamadou Hawa Gassama est accusé d’avoir incité à la révolte les habitants de ce quartier qui ont failli lyncher, le 13 avril 2011, le maire Adéma de la Commune I, Mme Konté Fatoumata Doumbia. Rappelons que dès le lendemain de cette affaire, Le Comité exécutif de l’Adema-Pasj a décidé d’entamer des démarches pour obtenir la levée de l’immunité parlementaire du tonitruant député afin de le mettre à la disposition de la justice.
Moussa Berthé
Député URD élu à Sikasso, Moussa Berthé, non moins frère de l’ancien ministre de la Fonction publique, Abdoul Wahab Berthé, est également dans le collimateur de la justice à cause d’une affaire d’escroquerie. Le député de Sikasso est accusé d’avoir soutiré de l’argent auprès des candidats à la Fonction publique aux fins de les faire admettre à ce concours. Comprenez donc que faute d’avoir tenu ses promesses, certaines des victimes ont porté l’affaire devant les tribunaux.
Les six députes rebelles
Depuis les premières heures de la rébellion, au début de l’année 2012, les sieurs Ibrahim Ag Mohamed Assalek, élu à Bourem (Adéma Pasj), Alhgabass Ag Intallah, élu à Tin-Essako (Adéma Pasj), Ahmada Ag Bibi, élu à Abeibara (Adéma Pasj), Deity Ag Sidimou, élu à Tessalit (Pdes), Mohamed Ag Intallah et Atta Ag Ould Houd ont abandonné l’Assemblée nationale pour s’attaquer à la nation malienne dans les rangs du Mnla (Mouvement National de Libération de l’Azawad) et Ançar Eddine. Ils sont donc frappés par les mandats d’arrêt internationaux lancés par la justice malienne. Raison pour laquelle, la levée de leur immunité parlementaire a été demandée.
Il importe d’ailleurs de rappeler qu’auparavant, plusieurs députés avaient exigé la suspension des salaires et indemnités accordés aux députés rebelles.
Cependant, à l’annonce de la procédure enclenchée à l’Assemblée nationale pour la levée de l’immunité parlementaire de ces députés, les populations sont restées indifférentes parce que d’autres actions du même genre ont été initiées pour ne donner finalement aucun résultat, les députés faisant agir une solidarité, bien que malveillante dans ces cas, pour sauver la tête d’un collègue. En sera-t-il de même cette fois ? En tout cas, ce serait une première que de voir des députés répondre de leurs actes devant la justice. Ce serait déjà, pour l’Assemblée nationale, l’inauguration d’une nouvelle ère d’impunité qui pourrait augurer du nouveau Mali attendu à la fin des épreuves que nous traversons.
Nouhoum DICKO